« Le saviez-vous? Chaque année, la fatigue au volant cause en moyenne 78 décès et 8 532 blessés. Les accidents ont généralement lieu en milieu d’après-midi ou la nuit, à cause de notre horloge interne. » Voici l’une des données que j’ai retrouvées sur le site Web de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).

Les employeurs qui exploitent des entreprises de transport ont particulièrement intérêt à tenir compte de la fatigue causée par un nombre excessif d’heures de conduite. Oui, la fatigue tue… des conducteurs professionnels, des usagers de la route et des piétons. 

L’affaire Transport Hervé Lemieux (1975) inc.

Voici l’affaire Transport Hervé Lemieux (1975) inc., qui illustre le cas récent d’un chauffeur de véhicules lourds qui a conduit entre 85 et 95 heures chaque semaine au cours d’une période de 2 ans. Pour ceux qui sont familiers avec le jargon du métier, il tenait 2 « logbooks ». Ainsi, il utilisait un stratagème frauduleux afin de dissimuler les heures de conduite faites chez d’autres employeurs.

Assurément, il roulait sur une voie pavée vers le congédiement… Et c’est ce qui est arrivé !

Le syndicat a contesté ce congédiement.

Le Règlement sur les heures de conduite et de repos des conducteurs de véhicules lourds (art. 6, 8 et 9 al. 2), ainsi que la convention collective créent des interdictions de travailler au-delà de 70 heures par semaine et d’un certain nombre d’heures par jour; le Code de la sécurité routière (art. 519.10 al. 1 à 4) prévoit notamment une obligation pour le conducteur de véhicules lourds de remplir une fiche journalière de ses heures de repos et de travail.

L’arbitre qui a décidé du grief déposé par le syndicat a d’abord énoncé que le fait de travailler au-delà de 70 heures par semaine n’est pas automatiquement une faute grave justifiant un congédiement. Toutefois, les excès hebdomadaires, leur répétition et la durée dans le temps en constituent une ici.

La gravité découle non seulement de la violation flagrante de la loi, de la réglementation et de la convention collective, mais aussi d’un risque élevé d’accidents qui mettent en danger la vie d’autres usagers de la route et des piétons, selon la preuve d’expert éloquente entendue.

Les effets d’une longue période d’éveil : semblables à la consommation d’alcool

Selon la SAAQ, une étude en laboratoire (Williamson et Feyer, 2000) a comparé les effets d’une longue période d’éveil à ceux de l’alcool (alcoolémie) :

  • Entre 17 et 19 heures d’éveil consécutives : les capacités physiques et mentales sont comparables à celles d’une personne ayant un taux d’alcool dans le sang de 50 mg/100 ml (0,05);
  • Après 24 heures d’éveil consécutives : les capacités physiques et mentales sont comparables à celle d’une personne ayant un taux d’alcool dans le sang de 100 mg/100 ml (0,10).

Ralentissement du temps de réaction

De plus, selon la preuve d’expert et la littérature en la matière, la fatigue et la somnolence au volant sont des problèmes sérieux puisque le manque de sommeil rend le chauffeur incapable de réagir en temps normal et met en péril les usagers de la route.

 « J’ai de l’expérience… et puis, je le sais quand je suis fatigué ! »

Comme on dit : il est un vieux routier… Contrairement à ce que prétendait ici le syndicat, les risques reliés à la conduite durant un nombre d’heures excessives sont réels et très importants.

Encore selon l’expert qui a témoigné et la SAAQ, la fatigue est un état biologique que ni la volonté, ni l’expérience, ni la motivation ne peuvent compenser. Bien plus, l’accumulation de la fatigue aggrave les risques en ce qu’elle augmente la dette de sommeil du chauffeur.

Conduite dangereuse

Par l’effet de la loi et de la réglementation, il n’y a pas d’appréciation subjective de la notion de fatigue relativement au nombre d’heures de conduite. Conduire au-delà de 70 heures par semaine est automatiquement une conduite dangereuse.

Enfin, d’autres fautes sérieuses se greffaient à cette faute principale : avoir tenu 2 livres de bord, avoir menti à l’employeur et avoir refusé de collaborer. Le congédiement a été confirmé.

Guide de la gestion de la fatigue à l’usage de l’industrie du transport routier

Sur ce, je vous invite à prendre connaissance du Guide de la gestion de la fatigue à l’usage de l’industrie du transport routier. Coloré et attrayant, avec des illustrations, des tableaux et des graphiques, rédigé en langage clair, c’est un guide tout simplement « WOW », qui n’est pas endormant du tout !

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