L’article 439.1 du Code de la sécurité routière se lit ainsi:

439.1. Une personne ne peut, pendant qu'elle conduit un véhicule routier, faire usage d'un appareil tenu en main muni d'une fonction téléphonique.

Pour l'application du présent article, le conducteur qui tient en main un appareil muni d'une fonction téléphonique est présumé en faire usage.

Cette interdiction ne s'applique pas au conducteur d'un véhicule d'urgence dans l'exercice de ses fonctions.

Le premier alinéa ne vise pas une radio bidirectionnelle, à savoir un appareil de communication vocale sans fil qui ne permet pas aux interlocuteurs de parler simultanément.

Le ministre peut, par arrêté, prévoir d'autres situations ou types d'appareil qui ne sont pas visés par l'interdiction prévue au premier alinéa.

Cet article a fait couler beaucoup d’encre depuis son adoption, en 2007, compte tenu de la rigueur de son application. En outre, l’interprétation de l’expression «faire usage d'un appareil tenu en main muni d'une fonction téléphonique» a fait l’objet d’une jurisprudence abondante. On a aussi questionné la portée de son application. Ainsi, tout récemment, dans Montréal (Ville de) c. Njanda, un policier a observé la défenderesse au volant de son véhicule immobilisé à un feu rouge. Elle avait un téléphone cellulaire à la main et semblait parler. Il lui a donc remis un constat d’infraction. Devant la Cour municipale, la défenderesse a affirmé qu’elle ne faisait que regarder l’heure sur son téléphone. Saisi du dossier, le juge Randall Richmond, après avoir conclu à la crédibilité du témoignage de la défenderesse, a eu à trancher deux questions de droit.

1) Est-ce que l’infraction prévue à l’article 439.1 peut être commise lorsque le véhicule du défendeur est immobilisé à un feu de circulation?

À cette première question, le juge répond par l’affirmative, suivant ainsi une forte majorité jurisprudentielle. En outre, il retient que, alors que certains articles du code, dont notamment l’article 396, qui impose l’obligation de porter la ceinture de sécurité dans un véhicule routier «en mouvement», en vertu de l’article 439.1, l’interdiction est imposée à une personne pendant qu’elle «conduit» un véhicule. Pour le juge, si le législateur avait voulu limiter l’interdiction d’utiliser un téléphone cellulaire aux cas où le véhicule est «en mouvement», il aurait rédigé l’article en ce sens.

2) Est-ce que le simple fait de regarder l’heure sur son téléphone cellulaire est prohibé ?

Oui, répond le juge Richmond. Pour ce dernier, le fait de regarder l’heure sur sa montre en conduisant constitue une situation distincte notamment par le fait que les gestes ne requièrent pas d’enlever une main du volant: «Pour voir l’heure sur sa montre lorsqu’on conduit, on n’a qu’à tourner légèrement le poignet. […] Pour voir l’heure sur son téléphone, il faut enlever une main du volant, prendre le téléphone dans sa main, le porter à la hauteur des yeux et peser sur un bouton. Par la suite, il faut retourner le téléphone dans un endroit quelconque […].» (paragr. 28-29)

Rappelant que le risque d’accident est moins grand que lorsqu’un conducteur parle au téléphone ou lit un message texte, le juge Richmond réitère qu’il existe néanmoins une distraction de l’attention portée à la route et conclut que le législateur a choisi de ne pas se limiter à interdire la conversation téléphonique et l’échange de messages texte. Cette conclusion fait écho à Candiac (Ville de) c. Guy-Thomas ainsi qu’à Desgroseillers c. Montréal (Ville de). Dans cette dernière affaire, la Cour supérieure avait rejeté l’appel d’une condamnation en vertu de l’article 439.1 du code alors que l’appelant avait simplement regardé l’afficheur sur son téléphone cellulaire sans même appuyer sur un bouton. Or, de dire le juge Richmond : «Le temps requis pour lire le nom de quelqu’un sur un afficheur n’est pas vraiment plus long que le temps requis pour lire l’heure» (paragr. 35). Le juge précise qu’il est lié par la décision de la Cour supérieure en vertu de la règle du stare decisis.

Finalement, conscient du fait que sa décision peut en étonner certains, le juge Richmond rappelle que la plupart des véhicules sont dotés d’une horloge intégrée au tableau de bord et nous laisse sur cette conclusion : «le législateur québécois veut que les automobilistes conduisent avec les deux mains sur le volant et les yeux sur la route» (paragr. 39).

Références

  • Montréal (Ville de) c. Njanda (C.M., 2015-02-24), 2015 QCCM 40, SOQUIJ AZ-51152691. À la date de diffusion, cette décision n’avait pas été portée en appel.
  • Candiac (Ville de) c. Guy-Thomas (C.M., 2009-05-26), 2009 QCCM 156, SOQUIJ AZ-50557300.
  • Desgroseillers c. Montréal (Ville de), (C.S., 2011-11-18), 2011 QCCS 6091, SOQUIJ AZ-50806379, 2011EXP-3822, J.E. 2011-2101.