Il y a 2 ans, je vous parlais de ces 2 frères qui avaient intenté un recours contre eBay, estimant que celle-ci avait commis une faute en retirant sans préavis l’annonce qu’ils avaient placée sur son site de vente aux enchères d’une paire de chaussures achetée au coût de 280 $ et dont la plus haute mise avait atteint 98 000 $. La juge de première instance leur avait donné raison et avait condamné eBay à leur verser 86 700 $ au motif que celle-ci n’avait pas respecté ses obligations conformément aux articles 2126 et 2129 du Code civil du Québec en mettant fin à l’enchère sans préavis, ce qu’elle avait assimilé à une résiliation de contrat.

Or, la Cour d’appel vient de casser cette décision. Selon elle, la juge a erré dans sa qualification de la situation juridique en cause. Elle n’aurait pas dû analyser la question sous l’angle de la résiliation unilatérale d’un contrat, qui entraîne l’anéantissement de la relation contractuelle pour l’avenir, mais plutôt se prononcer sur le caractère raisonnable ou abusif de l’exercice d’un droit par eBay dans l’exécution continue du contrat.

En l’espèce, devant l’accroissement soudain des mises à l’égard du produit mis en vente par un utilisateur qui n’avait aucun historique de ventes, et vu la courte durée de l’enchère (3 jours) ainsi que l’utilisation d’une photographie générique des chaussures, la Cour a conclu qu’eBay n’avait pas fait preuve d’abus de droit ni commis de faute en retirant l’enchère. Elle a agi ainsi afin de maintenir l’intégrité de la plateforme et la confiance de ses utilisateurs, et ce, sans pour autant mettre fin à sa relation contractuelle avec les vendeurs ni même désactiver leur compte ou en suspendre l’utilisation. Ces derniers ont d’ailleurs pu remettre les chaussures en vente quelques heures plus tard.

eBay a donc le droit implicite de surveiller et de régulariser l’usage que font les utilisateurs de sa plateforme, dans un objectif légitime de protection mutuelle. Cela comprend le droit contractuel explicite de retirer une enchère dans le cas où il est raisonnable de croire à un usage abusif ou illégal de la plateforme.

Enfin, même si eBay avait commis une faute, la Cour d’appel a retenu qu’il est plutôt improbable et incertain que les vendeurs auraient effectivement réussi à se faire payer 98 000 $ pour les chaussures mises en vente. En effet, au moment du retrait de l’enchère, d’autres chaussures du même modèle annoncées sur eBay faisaient l’objet d’enchères n’excédant pas 3 200 $…

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