Le principal fléau de l’humanité n’est pas l’ignorance, mais le refus de savoir.

Simone de Beauvoir

En octobre 2018, le Canada légalisait le cannabis et permettait notamment la vente du cannabis combustible. Il s’agissait alors d’une première étape. La Loi sur le cannabis prévoit que la vente des produits comestibles sera quant à elle permise dès octobre 2019. Ainsi, dès la mi-décembre, chocolats, friandises, muffins, boissons, beurres et autres aliments devraient faire leur arrivée sur les tablettes.

L’intérêt des consommateurs envers les produits comestibles

Selon une étude réalisée en 2018 par Sylvain Charlebois, professeur en distribution et en politiques agroalimentaires à l’Université Dalhousie, à Halifax, 68 % des Canadiens étaient alors favorables à la légalisation. Parmi ceux-ci, 93 % étaient désireux d’essayer au moins un produit comestible.

Un sondage similaire réalisé pour le Conseil du cannabis canadien (CCC) a révélé que 64 % des Québécois approuvaient la légalisation du cannabis.

Le Québec choisit de faire bande à part

Toutefois, jugeant insuffisantes les mesures prévues par Ottawa en vue d’encadrer la légalisation prochaine de la vente des produits comestibles à base de cannabis, le gouvernement provincial a annoncé, à la fin de juillet, son intention d’adopter un règlement interdisant la vente de certains de ces produits. Son objectif ? Prévenir l’intoxication involontaire chez des enfants.

Le bon moyen à privilégier ?

Même si cet objectif est louable, le nouveau règlement pourrait ne pas être la solution. Jean-Sébastien Fallu, professeur agrégé à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal, doute qu’une interdiction complète protégera les enfants : « Les gens peuvent [acheter ces produits] par Internet ou s’en faire à la maison avec des taux de THC variables. »

Par ailleurs, selon Mélissa Thibeault, directrice des opérations chez Aliments Candara et présidente du Conseil québécois du cannabis comestible, ce règlement n’empêcherait pas la population québécoise d’acheter de tels produits puisque « le consommateur va aller là où le produit est disponible et où il peut se le procurer le plus rapidement possible. Ceci étant dit, si on est près de la frontière, possiblement que les consommateurs vont vouloir aller en Ontario ».

Une porte ouverte pour le marché noir ?

Selon Megan McCrae, présidente du CCC, «le projet de règlement du Québec sur les produits comestibles et extraits de cannabis […] est une grande déception, car il nuira gravement aux efforts déployés par l’industrie légale du cannabis pour éradiquer le marché noir et, par conséquent, à la protection des mineurs ».

Or, la question se pose : un tel règlement n’aurait-il pas plutôt pour effet de limiter la production de l’industrie légale et donc sa capacité de répondre, de manière contrôlée et responsable, à la demande diversifiée du marché québécois, et ce, au profit du marché noir ? Celui-ci pourrait en profiter pour produire et distribuer des produits comestibles à base de cannabis, qui seraient à la portée des enfants et des adolescents.

Une réflexion à entreprendre

Tous s’entendent pour protéger les jeunes des drogues. Il s’agit même de l’un des objectifs fondamentaux de la légalisation du cannabis. Or, si plusieurs avancent des arguments solides en faveur de l’interdiction de la vente des produits comestibles, certains estiment que de miser sur la sensibilisation et l’éducation demeure la voie à privilégier.

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