L’article 326 alinéa 1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) prévoit que la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) «impute à l’employeur le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail survenu à un travailleur alors qu’il était à son emploi». L’alinéa 2 de cet article énonce toutefois que la CSST peut, de sa propre initiative ou à la demande d’un employeur, imputer le coût de ces prestations aux employeurs d’une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l’imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet, notamment, d’obérer injustement un employeur.

Le travailleur retourne vivre en France

La Commission des lésions professionnelles a récemment été saisie du cas d’un travailleur d’origine française qui vivait au Québec depuis 1984. En janvier 2012, ce dernier a subi une lésion professionnelle, soit une entorse lombaire avec sciatalgie et une hernie discale L5-S1. Le 26 juin suivant, alors que sa lésion n’était pas encore consolidée, le travailleur a avisé la CSST qu’il retournait vivre dans son pays natal. L’employeur a demandé un transfert d’imputation, alléguant qu’il était obéré injustement par l’imputation à son dossier des coûts découlant de la lésion professionnelle. À cet égard, il a notamment allégué que, étant donné le déménagement du travailleur, il était devenu impossible de l’assigner temporairement et de le convoquer à une expertise médicale, tel que le permet la LATMP.

Le juge rejette la demande de l’employeur

Le juge administratif Watkins a considéré que le système d’indemnisation mis en place par la LATMP, y compris les mesures de contrôle médical et administratif, fonctionnait adéquatement malgré l’éloignement du travailleur puisque ces mécanismes continuaient de s’appliquer conformément à une entente intervenue entre le gouvernement du Québec et celui de la France. Le juge a souligné que diverses démarches avaient été entreprises malgré l’absence du travailleur, notamment une évaluation médicale sur dossier par un médecin du Bureau d’évaluation médicale, la suspension des indemnités de remplacement du revenu versées au travailleur en vertu de l’article 142 en raison de l’omission de ce dernier de fournir certains documents, la convocation du travailleur à un examen médical auprès d’un médecin désigné par la CSST, le 28 novembre 2012, à l’occasion de sa présence au Québec pour y revoir ses enfants et la transmission du rapport obtenu du médecin désigné par la CSST au médecin traitant en France afin que ce dernier remplisse un rapport complémentaire.

Le juge a également rejeté l’argument de l’employeur voulant qu’il ait été empêché d’assigner temporairement le travailleur en raison de son départ pour la France. Il a rappelé qu’aucune assignation temporaire n’avait été autorisée avant le déménagement du travailleur, et ce, en raison de son état de santé. D’autre part, les médecins consultés par le travailleur à compter de son arrivée en France étaient tous d’avis que ce dernier avait besoin de traitements et qu’il était incapable de reprendre le travail. De plus, l’employeur n’a pas démontré qu’après le départ du travailleur il lui aurait offert du travail en assignation temporaire, ni même que celle-ci aurait été disponible.

Le juge a considéré que le choix du travailleur de retourner vivre en France était assimilable à une démission de sa part ou à une prise de retraite et qu’un tel choix ne pouvait être sanctionné puisque tout travailleur peut décider de mettre fin à son lien d’emploi.

D’autres décisions mettant en cause un déménagement

L’employeur obtient gain de cause

  • Le déménagement du travailleur a fait en sorte qu’il a perdu son médecin traitant et que les demandes d’assignation temporaire de l’employeur sont demeurées sans réponse (Marmen inc.).
  • Un pompier a mis fin à une assignation temporaire dûment autorisée en raison de son déménagement dans une autre ville afin d’y entreprendre une formation de technicien ambulancier (Ville de Dolbeau-Mistassini).

Le transfert d’imputation est refusé

  • L’assignation temporaire est d’abord une mesure visant à faciliter la réadaptation du travailleur. Une assignation temporaire hypothétique ou refusée ne peut permettre de soutenir une demande de transfert d’imputation (Construction JBA).
  • Le déménagement du travailleur, qui l’a empêché d’accepter l’assignation temporaire proposée par l’employeur, est une conséquence directe de sa mise à pied par l’employeur. Lorsque ce dernier s’est ravisé et a rappelé le travailleur au travail, ce dernier n’avait déjà plus d’appartement dans la région où était située l’entreprise (Mines NAP).

Références

  • Pommes Ma-gic inc. (C.L.P., 2014-06-04), 2014 QCCLP 3309, SOQUIJ AZ-51080760, 2014EXPT-1193.
  • Marmen inc. (C.L.P., 2012-11-22), 2012 QCCLP 7509, SOQUIJ AZ-50916465, 2012EXPT-2445.
  • Dolbeau-Mistassini (Ville de), (C.L.P., 2010-02-19), 2010 QCCLP 1429, SOQUIJ AZ-50610572, 2010EXPT-829.
  • Provigo Distribution inc. (Division Loblaws Québec), (C.L.P., 2008-01-09), 2008 QCCLP 78, SOQUIJ AZ-50466019.
  • Construction JBA (C.L.P., 2013-09-26), 2013 QCCLP 5790, SOQUIJ AZ-51006569, 2013EXPT-1943.
  • Mines NAP (C.L.P., 2013-01-30), 2013 QCCLP 583, SOQUIJ AZ-50932783, 2013EXPT-425.
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