Bertrand Charest a été remis en liberté en attendant de connaître le sort de son appel de sa déclaration de culpabilité sous 37 chefs d’accusation de nature sexuelle à l’égard de 12 jeunes filles âgées de 12 à 18 ans dont il était l’entraîneur.

Rappelons qu’il a été condamné à une peine totale de 12 ans d’emprisonnement, dont il restait 7 ans et 10 mois à purger en tenant compte des jours passés en détention préventive.

Il a pourtant été détenu pendant toute la durée des procédures en première instance et sa première tentative d’être remis en liberté durant l’appel n’a pas réussi. Alors, pourquoi maintenant ? 

Principes de la remise en liberté durant l’appel (art. 679 du Code criminel (C.Cr.))

Pour obtenir sa remise en liberté en attendant l’issue de son appel, un accusé doit démontrer, par prépondérance de la preuve, que son appel n’est pas futile, qu’il ne fuira pas et que sa détention n’est pas nécessaire dans l’intérêt public. L’intérêt public est divisé en 2 éléments, soit la sécurité du public et la confiance du public dans l’administration de la justice.

Dans le cas de M. Charest, seul ce dernier critère fait l’objet d’une contestation. Pour l’analyser, il faut soupeser 2 intérêts opposés, soit la force exécutoire des jugements et le caractère révisable des jugements.

Selon la jurisprudence, le public est représenté par une «personne réfléchie, impartiale, bien informée sur les circonstances de l’affaire et respectueuse des valeurs fondamentales de la société» (paragr. 47). De plus, l’opinion publique a peu de place dans l’évaluation de l’intérêt public (voir à ce sujet R. c. Turcotte).

Rejet de la première demande

La première demande de remise en liberté a été rejetée, le 18 décembre 2017, par le juge Vauclair, de la Cour d’appel du Québec. En résumé, le juge a estimé que les motifs d’appel ne touchaient pas l’ensemble des verdicts et qu’ils n’étaient pas susceptibles d’avoir un effet important sur les condamnations ni sur la peine. Ainsi, même si son appel avait été accueilli, M. Charest aurait dû purger une partie de la peine qui lui a été imposée, et cette partie n’aurait vraisemblablement pas été terminée avant l’issue de l’appel. Ainsi, l’intérêt public est favorisé par le caractère exécutoire des jugements.

La peine imposée à M. Charest est détaillée à la fin de ce billet.

Changements importants de circonstances

Le 25 mars 2019, M. Charest s’est de nouveau adressé au juge Vauclair afin de lui faire part de changements importants de circonstances. Le premier changement est lié au fait que la poursuite a concédé 8 acquittements, 2 nouveaux procès et 10 arrêts conditionnels des procédures. De ce fait, le nombre de verdicts contestés pourrait passer de 37 à 17. Le deuxième changement résulte d’une erreur de calcul de la détention provisoire qui a pour effet de réduire de 16 mois la peine imposée, qui est maintenant de 6 ans 1/2.

Au-delà du nombre de verdicts concédés par la poursuite, les motifs pour lesquels ces concessions ont été faites sont plus pertinents. Les erreurs sérieuses du juge de première instance dans l’analyse de la preuve interpellent le caractère révisable du jugement. Ainsi, des motifs sérieux d’appel visent maintenant l’ensemble des verdicts, de sorte qu’il n’est plus possible de prétendre, comme lors de la première demande, qu’il existe une partie de la peine qui devrait être purgée, quel que soit le sort de l’appel. Le juge Vauclair a donc ordonné la remise en liberté de M. Charest, car ces changements ont donné priorité au caractère révisable des jugements dans l’analyse de l’intérêt public.

Selon le rôle d’audience, l’appel devrait être entendu les 4 et 5 juin 2019, et le jugement devrait être rendu au mois de décembre suivant.

Détails de la peine

Dans sa détermination de la peine à infliger à M. Charest, le juge du procès a d’abord regroupé les chefs d’accusation en 3 catégories, puis a imposé une peine pour chaque chef. Il a ensuite déterminé que les peines relatives à tous les chefs d’une même catégorie se rapportant à la même victime seraient purgées en même temps (peines concurrentes) mais qu’elles s’additionneraient entre elles (peines consécutives).

Contacts sexuels et exploitation sexuelle

  • 21 chefs d’accusation
  • 9 victimes
  • 8 ou 18 mois d’emprisonnement par victime
  • Total : 9 ans et 6 mois d’emprisonnement

Agressions sexuelles

  • 15 chefs d’accusation
  • 6 victimes
  • 54 mois d’emprisonnement par victime
  • Total : 27 ans d’emprisonnement

Agression sexuelle causant des lésions corporelles

  • 1 victime
  • Total : 6 ans d’emprisonnement

Cependant, afin de respecter les principes de totalité et de proportionnalité de la peine, le juge a opté pour des peines concurrentes à l’intérieur des catégories et consécutives entre elles. La peine imposée est passé à 12 ans d’emprisonnement, durée qui a été réduite pour tenir compte de la détention préventive (art. 719 (3.1) C.Cr.).

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