Très peu de décisions ont été rendues en relations du travail en lien avec l’usage du cannabis depuis sa légalisation à des fins récréatives. À défaut de développements jurisprudentiels ou de rebondissements inattendus, je ferai un petit survol de quelques décisions rendues depuis la rédaction de mon dernier billet, Le cannabis au travail : l’importance d’une bonne politique d’entreprise, publié en novembre 2017.

Refus d’embauche

Société de transport de Montréal

L’employeur, la Société de transport de Montréal, pouvait refuser d’embaucher une personne ayant caché des renseignements médicaux importants quant à son état de santé mentale et à sa consommation de cannabis, lesquels nuisaient à sa capacité à occuper le poste convoité de chauffeur d’autobus; le rejet de sa candidature n’est pas non plus discriminatoire.

Mesures disciplinaires 

Possession de cannabis sur les lieux du travail

Canfitel inc.

Le congédiement modifié

Le congédiement qui avait été imposé à une barmaid au motif de possession de cannabis sur les lieux du travail a été remplacé par une suspension de 1 mois. La simple possession de cannabis sur les lieux du travail, et en petite quantité, n’a pas été jugée comme constituant une faute suffisamment grave pour justifier un congédiement dans les circonstances.

La fouille

Quant à la fouille effectuée par l’ouverture du casier de la travailleuse, le décideur s’est dit d’avis que l’employeur pouvait entretenir des doutes suffisamment sérieux pour l’autoriser à procéder à une fouille afin d’éclaircir la situation. Il a considéré que cette fouille était à la limite de l’acceptable.

La fouille n’a toutefois pu être qualifiée d’abusive, d’autant moins qu’elle s’était limitée au dessus du contenu du sac à main de la travailleuse, où le sachet de cannabis se trouvait à la vue. La preuve administrée a donc été jugée recevable.

Je tiens à mentionner que cette décision fait l’objet d’un pourvoi en contrôle judiciaire devant la Cour supérieure visant à déterminer si la décision de l’arbitre de griefs était raisonnable (2018-11-09 (C.S.), 500-17-105493-186).

Viandes du Breton inc.

Le congédiement confirmé

L’employeur pouvait congédier un opérateur de chariot élévateur très largement connu de ses collègues et du syndicat pour faire du trafic de cannabis sur les lieux du travail à la suite de son refus de s’engager à respecter certaines conditions énoncées dans une entente de dernière chance.

La fouille 

Il est mentionné que l’attente raisonnable d’un salarié en matière de protection de sa vie privée au travail est moindre qu’à son domicile; l’employeur peut procéder à la fouille des casiers des salariés s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une violation de sa politique interdisant la consommation ou le trafic de drogue, dont le cannabis, a été perpétrée ou est en voie de l’être.

Corporation d’Urgences-santé

 Non-respect d’une «entente de dernière chance» 

Le congédiement imposé à un technicien ambulancier pour avoir omis de respecter l’entente de dernière chance par laquelle il s’était engagé à ne pas consommer de cannabis a été confirmé.

À noter que le rapport de toxicologie portant sur un test de dépistage effectué au moyen d’un cheveu avait révélé un taux de THC-COOH démontrant que la quantité absorbée ne découlait pas d’une exposition secondaire à de la fumée de cannabis, mais plutôt d’une consommation volontaire.

Non-respect de la politique de l’employeur exigeant de déclarer une dépendance ou une accoutumance

Elk Valley Coal Corp.

La majorité des juges de la Cour suprême du Canada a confirmé le congédiement imposé à un salarié travaillant dans une mine de charbon après qu’il eut obtenu un résultat positif à un test de dépistage de drogue (cocaïne); le motif du congédiement n’était pas sa toxicomanie, mais la violation de la politique de l’employeur en matière de drogue, selon laquelle il avait l’obligation de divulguer toute dépendance ou accoutumance à l’alcool ou à la drogue avant qu’un incident relié à ces substances ne survienne.

Selon les juges majoritaires de la Cour suprême :

Il ne s’agit pas d’une décision discriminatoire fondée sur une déficience :

  • le salarié avait la capacité de respecter la politique de l’employeur en matière de drogue
  • qu’il ait été toxicomane ou consommateur occasionnel, l’employeur aurait mis fin à son emploi.

Échec à un test de dépistage de drogue

Mohawk Council of Kahnawàke

Le congédiement imposé à un policier patrouilleur sur une réserve autochtone pour avoir échoué à un test de dépistage de drogue et pour avoir menti au sujet de sa consommation de cannabis a été annulé, notamment parce que les résultats du test de dépistage de drogue ont été écartés de la preuve en application des principes établis par la Cour suprême dans Pâtes & Papier Irving, Ltée.

En effet, en l’absence de motifs plus importants que de simples rumeurs, le décideur s’est dit d’avis que la décision de soumettre tous les policiers, y compris le plaignant, à un test de dépistage était inacceptable. Rien ne permettait de conclure que l’un des policiers soumis au test de dépistage était inapte à accomplir son travail ou qu’un incident particulier justifiait d’avoir recours à un test de dépistage de drogue.

Dépendance et obligation d’accommodement

Ville de Laval

Exiger ici l’abstinence totale de la part d’un col bleu, souffrant d’une maladie psychiatrique et d’une dépendance à l’alcool et au cannabis qui l’empêchaient de fournir une prestation satisfaisante de travail, n’est pas déraisonnable et ne viole pas le droit à la protection de sa vie privée.

Son congédiement administratif imposé au motif qu’il refusait de s’engager à demeurer abstinent a été confirmé.

Il faut souligner que l’employeur lui avait permis de suivre des cures et de travailler avec des restrictions; le maintenir à l’emploi alors qu’il refuse de collaborer à son traitement constituerait une contrainte excessive.

Centre hospitalier de l’Université de Montréal

De même, dans cette affaire, qui présente un cas d’absentéisme excessif et d’attitude de déni, il a été décidé de confirmer le congédiement administratif du salarié. Ainsi, le plaignant, un préposé aux bénéficiaires, avait été congédié en raison de son absentéisme élevé et de son refus de cesser de consommer des drogues et de l’alcool; le décideur a déclaré que la décision de l’employeur n’était pas déraisonnable ni abusive ou discriminatoire, vu le risque élevé de rechute (trouble de l’adaptation).

En effet, le déni du plaignant à l’égard du diagnostic de toxicomanie qui avait été posé par les médecins  ajoutait à la probabilité des risques de rechute. Étant donné que ce pronostic sombre sur la capacité de celui-ci à fournir une prestation de travail normale dans un avenir prévisible, le congédiement administratif a été confirmé.

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