Le jour D ! Le grand jour est enfin arrivé ! C’est aujourd’hui que vous déménagez. La tâche n’a pas été facile, mais vous y êtes arrivé. Vous avez réussi, non sans peine, à faire tenir vos possessions dans les boîtes que vous avez pu dénicher ici et là. Des membres de votre famille, des amis et même des collègues de travail ont répondu présents pour vous donner un coup de main. Vous avez passé un dernier coup de balai, ou peut-être pas, dans ce qui sera bientôt votre ancienne demeure. Alors que vous attendez avec une certaine fébrilité l’arrivée des déménageurs, vous passez en revue pour la énième fois votre liste de choses à faire en cette journée qui risque d’être longue et éprouvante.

Entre la traditionnelle commande de pizza pour récompenser vos dévoués bénévoles et la remise de la clé au nouvel occupant des lieux, vous cochez avec satisfaction l’élément « faire mon changement d’adresse ». Dans l’excitation du moment, vous êtes convaincu d’avoir mené à bien cette périlleuse mission et de n’avoir oublié personne. Mais est-ce bien le cas ? L’histoire qui suit, tirée d’une décision récente du Tribunal administratif du travail (TAT), est un rappel qu’il faut faire preuve de vigilance quand vient le temps d’aviser les organismes gouvernementaux d’un changement d’adresse.

Une décision expédiée à la mauvaise adresse

En 2017, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) refuse la réclamation d’une travailleuse pour une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle. Sa décision, datée du 2 août 2017, est envoyée à l’adresse inscrite au dossier de la travailleuse à la CNESST. Or, la travailleuse ne résidant plus à cette adresse depuis son déménagement, au début du mois de juillet 2017, elle ne reçoit pas la décision. Le 26 septembre 2017, l’adjointe de la représentante de la travailleuse communique avec la CNESST afin d’effectuer un suivi concernant le traitement de sa réclamation pour une récidive. À ce moment, l’adjointe apprend qu’une décision a déjà été rendue en date du 2 août. Une demande de révision de cette décision est produite le jour même. La CNESST, en révision administrative, déclare que la demande de révision est irrecevable puisqu’elle a été produite à l’extérieur du délai de 30 jours prévu par l’article 358 de la Loi sur les accident du travail et les maladies professionnelles (LATMP). La travailleuse conteste cette décision devant le TAT.

La notification et la réception de la décision de la CNESST

Après avoir rappelé que le délai de 30 jours pour demander la révision d’une décision rendue par la CNESST court à compter de la notification de cette décision à la partie visée, le juge administratif apporte quelques précisions :

[45]     Certes, dans le langage profane, la « réception » d’une décision correspond fréquemment à sa « notification », lorsque le destinataire d’une décision la « reçoit », ouvre l’enveloppe contenant celle-ci et la lit. Dans ce cas, il y a alors pratiquement une concordance temporelle entre la « réception » d’une décision et sa notification.

[46]     Cependant, la notification d’une décision peut être postérieure à sa « simple réception », pour une multitude de raisons qui, lorsqu’elles sont justifiées, permettent de comprendre pourquoi une décision, même si elle a été « reçue », n’aurait pas pour autant été « notifiée » à son destinataire.

[Les caractères gras sont du soussigné.]

Considérant la chronologie des événements, le juge administratif conclut que la travailleuse a été « notifiée » de la décision de la CNESST le 26 septembre 2017, soit au moment où l’adjointe de sa représentante l’a informée que la décision en question avait déjà été rendue. Comme le mentionne le juge, c’est à cette date que la travailleuse a pu prendre connaissance de la décision. Puisque la demande de révision a été produite également le 26 septembre 2017, soit à l’intérieur du délai de 30 jours, le juge déclare qu’elle est recevable.

Compte tenu de cette conclusion, le juge n’aborde pas la question de l’existence d’un motif raisonnable, tel que le prévoit l’article 358.2 LATMP, lequel permet, s’il est démontré, de relever une personne de son omission d’avoir respecté le délai de 30 jours. Toutefois, il formule un commentaire qu’il est fort pertinent de reproduire, surtout à l’approche de la période des déménagements :

[57]     Certes, si la travailleuse a fait un changement d’adresse sur un site gouvernemental, le « Service québécois du changement d’adresse », croyant à tort que cette démarche serait suffisante pour viser tous les organismes gouvernementaux, dont la Commission, et que par ailleurs, elle n’a pas directement effectué un tel changement d’adresse auprès de la Commission, il pourrait être dit que la travailleuse a fait preuve d’une certaine négligence ou d’insouciance à cet égard.

[Les caractères gras sont du soussigné.]

En conclusion, si vous comptez déménager bientôt et que vous avez un dossier à la CNESST, prenez le temps d’effectuer votre changement d’adresse directement auprès de cet organisme. Ce simple geste pourrait vous éviter bien des tracas.

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