En 2019, plus de 960 décisions traitant du droit municipal ont été rendues par les tribunaux judiciaires et spécialisés. De ce nombre, 210 ont été résumées par les conseillers juridiques de SOQUIJ, soit celles ayant un intérêt juridique élevé. Dans le présent billet, je vais traiter des décisions qui ont le plus retenu mon attention durant l’année 2019, notamment en matière de règlement et de responsabilité municipale, d’aménagement et d’urbanisme ainsi que de contrat et de fiscalité municipale.

Règlement municipal

Animaux domestiques

Le 20 décembre dernier, la Cour d’appel a déclaré que le règlement 18-042 sur l’encadrement des animaux domestiques adopté par la Ville de Montréal était valide. D’une part, l’article 63 de la Loi sur les compétences municipales permet expressément à la Ville de veiller à l’élimination de tout animal dangereux. D’autre part, la réglementation n’enfreint pas la législation applicable.

En ce qui concerne l’article 898.1 du Code civil du Québec (C.C.Q.), le fait que les animaux sont des êtres doués de sensibilité n’empêche pas qu’ils puissent occasionnellement constituer une nuisance ou un danger et faire l’objet de mesures destinées à y remédier, de façon temporaire ou définitive. L’article 898.1 C.C.Q. n’interdit d’ailleurs pas, en soi, l’abattage ou l’euthanasie d’un animal constituant une nuisance ou présentant un danger indu.

Quant à la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal et à son application, son article 6, qui interdit la maltraitance des animaux, lu à la lumière de l’ensemble des dispositions de la loi elle-même, ne permet pas de conclure que cette disposition empêche d’euthanasier ou d’abattre un animal. Ce qui est visé dans cette disposition est la maltraitance menant à la mort.

Manifestations

Le 22 octobre 2019, le même tribunal a déclaré les paragraphes 1 et 2 de l’article 19.2 du Règlement sur la paix et le bon ordre de la Ville de Québec, qui prévoient que toute manifestation (au sens de l’art. 1) est — ou devient — illégale dès que le service de police n’en reçoit pas un préavis (heure, lieu et itinéraire) ou que les termes du préavis ne sont pas respectés, invalides et inopérants.

Selon la Cour, faire de la participation à une manifestation pacifique une infraction pénale de responsabilité stricte en raison d’un manquement à une obligation expresse, soit celle d’informer le Service de police de la Ville de Québec de l’heure et du lieu ou de l’itinéraire de la manifestation, n’est pas une solution soigneusement adaptée à l’objectif poursuivi par le règlement sur la paix et le bon ordre de cette dernière et ne constitue pas une atteinte minimale aux libertés d’expression et de réunion pacifique.

Responsabilité municipale

En matière de responsabilité, la Cour suprême du Canada a conclu qu’un policier raisonnable placé dans les mêmes circonstances que le policier employé par la Ville de Laval, et désigné à titre d’inspecteur par la Société de transport de Montréal (STM), responsable du réseau de métro, n’aurait pas considéré que le fait d’omettre de tenir la main courante d’un escalier mécanique menant à une station de métro constituait une infraction. Le policier a donc commis une faute en plaçant une usagère en état d’arrestation.

Quant à la STM, elle a commis une faute en enseignant aux policiers que le pictogramme en cause imposait l’obligation de tenir la main courante, faute qui explique — du moins en partie — la conduite du policier. Enfin, à titre de commettante du policier, la Ville a été tenue responsable de la faute de ce dernier. En ce qui concerne l’usagère, elle était en droit de refuser d’obéir à un ordre illégal. Les défendeurs ont donc été condamnés solidairement à payer 20 000$ à titre de dommages-intérêts à cette dernière.

Aménagement et urbanisme

Cet été, la Ville de Montréal a eu gain de cause devant la Cour d’appel, laquelle a estimé que, même si les dispositions réglementaires contestées prévoyant l’interdiction et le retrait des panneaux-réclames existants dans l’arrondissement Le Plateau-Mont-Royal constituent une violation de la liberté d’expression, celle-ci se justifie dans une société libre et démocratique, conformément à l’article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Selon les juges majoritaires, les effets préjudiciables de la limitation et du retrait des panneaux-réclames sur le territoire de l’arrondissement sont proportionnels au regard de l’objectif recherché, soit celui de prévenir la pollution visuelle, et des effets bénéfiques qui en découlent.

Le 25 novembre 2019, une requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême a été déposée dans cette affaire.

Appel d’offres

Le 22 novembre 2019, il a été décidé que le fait que les articles 573 et ss. de la Loi sur les cités et villes, qui prévoient que l’adjudication de contrats municipaux doit respecter certaines règles, soient d’ordre public et que leur violation soit sanctionnée par la nullité absolue du contrat ne constitue pas une dérogation, explicite ou même implicite, au régime de la restitution des prestations prévu aux articles 1699 à 1707 C.C.Q. Par contre, l’obtention d’un contrat municipal en violation des règles d’ordre public en matière d’adjudication ne constitue pas forcément un avantage indu et le tribunal saisi ne doit pas automatiquement refuser la restitution des prestations dans un tel cas. L’opportunité de recourir aux critères énoncés à l’article 1699 alinéa 2 C.C.Q. doit être évaluée au cas par cas, et non sur la base d’automatismes ou de règles préétablis.

Fiscalité municipale

Dans 9185-6617 Québec inc. c. Ville de Longueuil, la Cour d’appel a estimé que le Tribunal administratif du Québec n’avait pas rendu une décision déraisonnable en concluant que la «destruction» dont il est question au paragraphe 6 de l’article 174 de la Loi sur la fiscalité municipale doit correspondre à un anéantissement partiel ou complet de l’immeuble et non à une destruction de sa valeur. Ainsi, la découverte de pyrite ne constitue pas un «événement» justifiant la modification du rôle d’évaluation foncière au sens de cette disposition.

Élu municipal

Le 11 avril 2019, la Cour supérieure a accueilli les demandes en irrecevabilité et en rejet présentées par défendeurs Murray et Alarie, qui sont respectivement maire et conseillère au sein du conseil municipal de la Ville de Saint-Bruno-de-Montarville. Le recours intenté contre eux était une poursuite-bâillon.

Le 28 mai 2019, le tribunal a reconnu que l’élu municipal a l’intérêt juridique requis pour demander que les personnes dont le recours en dommages-intérêts dirigé contre lui et qui a été rejeté pour abus soient contraintes de rembourser à la municipalité les honoraires extrajudiciaires qu’elle a dû supporter en vertu de l’article 604.6 de la Loi sur les cités et villes. Les demanderesses ont donc été condamnées à payer à la Ville près de 50 000 $, en remboursement des honoraires et débours extrajudiciaires engagés au bénéficie de Murray et d’Alarie.

Comme chaque année, plusieurs décisions intéressantes sont rendues en matière municipale. J’imagine que l’année 2020 ne fera exception à la règle!

Print Friendly, PDF & Email