Une femme s’est adressée à un psychologue afin d’obtenir l’accès au dossier de son défunt conjoint. Le psychologue a refusé au motif que les règles de confidentialité demeurent après le décès d’une personne. De plus, il a invoqué le secret professionnel du psychologue. La Commission d’accès à l’information (CAI), appelée à trancher le litige, a donné gain de cause à la demanderesse, la conjointe du défunt.

La détention du dossier

Dans cette affaire, la CAI a d’abord indiqué qu’elle avait des indices lui permettant de croire qu’un dossier concernant le défunt était détenu par le psychologue et qu’il était nécessaire de le relever du secret professionnel afin d’examiner les documents en litige et de démontrer l’existence de confidences. Elle a donc relevé le psychologue de son obligation de protéger le secret professionnel. Ce dernier a ainsi confirmé qu’il détenait un dossier psychologique au sujet du défunt.

Il fallait ensuite déterminer ce qu’il en est du secret professionnel du psychologue dans un contexte extrajudiciaire lorsque le demandeur d’accès désire obtenir des renseignements visant une personne décédée.

Le secret professionnel

L’article 31 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (loi sur le privé) permet au conjoint et aux descendants ou ascendants directs de recevoir la communication des renseignements relatifs à la cause du décès d’une personne qui sont contenus dans son dossier de santé, comme le mentionne l’article 23 alinéa 2 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Pour sa part, l’article 41 de la loi sur le privé permet notamment à l’héritier et au liquidateur d’avoir accès aux renseignements personnels du défunt, dans la mesure où la communication de ces renseignements met en cause leurs intérêts et leurs droits à ce titre, et ce, tel que le prévoit l’article 23 alinéa 1 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

La CAI a jugé que, étant donné que les renseignements pouvant être accessibles en vertu des articles 31 et 41 de la loi sur le privé sont les mêmes que ceux prévus à l’article 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, les articles 31 et 41 de la loi sur le privé correspondent à une disposition expresse qui autorise la levée du secret professionnel en faveur des personnes mentionnées, au même titre que ce qui est prévu à l’article 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, et ce, tel que le permet l’exception prévue à l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Les intérêts et les droits à titre de conjoint, d’héritier et de liquidateur d’une succession

En soupesant le droit de la personne défunte au respect de sa vie privée et à la confidentialité de son dossier psychologique ainsi que l’intérêt de la demanderesse à titre de conjointe, d’héritière et de liquidatrice, la CAI a estimé qu’il y avait lieu de permettre de lever le secret professionnel dans la mesure où cette dernière établissait les conditions prévues aux articles 31 et 41 de la loi sur le privé.

La demanderesse a déposé une copie du jugement l’ayant nommée liquidatrice de la succession du défunt ainsi qu’une copie de l’acte de déclaration d’hérédité établissant qu’elle est la conjointe de ce dernier et l’héritière, avec ses enfants, de la succession. Elle possède toutes les qualités requises pour avoir accès au document en litige tant en vertu de l’article 31 que de l’article 41 de la loi sur le privé.

Elle a expliqué qu’elle avait besoin du dossier de son conjoint détenu par le psychologue afin de pouvoir prendre une décision quant à des recours au civil contre des tiers. Elle a également déclaré qu’elle avait entamé des démarches auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail afin de faire valoir les droits de son conjoint puisqu’il était en arrêt de travail au moment de l’événement. Elle avait besoin de connaître les états d’âme de celui-ci, qui avaient été exprimés au psychologue.

Plus précisément, elle a relaté que : «Les informations recherchées me sont particulièrement importantes afin de me permettre d’analyser adéquatement la possible responsabilité civile de l’ancien employeur de [son conjoint] dans le décès de celui-ci ainsi que la possible responsabilité professionnelle et civile du psychologue mandaté par cet employeur. Le coroner a dénoncé, dans son rapport, certains manquements de la part de l’employeur et du professionnel en question, mais, sans l’obtention de ces renseignements, je ne suis pas en mesure d’évaluer correctement si les divers éléments soulevés par le coroner peuvent constituer des fautes susceptibles d’engager la responsabilité de leur auteur» (paragr. 60).

Conclusion

La preuve présentée par la demanderesse démontre la nature de ses intentions quant à divers recours possibles au moment de la demande d’accès. Elles mettent en cause ses intérêts et ses droits à titre de conjointe, d’héritière et de liquidatrice de la succession de son conjoint, ainsi que le prévoient les articles 31 et 41 de la loi sur le privé, et ce, tant sur le plan de la cause du décès que sur celui des renseignements personnels communiqués lors des consultations.

La CAI a donc ordonné au psychologue de communiquer à la demanderesse le dossier du défunt puisqu’il contient des renseignements qui sont nécessaires à l’exercice des droits de cette dernière.

Print Friendly, PDF & Email