Alors que le nouveau Code de procédure civile est entré en vigueur le 1er janvier 2016, la hausse du seuil de compétence de la Division des petites créances (de 7 000 $ à 15 000 $) est entrée en vigueur un an plus tôt.
Le législateur entendait ainsi faire profiter le plus rapidement possible les justiciables de la procédure allégée propre aux petites créances.
Cet objectif a été atteint, et même plus!
En effet, de nombreux justiciables en ont profité pour hausser leur réclamation au-delà de la limite qui était en vigueur au moment où ils avaient initialement introduit leur poursuite, ce qui a donné lieu à une jurisprudence aussi abondante que contradictoire.
En effet, certains juges ont refusé de permettre l’amendement, estimant qu’un justiciable qui a volontairement réduit sa créance pour profiter du régime des petites créances a renoncé de manière irrévocable au reliquat de celle-ci.
D’autres se sont montrés moins catégoriques, jugeant que la renonciation à un droit devait être claire et non équivoque et que la simple réduction volontaire d’une créance était insuffisante à cet égard. Ainsi, ils refusaient de permettre l’amendement si une telle renonciation pouvait s’inférer des faits de l’espèce.
Un troisième groupe a décidé que les nouvelles dispositions applicables à la Division des petites créances étaient de nature substantive, lesquelles, contrairement aux règles strictement procédurales, ne s’appliquaient pas aux instances en cours.
Par ailleurs, l’amendement a été permis dans d’autres cas, où la hausse de la réclamation découlait de dommages additionnels, soit des dommages ayant été subis après l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions.
L’arrêt rendu par la Cour d’appel dans Mayco Financial Corporation c. Rosenberg a-t-il réglé la question?
Dans cette affaire, une requête avait valablement été déposée à la Cour du Québec avant l’entrée en vigueur de la réforme mais avait été signifiée après.
Or, selon l’article 13 de la Loi modifiant le Code de procédure civile et d’autres dispositions, les affaires qui, à la date de l’entrée en vigueur de la réforme, devenaient de la compétence de la Division des petites créances de la Cour du Québec se poursuivaient devant la Chambre civile de la Cour du Québec, qui en était déjà saisie.
Il s’agissait donc pour la Cour de déterminer à quel moment la Cour du Québec avait été saisie de l’affaire, soit au moment de la production à la Cour de l’action ou au moment de sa signification.
Selon la réponse apportée, le dossier allait ou non être déféré à la Division des petites créances.
Jugeant que la Cour du Québec avait été saisie dès le dépôt de la requête introductive d’instance, la Cour d’appel a déterminé que celle-ci conservait compétence, ajoutant, en conclusion, que « la hausse du seuil monétaire prescrite par l’article 13 LMPCP [Loi modifiant le Code de procédure civile et d’autres dispositions] s’appliqu[ait] aux demandes déposées après le 1er janvier 2015 ».
Se fondant sur cet extrait, les juges de la Division des petites créances se sont ensuite majoritairement ralliés au courant refusant l’amendement des dossiers déjà en cours lors de l’entrée en vigueur des nouvelles règles.
Pourtant, cet extrait, limpide en apparence, soulève de nombreuses questions et il est permis de se demander si la Cour d’appel entendait par là trancher la polémique jurisprudentielle entourant le droit de modifier (amender) une instance en cours.
C’est d’ailleurs la position qu’a adoptée l’honorable juge Tremblay dans Lavoie c. Québec (Ville de), où il a autorisé les demandeurs à hausser leur réclamation à 15 000 $.
Il reste à savoir si ce précédent demeurera isolé ou si le débat renaîtra de ses cendres.
Les auteurs du Blogue ne peuvent donner d'opinion ni de conseil juridique relativement aux situations personnelles des lecteurs.
Consultez un avocat ou un notaire pour obtenir des réponses appropriées à votre situation : visitez la Boussole juridique pour trouver des ressources gratuites ou à faible coût.