Selon les prévisions météorologiques, on devrait connaître un été «normal» cette année. On ne saurait toutefois ignorer que les périodes de canicule sont de plus en plus fréquentes. Que celles-ci soient attribuables ou non au réchauffement de la planète, il n’en demeure pas moins que les travailleurs doivent s’affairer à leurs tâches. Or, la chaleur peut se révéler dangereuse et être à l’origine de lésions professionnelles. Selon la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), en moyenne, 17 travailleurs par année seraient victimes d’un malaise résultant de la chaleur.

Le coup de chaleur 

La pathologie la plus fréquente associée à l’exposition à des chaleurs élevées est le coup de chaleur. Cette condition survient en cas de défaillance des mécanismes de l’organisme chargés de contrôler la température du corps, laquelle augmente et peut atteindre plus de 40 degrés Celsius. Il s’agit d’une condition sérieuse qui peut mettre la vie d’une personne en danger. Crampes musculaires, frissons, maux de coeur, maux de ventre, étourdissements ou vertiges, fatigue inhabituelle et maux de tête sont des symptômes annonçant qu’un coup de chaleur est imminent. Confusion, incohérence des propos, agressivité, perte d’équilibre, perte de connaissance et vomissements sont les symptômes les plus alarmants d’un coup de chaleur.

De manière générale, la jurisprudence reconnaît que le diagnostic de «coup de chaleur» constitue une blessure au sens de l’article 28 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Par conséquent, un travailleur pourrait bénéficier de cette présomption en démontrant que sa blessure ‑ le coup de chaleur ‑ est survenue au travail alors qu’il effectuait son travail, ce qui allège son fardeau de preuve.

Des cas vécus

Les coups de chaleur ne surviennent pas qu’aux travailleurs exerçant leurs tâches à l’extérieur, contrairement à ce que l’on pourrait croire de prime abord. Ils peuvent également survenir à ceux qui travaillent à l’intérieur des locaux de l’employeur. Voici quelques exemples tirés de la jurisprudence :

Dans Lefebvre et Industries John Lewis ltée, la travailleuse, une opératrice de machines fixes, avait ressenti un malaise en travaillant pendant 2 heures près de machines dégageant de la chaleur. La température extérieure se situait à 27,9 degrés Celsius, soit 32 degrés Celsius avec le facteur humidex. Le Tribunal a retenu que la température à l’intérieur de l’usine dépassait la température extérieure. La travailleuse a bénéficié de la présomption de lésion professionnelle lorsqu’elle a reçu le diagnostic de coup de chaleur.

Dans Textiles Mercedes ltée et Veitas, le travailleur, un mécanicien d’usine, avait ressenti un malaise alors qu’il travaillait au deuxième étage de l’établissement et qu’il était entouré de machines dégageant beaucoup de chaleur. La température intérieure se situait à 32 degrés Celsius et le taux d’humidité, à 50 %. Encore une fois, le travailleur a bénéficié de la présomption de lésion professionnelle pour le diagnostic de coup de chaleur posé à son endroit. 

Dans  Burdalski et STM (réseau des autobus), le travailleur, un chauffeur d’autobus, avait ressenti des malaises et avait perdu connaissance au volant de son autobus. La température extérieure se situait à environ 34 degrés Celsius, soit au-dessus de 45 degrés Celsius avec le facteur humidex. Il a bénéficié de la présomption de lésion professionnelle pour le coup de chaleur et l’hypotension diagnostiqués chez lui.

Autres pathologies causées par la chaleur 

La chaleur excessive ne cause pas que des coups de chaleur. Elle peut également être à l’origine d’autres pathologies, notamment des problèmes cardiaques.

Dans Rolland Grenier Construction ltée et Sergerie (Succession de), il s’agissait d’un jeune travailleur de 27 ans qui occupait un emploi de manœuvre spécialisé en désamiantage. Ce dernier ne savait pas qu’il était porteur d’une maladie coronarienne jusqu’alors silencieuse. Le jour de l’événement, il travaillait sur un échafaudage à retirer l’isolation à l’amiante dans une école lorsqu’il s’est effondré et est décédé. Les rapports de l’inspecteur de la CSST et d’une firme extérieure avaient conclu que les normes pour ce type de chantier avaient été respectées. Le Tribunal administratif du travail a déterminé qu’il pouvait conclure à la survenance d’un accident du travail. En ce qui concerne l’événement imprévu et soudain, il a retenu que :

«[61]        Dans les cas de maladie cardiaque, la jurisprudence reconnaît qu’un effort physique peut, dans certains cas, constituer l’événement imprévu et soudain. En l’espèce, la température extérieure le jour de l’événement était de 27Celsius à l’aéroport Pierre-Elliott Trudeau. La preuve ne révèle toutefois pas la température ambiante à l’intérieur de l’école où se trouvait le travailleur avant son décès. Néanmoins, il est permis de penser que la température y était nettement plus élevée puisque la pièce était parfaitement scellée et qu’il y avait de l’humidité dans l’air. Tant monsieur Dubé que monsieur Desrosiers ont témoigné que la température est plus humide à l’intérieur de la pièce qu’à l’extérieur puisque tout est hermétiquement scellé et qu’il y a moins de circulation d’air.

[62]        De plus, le travailleur s’activait en hauteur près du plafond et il ressort du témoignage de monsieur Desrosiers que c’est l’endroit où la température est la plus élevée dans la zone. Qui plus est, les travaux de décontamination avaient lieu dans une école à toit plat de sorte que le soleil plombe particulièrement fort sur ce type de surface.

[63]        Enfin, la preuve révèle que le travailleur portait une combinaison hermétique qui ne permettait pas l’évacuation de la transpiration. Bien qu’il ait déjà été soumis à de telles conditions climatiques par le passé, voire à des conditions plus extrêmes, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit de conditions de travail difficiles et que le travailleur a dû déployer des efforts importants. En effet, le Tribunal a déjà décidé qu’on ne peut qualifier ces efforts d’habituels du simple fait qu’ils peuvent se présenter de façon aussi sporadique.

[64]        Le Tribunal considère que cette combinaison de contraintes climatiques associée aux types d’activités et d’efforts physiques appréciables que devait fournir le travailleur peut être assimilée à un événement imprévu et soudain au sens élargi. En effet, le Tribunal a déjà considéré que même s’il ne possède pas le caractère inhabituel au sens d’exceptionnel, l’exigence des tâches du travailleur combinée aux contraintes climatiques est suffisante pour conclure à un événement imprévu et soudain.»

Le Tribunal a conclu que cet événement imprévu et soudain avait précipité l’épisode cardiaque à l’origine du décès du travailleur.

La CNESST et l’IRSST ont développé certains outils qui peuvent guider les employeurs et les travailleurs en cas de chaleur excessive. Voici quelques liens qui pourraient être utiles :

http://www.csst.qc.ca/prevention/theme/coup_chaleur/Pages/coup-de-chaleur.aspx

http://www.irsst.qc.ca/actualites/id/355/coup-de-chaleur-trois-outils-pour-leviter

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