Les employeurs s’interrogent et appréhendent la légalisation de la consommation et de la possession du cannabis, à certaines conditions, prévue pour le 1er juillet 2018… Qu’en est-il ?
Les principaux défis auxquels font face les employeurs en matière de contrôle de l’alcool, de drogues et d’autres substances affaiblissant les facultés des salariés sont les suivants :
- Risques d’accidents du travail plus élevés;
- baisse de productivité et de rendement des employés; et
- risque d’absentéisme excessif.
Ces risques sont entraînés par des employés qui se présentent au travail «sous l’effet de l’alcool ou de la drogue» ou qui en consomment sur les lieux du travail, ou encore par des employés qui souffrent de maladies comme des dépendances à l’alcool ou aux drogues.
Droits et responsabilités de l’employeur et des employés
L’employeur a des obligations légales, notamment en vertu de l’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), qui exigent qu’il prenne des mesures afin de protéger la santé et la sécurité de tous les employés, tout en respectant leur droit à la protection de la vie privée ainsi qu’à l’intégrité physique et celui à des conditions de travail justes et raisonnables à l’occasion des contrôles qu’il met en place afin de satisfaire à ses obligations légales. Ce sont des droits prévus dans la Charte des droits et libertés de la personne et au Code civil du Québec (C.C.Q.).
Tous les employés doivent aussi veiller à leur santé et à leur sécurité au travail ainsi qu’à celles des autres en vertu de l’article 49 LSST. Ils doivent aussi, en vertu de leur contrat de travail, fournir leur prestation de travail avec diligence, prudence, loyauté et honnêteté (art. 2088 C.C.Q.).
Répercussions de la légalisation de la possession et de la consommation du cannabis du cannabis
Ce n’est pas parce que la consommation de cannabis ou sa possession à certaines conditions seront légales ou ne seront plus des infractions criminelles que l’employé pourra se présenter au travail en ayant fumé de la marijuana avant son quart de travail ou en consommer pendant les pauses en toute liberté sans être soumis aux interdictions de l’employeur contenues dans ses politiques.
À cet égard, on peut faire un parallèle avec la consommation de l’alcool au travail.
Par exemple, les politiques qu’il a déjà adoptées et qui régissent l’alcool et la drogue – dont le cannabis ? dans le milieu de travail vont continuer à s’appliquer.
Ce qui va probablement évoluer pour l’employeur :
- la possible augmentation de consommation de cannabis par la population en général, et donc par des employés, qui sont susceptibles de se présenter au travail sous l’effet du cannabis;
- une possible augmentation d’ordonnances de cannabis à usage thérapeutique par les médecins étant donné une plus grande acceptabilité sociale. C’est au fil du temps que l’on va observer ces changements potentiels et que la jurisprudence se développera à ce sujet.
L’importance d’adopter des politiques claires
L’employeur doit :
- adopter des politiques qui interdisent la possession, la consommation, le trafic d’alcool et de drogues ou autres substances altérant les facultés du salarié sur les lieux du travail ainsi que le fait d’être sous leur effet à l’occasion de la prestation de travail ;
- faire connaître sa politique aux employés ;
- éduquer les employés sur les problèmes reliés à l’utilisation d’alcool et de drogues en milieu de travail ;
- viser à prévenir cet usage ;
- former les superviseurs à reconnaître les symptômes, les signes ou les comportements qui sont indiqués dans la politique et qui dénotent qu’il y a intoxication ou dépendance.
- prévoir l’imposition de tests de dépistage s’il a un motif sérieux de le faire, à certaines conditions et dans des situations très limitées;
- prévoir des mesures à adopter à l’égard des personnes souffrant de dépendances;
- imposer des mesures disciplinaires en cas de contravention à la politique.
Les mesures disciplinaires
Un manquement aux règles de santé et de sécurité du travail constitue une faute grave qui peut entraîner le congédiement à la première offense, surtout dans les milieux de travail dont les postes sont à risque élevé d’accidents ou ceux qui mettent en jeu la sécurité du public et où les salariés doivent répondre à des situations d’urgence.
À titre d’exemples :
Consommation sur les lieux du travail (cannabis)
Le congédiement imposé à un mécanicien dans une usine de production de pièces d’aluminium pour avoir consommé de la marijuana sur les lieux du travail a été confirmé, même s’il avait pris une très petite quantité de cette substance.
Syndicat des travailleuses et travailleurs de l'industrie et du commerce, no 745 et Canimex inc. (Éric Quessy), (T.A., 2011-10-24), SOQUIJ AZ-50798850, 2011EXPT-2039, D.T.E. 2011T-751.
Le congédiement imposé à un livreur pour avoir fumé de la marijuana avant et pendant son quart de travail entre deux livraisons est confirmé; le fait que la faute commise ait pu compromettre la santé et la sécurité de cet employé ainsi que celles d'autres personnes constitue un facteur aggravant.
Comité syndical des Rôtisseries Benny (Longueuil) inc. et Benny BBQ Longueuil inc. (Guy Niquette), (T.A., 2016-02-09), 2016 QCTA 72, SOQUIJ AZ-51253617, 2016EXPT-522, D.T.E. 2016T-200.
Pauses et heures du dîner
Il n’est pas plus permis d’en consommer dans le stationnement de l’employeur, aux pauses ou à l’heure du dîner;
Parmalat Canada inc. et Teamsters Québec, local 1999 (Jean Couture), (T.A., 2016-10-31), 2016 QCTA 937, SOQUIJ AZ-51350667, 2017EXPT-285;
Brasserie Labatt et Union des routiers, brasseries, liqueurs douces et ouvriers de diverses industries (Teamsters Québec), section locale 1999 (Nelson Boutin), (T.A., 2006-04-24), SOQUIJ AZ-50369495, D.T.E. 2006T-524.
L’interdiction peut s’appliquer «hors des lieux du travail» (cannabis)
Un chauffeur d’autobus sur appel, qui devait effectuer des trajets aux États-Unis et qui avait fumé de la marijuana hors des lieux du travail a été congédié au motif qu’il avait obtenu un résultat positif à un test de dépistage de drogues.
La politique de «tolérance zéro» de l’employeur, qui prévoit une interdiction de consommer «en tout temps», ne viole pas le droit à la vie privée du plaignant.
Union des employées et employés de service, section locale 800 et Autobus Fleur de Lys (René Deschênes), (T.A., 2008-11-27), SOQUIJ AZ-50523579, D.T.E. 2009T-15.
Réputation de l’employeur
Dans le cas où c’est la réputation de l’employeur qui est en jeu, où les employés sont en contact avec la clientèle ou donnent des soins, etc., l’employeur pourrait être tout autant fondé à imposer l’exigence d’avoir un taux d’alcool nul à leur arrivée au travail et pendant toute leur prestation de travail.
Par exemple, l’interdiction de l’employeur pourrait aller jusqu’à interdire :
- D’offrir de l’alcool aux collègues
Une téléphoniste dans un hôtel a été suspendue trois semaines pour avoir offert à des collègues et à son superviseur de l’alcool provenant d’une bouteille donnée par un client.
Syndicat des travailleuses et travailleurs du Sheraton Centre (CSN) et Société en commandite Clocktower (Centre Sheraton Montréal) (Annick Verdier), (T.A., 2006-04-12), SOQUIJ AZ-50368398, D.T.E. 2006T-454. - De dégager une odeur d’alcool
Une éducatrice dans un centre de la petite enfance avait été initialement congédiée parce qu’elle dégageait une forte odeur d’alcool. Ici, le congédiement a été annulé parce qu’elle n'avait pas consommé d'alcool au travail, ne s'y était pas présentée sous l'effet de celui-ci et n'avait pas manifesté un comportement résultant d'une telle consommation, soit les situations mentionnées dans le manuel de l'employé.Par contre, elle a été suspendue huit semaines parce qu’elle dégageait une forte odeur d’alcool à son arrivée au travail, ce qui a été considéré comme une faute grave.
Centre à la petite enfance Beauce-Sartigan et Travailleuses et travailleurs unis de l'alimentation et du commerce, section locale 509 (Guylaine Vachon), (T.A., 2008-11-17), SOQUIJ AZ-50529119, D.T.E. 2009T-95.
Enfin, si l’employeur n’a pas de politique à cet égard, si le salarié n’occupe pas un poste sensible pour la sécurité et si la réputation de l’employeur ne semble pas en jeu ?
L’employé devrait retenir ceci : dans le doute, on s’abstient !
Pour détecter si un employé à consommé du cannabis, est-ce qu’il existe des tests, autres que se fier sur les symptômes physiques, qu’on peut faire passé aux employés? Si oui, peut-on, sans préavis, faire passer de tels tests à l’employé si cela est spécifié dans les règlements de la compagnie.
Oui, il existe des tests. Salivaires et Urinaires. Ils sont efficaces.
Pour la légalité, validez ma réponse auprès d’un avocat, ceci ne constitue pas un avis juridique.
Il faut tout d’abord un employé qui occupe un poste critique pour la sécurité. Mais cela n’est pas suffisant.
Il faut de plus, 1 des 4 situations suivantes:
1- avoir un motif raisonnable de soupçonner que le travailleur est sous l’effet (observations de signes objectifs)
2-suite à un accident ou un incident grave
3-Retour au travail suite à une entente de dernière chance
4-Un problème important au sein de l’entreprise
Le canabis se consomme dans les milieux de travail depuis belle lurette,à mon avis un encadrement rigoureux sera extrêmement important je suis chargé de projet dans le milieu de la construction et j en ai vu des accidents de toute sorte allant de la simple chute à l amputation d une main subi par un ouvrier qui consommait du canabis matin midi et soir .Il ne faut jamais oublier que la consommation de cette substance rend les gens distrait moins attentif et ralentit les réflexes alors attendons-nous a voir une augmentation des accidents de travail .La prévention et le dépistage seront des outils essentiels pour les entreprises de notre beau grand pays ,reste à voir si le gouvernement contribuera à rembourser les coûts relier à une telle opération
Un article très éclairant,
Si certains employeurs se sentent mal-à-l’aise avec l’idée de devoir gérer des cas individuel de consommation du cannabis au travail je leur suggèrerais de se référer à la loi C-21 sur la diligence raisonnable, plus spécifiquement au devoir d’autorité. La tolérance du travail en état d’intoxication, autant faible soit-il, risque d’ouvrir la porte à des blessures au travail dont le dirigeant pourrait être jugé responsable si son règlement sur le cannabis et ses sanctions ne sont pas jugées suffisamment dissuasives.
Je vous invite à consulter l’article sur la diligence raisonnable et sur ses origines que j’ai rédigé pour Formatrad à l’adresse suivante pour plus de détails : http://www.formatrad.ca/fr/infolettre-1-la-diligence-raisonnable/
Merci encore pour cet article très intéressant,
Marc-Antoine Giguère, Groupe Formatrad