Suspension des procédures

Lorsqu’une société a déposé un avis d’intention de déposer une proposition concordataire, la Loi sur la faillite et l’insolvabilité prescrit la suspension des procédures entreprises contre elle, de manière à lui laisser la marge de manœuvre nécessaire pour mener à bien sa restructuration.

Rien n’empêche toutefois un créancier de demander au tribunal de lever cette suspension et d’autoriser la poursuite d’un litige hors du processus d’insolvabilité.

Le cas très récent d’Écolait

Le tribunal a été saisi d’une pareille demande dans l’affaire Avis d’intention de 2993821 Canada inc. (Écolait ltée). La particularité de cette affaire réside dans le fait que le litige en cause est une action collective.

La suspension des procédures faisait en sorte que les réclamations des membres du groupe, comme celles de tous les autres créanciers, allaient devoir faire l’objet d’une adjudication sommaire par le syndic à la proposition, dont la décision allait ensuite pouvoir être révisée par un juge de la Cour supérieure.

Bref, après s’être battus jusque devant la Cour d’appel pour être autorisés à agir sur une base collective, les membres du groupe se retrouvaient de nouveau à devoir faire valoir leur créance individuellement.

Le tribunal en a décidé autrement

D’une part, le juge a estimé que les membres du groupe subiraient un préjudice sérieux si l’autorisation n’était pas accordée pour, à tout le moins, leur permettre d’établir le quantum de leur réclamation respective.

D’autre part, il s’est montré d’avis que l’intérêt de la justice militait en faveur de la levée de la suspension, puisqu’un juge siégeant en matière d’action collective allait être mieux placé que le syndic ou même un juge de la Chambre commerciale pour trancher les questions complexes en cause.

Il lui a également semblé que l’intérêt de la débitrice commandait de fixer le sort d’un groupe de créanciers qui, advenant une décision en leur faveur, contrôlerait aisément le sort de la proposition à venir.

Enfin, le juge ne s’est pas laissé émouvoir par le fardeau additionnel que la poursuite de l’action collective pourrait faire peser sur les épaules de la débitrice :

[43] Outre le fait que la poursuite de l’action collective puisse occasionner des honoraires juridiques additionnels à Écolait, le Tribunal n’est pas du tout convaincu que l’autorisation accordée dissiperait inutilement les efforts présentement consacrés par le Syndic et les trois derniers employés d’Écolait à réaliser les derniers éléments d’actifs de la débitrice et de ses filiales. Il s’agit d’une situation où les avocats d’Écolait ont déjà la situation bien en main, d’autant plus qu’ils ne sont pas ceux qui s’occupent des procédures en insolvabilité et qu’ils pourront continuer de représenter les intérêts de celle-ci dans l’action collective qui devrait être fixée à procès dans un avenir rapproché.

Il semble bien que ce soit la première fois au Québec qu’une action collective est autorisée à se poursuivre contre une société ayant entrepris un processus de restructuration.

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