Les inondations du printemps au Québec sont devenues un sujet d’actualité incontournable depuis quelques années. Le gouvernement du Québec a adopté des décrets pour indemniser les sinistrés. Toutefois, cela mène parfois à des litiges. En voici 4 exemples.

Immeuble commercial et structure d’entreprise

Dans Gestion Blanclerc inc. c. Québec (Procureure générale), l’immeuble commercial de l’entreprise demanderesse a été lourdement endommagé lors d’inondations survenues en avril 2014. Le ministre de la Sécurité publique a refusé d’indemniser cette entreprise et ses 2 actionnaires en vertu du Décret concernant l’établissement du Programme général d’aide financière lors de sinistres réels ou imminents au motif que l’entreprise ne constituait pas la principale source de revenus de ses actionnaires et que, de ce fait, la demanderesse n’était pas admissible en raison des dispositions du programme.

La Cour supérieure, saisie d’un pourvoi en contrôle judiciaire, a confirmé la décision du ministre. Elle a jugé que le refus d’indemniser la demanderesse pour les dommages à l’immeuble reposait sur une interprétation stricte de l’article 39 de l’annexe I du programme, qui prévoit que seules les sociétés par actions qui constituent le principal moyen de subsistance des actionnaires détenant au moins 50 % des actions avec droit de vote sont admissibles à l’aide de l’État.

De la même façon, le refus du ministre d’accorder une aide additionnelle à une entreprise appartenant à l’un des actionnaires de la demanderesse et exploitant un restaurant dans l’immeuble se fonde sur une application stricte des critères prévus à l’article 42 de l’annexe I du programme. Cette entreprise devait être propriétaire et non locataire afin d’obtenir une aide pour les dommages causés au bâtiment.

En somme, la structure d’entreprise mise en place par les actionnaires ne cadrait pas avec les critères établis par le programme afin d’obtenir une aide financière pour leur immeuble endommagé, critères que le ministre a appliqués à la lettre.

Vente d’un terrain

Dans Québec (Procureure générale) c. Dulude, la résidence des défendeurs a été inondée au printemps 2011. Ils ont choisi de la faire démolir et ont été indemnisés en conséquence par le Décret concernant l’établissement d’un programme d’aide financière spécifique relatif aux inondations survenues du 10 avril au 6 mai 2011, dans des municipalités du Québec. Ils ont par la suite reçu une indemnité 15 741 $ pour la valeur de leur terrain.

Le ministre de la Sécurité publique les a informés que la municipalité avait refusé d’acquérir ce terrain et qu’ils en demeuraient propriétaires mais que, s’ils décidaient de le vendre pour une somme supérieure à 1 $, ils devraient rembourser le moindre des montants entre celui de la vente et celui du dédommagement versé.

Les défendeurs ont vendu leur terrain 10 000 $. Le ministre leur a réclamé le remboursement d’une somme de 10 000 $. Les défendeurs ont demandé sans succès la révision de cette décision.

Ils ont prétendu qu’ils avaient vendu le terrain ainsi qu’une remise pour des contreparties respectives de 1 $ et de 9 999 $. Or, selon la Cour du Québec, le contrat notarié ne contient aucune mention indiquant une ventilation du prix. La lecture de cet acte authentique démontre de façon claire que les défendeurs ont vendu un terrain pour 10 000 $.

De plus, la Cour du Québec a indiqué qu’elle n’était pas compétente pour se prononcer sur le bien-fondé d’une décision du ministre ayant rejeté une demande de révision.

Enfin, lorsque la municipalité a refusé d’acquérir le terrain, le ministre aurait pu réclamer l’indemnité versée. Il a plutôt avisé les défendeurs qu’ils demeuraient propriétaires mais que, en cas de vente du terrain, ils devraient rembourser soit l’indemnité reçue, soit le montant de la vente.

Les défendeurs ont vendu le terrain 10 000 $. Ils doivent donc rembourser cette somme.

Indemnité d’assurance et compétence de la Cour du Québec

Dans Québec (Procureure générale) c. Lenard, la Cour du Québec a rappelé que le ministre de la Sécurité publique avait mis en oeuvre le Décret concernant l’établissement d’un programme d’aide financière spécifique relatif aux inondations survenues du 10 avril au 6 mai 2011, dans des municipalités du Québec pour les personnes ayant subi des dommages à leur résidence principale, dans la mesure où ceux-ci ne font l’objet d’aucune indemnité d’assurance.

Le défendeur a présenté une demande d’aide financière et a reçu une somme de 11 123 $. Le ministre a appris par la suite qu’une indemnité d’assurance de 17 030 $ lui avait été versée. Il lui a réclamé le remboursement de l’aide financière reçue.

Le défendeur a demandé sans succès la révision de cette décision et a contesté la réclamation. Or, la Cour du Québec a indiqué que la décision sur demande de révision était finale et sans appel puisque aucune disposition législative ne prévoit d’appel.

En effet, aucun des décrets autorisant la mise en oeuvre du programme ne donne compétence au tribunal pour se prononcer sur la contestation d’une décision rendue dans le contexte de celui-ci. Il en va de même pour la Loi sur la sécurité civile, qui est la loi habilitante du programme, ainsi que pour la Loi sur la justice administrative.

La Cour du Québec a conclu qu’elle ne peut siéger en appel d’une décision sans qu’une loi habilitante lui confère compétence. En conséquence, elle doit donner effet à la décision administrative.

Travaux et remplacement de biens meubles

Enfin, dans Québec (Procureure générale) c. Ronaldi, la maison du défendeur a été gravement endommagée par les inondations de 2011. Il a reçu une somme du ministre de la Sécurité publique pour réparer les dommages à l’immeuble et remplacer ou réparer ses biens meubles. Afin de bénéficier de l’aide financière, le défendeur s’est engagé à fournir au ministre les pièces justificatives liées aux montants reçus.

Le ministre lui a réclamé une somme de 3 845 $, correspondant à l’aide financière versée pour les dommages causés à ses biens meubles essentiels. Le défendeur a admis qu’il n’avait pas utilisé la somme obtenue à cette fin. Il l’a plutôt utilisée pour payer des travaux à sa résidence rendus nécessaires par les inondations pour lesquels l’aide financière reçue n’était pas suffisante.

La Cour du Québec a indiqué qu’elle ne pouvait procéder à la révision ni à l’appel de la décision du ministre alors que le défendeur n’avait pas respecté les dispositions de la Loi sur la sécurité civile et du Décret concernant l’établissement d’un programme d’aide financière d’aide spécifique relatif aux inondations survenues du 10 avril au 6 mai 2011, dans des municipalités du Québec, notamment en ce que les sommes reçues pour le remplacement de ces biens meubles n’avaient pas été utilisées à cette fin.

Conclusion

Avec les inondations qu’a connues le Québec au printemps 2017 et qui semblent comporter encore à ce jour son lot de situations non réglées, on peut croire que de nouveaux litiges vont se retrouver devant les tribunaux, dans la mesure où ces derniers auront compétence pour se prononcer sur les décisions rendues par le ministre de la Sécurité publique.

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