Pour la plupart d’entre nous, déménager est rarement simple ou agréable. Cette expérience résulte d’un choix ou d’une obligation. Pour certains travailleurs, elle s’impose en raison des conséquences d’une lésion professionnelle. Or, à certaines conditions, la victime d’une telle lésion peut obtenir le remboursement des frais qu’elle engage pour déménager.

Les articles de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) qui prévoient expressément la possibilité d’un tel remboursement se trouvent au chapitre portant sur la réadaptation à laquelle a droit un travailleur qui conserve une atteinte permanente de la lésion professionnelle dont il a été victime. Il s’agit de l’article 154 LATMP, qui concerne la réadaptation sociale ‑ plus particulièrement la mesure de réadaptation que constitue l’adaptation du domicile du travailleur ‑ et de l’article 177, relatif à la réadaptation professionnelle.

Adaptation du domicile 

Julien conserve une atteinte permanente grave de sa lésion professionnelle. En effet, celle-ci lui a causé un dommage physique important qui entraîne une perte d’autonomie. L’état de Julien nécessiterait une adaptation de son domicile afin de lui permettre d’entrer dans celui-ci et d’en sortir de façon autonome et d’avoir accès aux commodités qui s’y trouvent. Cependant, pour diverses raisons, une telle adaptation est impossible. Julien doit déménager dans un nouveau domicile qui est adapté à sa capacité résiduelle ou qui peut l’être.

L’article 154 LATMP prévoit que Julien peut être remboursé des frais de déménagement qu’il engage :

Lorsque le domicile d’un travailleur visé dans l’article 153 ne peut être adapté à sa capacité résiduelle, ce travailleur peut être remboursé des frais qu’il engage, jusqu’à concurrence de 3 000 $, pour déménager dans un nouveau domicile adapté à sa capacité résiduelle ou qui peut l’être.

[…]

[À noter que le montant mentionné à l’article 154 est revalorisé annuellement.]

En ce qui a trait au montant pouvant être accordé en vertu de cet article, la Commission des lésions professionnelles a précisé ceci, dans Gendreau :

[20] […] un travailleur peut être remboursé de ses frais de déménagement « jusqu’à concurrence » d’un montant déterminé annuellement, de sorte qu’il s’agit là d’un montant maximal auquel celui-ci peut avoir droit et non pas d’un montant minimal qui lui est versé de manière automatique. Ce sont les frais réellement engagés pour son déménagement, jusqu’à concurrence d’un maximum prévu par la loi pour une année donnée, dont le travailleur peut réclamer le remboursement et, s’il s’avère que ces frais sont inférieurs à ce montant, celui-ci ne peut pas prétendre avoir droit au montant restant.

[Les caractères gras sont de la soussignée.]

Nouveau lieu de travail 

Sophie a subi une lésion professionnelle et en conserve une atteinte permanente physique, mais elle est maintenant redevenue capable de travailler. Après maintes recherches, elle a trouvé un emploi. Cependant, son nouveau lieu de travail est situé loin de chez elle.

Dans la mesure où elle satisfait aux conditions prévues à l’article 177 LATMP, Sophie pourra obtenir un remboursement des frais qu’elle a engagés pour explorer le marché de l’emploi et déménager dans son nouveau domicile :  

Le travailleur qui, à la suite d’une lésion professionnelle, redevient capable d’exercer son emploi ou devient capable d’exercer un emploi convenable peut être remboursé, jusqu’à concurrence de 3 000 $, des frais qu’il engage pour:

1°  explorer un marché d’emplois à plus de 50 kilomètres de son domicile, si un tel emploi n’est pas disponible dans un rayon de 50 kilomètres de son domicile; et

2°  déménager dans un nouveau domicile, s’il obtient un emploi dans un rayon de plus de 50 kilomètres de son domicile actuel, si la distance entre ces deux domiciles est d’au moins 50 kilomètres et si son nouveau domicile est situé à moins de 50 kilomètres de son nouveau lieu de travail.

[…]

[À noter que le montant mentionné à l’article 177 est revalorisé annuellement.]

Quels frais peuvent être remboursés? 

Dans Ribardière, la Commission des lésions professionnelles, qui a procédé à une revue de la jurisprudence, a rappelé que les frais remboursables en vertu des articles 154 et 177 LATMP ne comprennent pas tous ceux qui résultent inévitablement d’un déménagement. Seuls les «frais qui se rattachent au déplacement des meubles et autres biens du travailleur vers son nouveau lieu de résidence» sont remboursables (paragr. 56).

Par ailleurs, le Recueil des politiques en matière d’indemnisation et de réadaptation​ de la CNESST précise ce qui suit, en ce qui a trait aux frais de déménagement remboursables en vertu de l’article 177 LATMP :

Les frais de déménagement que la Commission acquitte consistent en :

  • les frais de transport des meubles meublants et effets personnels du travailleur, de son conjoint et de ses enfants à charge;
  • les frais d’emballage, de déballage desdits meubles et effets personnels;
  • les frais d’entreposage en attendant la prise de possession du nouveau domicile, s’il y a lieu;
  • le coût de la prime d’assurance pour le déménagement et l’entreposage, s’il y a lieu.

Tant l’article 154 et que l’article 177 énoncent que «le travailleur doit fournir à la Commission au moins deux estimations détaillées dont la teneur est conforme à ce qu’elle exige».

Remboursement non expressément prévu par la loi

En terminant, je souligne que dans certains cas non visés par les articles 154 et 177 on a reconnu à un travailleur le droit au remboursement des frais de déménagement sur la base de l’article 1 LATMP, qui précise quel est l’objet de la loi, et du paragraphe 5 de l’article 184 LATMP, qui prévoit que la CNESST peut prendre toute mesure qu’elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d’une lésion professionnelle. Ce fut par exemple le cas dans Goyette.

Cependant, pour certains décideurs, une telle approche est inappropriée, l’application du paragraphe 5 de l’article 184 devant viser des mesures différentes de celles expressément prévues par la loi. Il s’agit notamment de l’approche retenue par le Tribunal administratif du travail dans Parent.

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