Dans une décision récente, un arbitre a annulé le congédiement qui avait été imposé à un employé non syndiqué pour avoir échoué à un test de dépistage de drogue et avoir menti au sujet de sa consommation de cannabis.

Il s’agit de l’affaire Mohawk Council of Kahnawàke. 

Les faits 

Le plaignant était policier patrouilleur dans la réserve de Kahnawake. En juin 2016, il a été suspendu pendant 3 jours après avoir reconnu qu’il avait fait usage de cannabis (marijuana). Il a alors été prévenu que cette mesure disciplinaire constituait sa « dernière chance » en ce qui concernait l’usage de drogue. L’employeur l’a avisé qu’il serait soumis, pendant une période de 12 mois, à des tests aléatoires de dépistage de drogue et qu’un résultat positif entraînerait une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au congédiement.

Le 11 octobre 2016, à la suite de rumeurs circulant sur Facebook, l’employeur a décidé de soumettre tous ses policiers à un test de dépistage de drogue. Certains d’entre eux, dont le plaignant, ont échoué au test (résultat positif). Seul le plaignant a été congédié. Selon la lettre de congédiement, cette décision de l’employeur était basée sur les résultats du test et sur le fait que le plaignant avait menti quant à sa consommation de drogue (il a déclaré qu’il n’avait pas consommé depuis juin 2016). D’autres manquements ont également été invoqués, tel le non-respect de certaines procédures de travail.

Le plaignant a déposé une plainte en vertu de l’article 240 du Code canadien du travail à l’encontre de cette mesure. Il a dénoncé le caractère illégal du test de dépistage, faisant valoir que la preuve obtenue à l’occasion de celui-ci ne pouvait être invoquée contre lui. Quant aux autres reproches, il a soutenu qu’ils ne lui avaient pas été signalés en temps opportun. Il a déposé en preuve l’évaluation favorable de son rendement réalisée par son supérieur quelques jours avant son renvoi.

Pour justifier son droit de procéder à un test de dépistage à l’aveugle, l’employeur a invoqué un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, Entrop, où il a été décidé qu’une politique prévoyant un tel test peut, à certaines conditions, être raisonnable dans un milieu de travail à risque. Quant au fond, il a fait valoir que la conduite du plaignant avait des répercussions sur sa capacité à exercer ses fonctions de policier (Fraternité des policiers de Lévis Inc.). À son avis, le plaignant n’avait plus l’autorité morale requise pour occuper son poste de policier dans sa petite communauté.

La décision

L’arbitre s’est d’abord interrogé sur la légalité du test à l’aveugle auquel le plaignant et ses collègues se sont soumis, et ce, à la lumière des principes établis par la jurisprudence – notamment, les affaires Pâtes & Papier Irving, Ltée et Entrop.

De façon générale, les tests de dépistage de drogue et d’alcool exigés par un employeur briment les droits fondamentaux des employés. Dans Pâtes & Papier Irving, Ltée, la Cour suprême écrit ce qui suit :

[30] Dans un milieu de travail dangereux, l’employeur est généralement autorisé à faire subir un test de dépistage à un employé occupant un poste à risque sans qu’il soit nécessaire de démontrer qu’il a épuisé les autres moyens s’il a un « motif raisonnable » de croire que l’employé a les facultés affaiblies dans l’exercice de ses fonctions, a été impliqué directement dans un accident de travail ou un incident grave ou s’il reprend du service après avoir suivi un traitement pour l’alcoolisme ou la toxicomanie. […]

Dans Entrop, la Cour d’appel de l’Ontario mentionne qu’un résultat positif à un test de dépistage de drogue (prélèvement d’urine) ne permet pas de savoir si la personne est sous l’influence d’une drogue et incapable de travailler ; il montre uniquement qu’elle en a fait usage au cours des jours ou des semaines précédentes.

***

En l’espèce, l’arbitre a constaté l’absence de politique générale autorisant l’employeur à procéder à des tests de dépistage à l’aveugle ; l’employeur avait agi sur la seule base de rumeurs.

L’arbitre a déterminé qu’aucune preuve ne permettait de conclure que l’un ou l’autre des policiers soumis au test du 11 octobre 2016 était inapte à accomplir son travail ou qu’un incident quelconque justifiait de mener le test de dépistage de drogue.

L’arbitre a finalement conclu qu’en l’absence de motifs plus importants que de simples rumeurs, la décision de l’employeur de soumettre tous les policiers, y compris le plaignant, à un test de dépistage de drogue était inacceptable. Il a décidé que les résultats du test devaient être écartés et, par conséquent, qu’ils ne pouvaient justifier la sanction imposée au plaignant.

Il restait donc à évaluer le bien-fondé des autres manquements invoqués par l’employeur. L’arbitre en a retenu un seul, soit celui d’avoir communiqué directement avec des collègues pour obtenir leur aide lors d’une intervention plutôt que de suivre la ligne de commandement. Il a estimé que ce manquement n’avait pas été valablement porté à la connaissance du plaignant. Tenant compte de l’évaluation positive réalisée le 8 octobre 2016, l’arbitre a conclu que les reproches mis en preuve ne justifiaient pas le congédiement.

Enfin, l’avis de congédiement reprochait également au plaignant d’avoir menti à l’employeur en affirmant qu’il n’avait pas consommé de marijuana depuis le mois de juin 2016. L’arbitre a jugé qu’une telle faute (fausse déclaration) n’avait pas été prouvée, étant donné que, techniquement, le test de dépistage n’était pas opposable au plaignant. Il a conclu que l’usage de drogue entre les mois de juin et d’octobre 2016 n’avait pas été démontré. L’arbitre souligne en outre qu’aucune question n’a été posée au plaignant à ce sujet durant l’audience.

Pour ces motifs, l’arbitre a accueilli la plainte, a annulé le congédiement et a ordonné la réintégration du plaignant.

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