L’actualité est riche en événements où il est possible de conclure qu’un meurtre a été commis, et ce, même en l’absence d’une dépouille.

De récente mémoire

Le corps du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, assassiné le 2 octobre 2018 dans le consulat de son pays à Istanbul, ne sera probablement jamais retrouvé; un responsable turc a affirmé que son corps avait été démembré et dissous dans l’acide, possiblement plusieurs jours après sa mort.

Plus près de nous, le 1er novembre 2018, la résidence de Josiane Arguin, disparue depuis 2 mois, a été fouillée à la recherche d’indices par des enquêteurs du Service de police de la Ville de Montréal, des experts de l’unité des crimes majeurs de la Sûreté du Québec et des techniciens de l’identification judiciaire, assistés par des chiens détecteurs de cadavres. Le lendemain, son conjoint, Simon Brind’Amour, a été accusé du meurtre au second degré de madame Arguin et d’outrage à son cadavre, dont il aurait disposé dans les poubelles et qui n’aurait pas été retrouvé.

La possibilité d’accuser un suspect de meurtre en l’absence de cadavre a aussi été invoquée lors de la disparition de Gilles Giasson, en mai 2018. Des accusations de meurtre et d’outrage au cadavre ont été portées contre son fils après que des éléments de preuve permettant de privilégier la thèse du meurtre ont été trouvés par les policiers dans un site d’enfouissement en Mauricie.

L’affaire Marseille

Mais une déclaration de culpabilité est-elle possible?

L’exemple du meurtre de David Mutunzy le démontre bien.

Au terme d’un procès tenu devant jury, Marchath Marseille a été déclaré coupable du meurtre au second degré de David Mutunzy, alors âgé de 17 ans. Celui-ci était arrivé depuis peu dans l’appartement de 2 amis lorsque Marseille, qui s’y trouvait déjà, a braqué une carabine sur lui et a tiré, le tuant sur le coup. Tous ont pris la fuite, mais Marseille est revenu à l’appartement plus tard en soirée. Il y serait resté une dizaine de minutes, accompagné d’une autre personne. Des traces de sang ont été trouvées sur les bords extérieur et intérieur du coffre de la voiture de Marseille, ainsi que sur une paire de jeans retrouvée dans ce coffre. Des objets tachés du sang de la victime ont aussi été découverts dans un bac industriel situé dans le stationnement de l’immeuble de l’appartement où Mutunzy aurait été tué. Marseille n’a pas témoigné lors de son procès, et le corps de la victime n’a jamais été retrouvé.

Dans son jugement sur la peine, le juge Brunton, de la Cour supérieure, rapporte que Marseille a refusé de fournir les renseignements qui auraient permis la découverte du corps, et ce, même si celui-ci avait reçu l’assurance que ces renseignements ne seraient pas utilisés contre lui. Par ailleurs, le juge a considéré le mutisme de Marseille comme un facteur aggravant dans la détermination de la peine. Il l’a condamné à l’emprisonnement à perpétuité et a ordonné qu’il soit inéligible à une libération conditionnelle pendant une période de 13 ans. La Cour d’appel a confirmé le verdict de culpabilité, soutenu par la preuve présentée au procès, et a refusé de modifier la peine, précisant toutefois que le silence de Marseille au sujet de la dépouille de la victime ne pouvait pas, en l’espèce, constituer une circonstance aggravante.

Pour aller plus loin…

Un article de Wikipédia, en anglais, recense des condamnations pour meurtre dans différents pays alors qu’aucun corps n’avait été retrouvé.

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