S’il a des motifs sérieux de croire qu’une personne représente un danger pour elle-même ou pour autrui en raison de son état mental, le tribunal peut ordonner sa garde provisoire dans un établissement de santé ou de services sociaux pour y subir une évaluation psychiatrique (art. 27 du Code civil du Québec).

Les critères pour accorder une telle demande ont été précisés dans J. M. c. Hôpital Jean-Talon du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Nord-de-l’Île-de-Montréal. Le danger en question doit être un péril important défini de manière spécifique et précise, et le risque de sa réalisation doit être élevé sans que sa matérialisation soit nécessairement imminente.

De plus, il ne faut pas attendre qu’un geste dangereux soit commis pour conclure à la dangerosité. Il suffit qu’il y ait une preuve suffisamment sérieuse et précise pour permettre de conclure à la nécessité de cette garde.

Voici 3 exemples récents d’ordonnances de garde provisoire rendues dans le contexte de pandémie actuel.

Centre intégré de santé et de services sociaux du Bas-Saint-Laurent c. C.G.

La défenderesse, une femme de 72 ans, souffre de déficience intellectuelle et d’un trouble de comportement. Elle est incapable de comprendre l’urgence sanitaire en lien avec la COVID-19, les mesures de confinement imposées ni les consignes émises par la santé publique. Elle s’est retrouvée au supermarché et elle s’est désorganisée en refusant de se laver les mains, ce qui a nécessité une intervention policière pour la maîtriser. Puisqu’elle tentait de fuir et qu’elle n’offrait aucune collaboration, elle a été hospitalisée dans un secteur sécuritaire. Les membres de sa famille ne sont plus en mesure d’assurer sa sécurité en cette période de pandémie. En raison de son état mental et du danger qu’elle représente pour elle-même et pour autrui, notamment de celui qu’elle se place en situation potentielle de contagion, le tribunal a ordonné qu’elle soit gardée en établissement de façon provisoire à des fins d’évaluation psychiatrique.

Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Centre (Hôpital Charles-Lemoyne) c. J.S.

Dans cette affaire, le défendeur présentait un haut risque d’être porteur du coronavirus. Il avait des symptômes importants de la COVID-19 et était en confinement préventif à l’hôpital dans l’attente des résultats d’un test de dépistage. Il souffrait aussi d’une psychose toxique et son délire entraînait une perte totale de contact avec la réalité. Il voulait tuer son ex-conjointe et menaçait de se suicider. Son comportement était totalement imprévisible et hautement dangereux. Il était aussi à risque de fugue. Puisqu’il était sans domicile fixe alors que des mesures strictes de confinement social doivent être respectées par l’ensemble de la population, le tribunal a conclu que, dans sa condition actuelle, son errance le mettait hautement à risque pour lui et pour les autres. Il a donc ordonné sa mise sous garde en vue d’une évaluation psychiatrique.

Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Centre c. V.A.

Cette décision vise un jeune homme de 18 ans qui est suivi pour une schizophrénie probable. Il souffre d’hallucinations, il est délirant et il consomme du cannabis ainsi que des drogues de rue. Il reconnaît d’ailleurs vivre des épisodes au cours desquels il ne peut distinguer le rêve de la réalité.

Il ne respecte pas le couvre-feu qui lui a été imposé par la Cour à la suite d’accusations de fraude et il lui arrive de ne pas rentrer dormir chez lui. Sa mère tente de lui faire prendre les médicaments prescrits par un psychiatre, mais il lui est impossible de le faire lorsqu’il ne rentre pas. Dans les circonstances, elle doute qu’il respecte les mesures d’isolement social prescrites par le gouvernement, car il ne comprend pas l’importance ni la gravité de la COVID-19. Il a d’ailleurs mentionné qu’il ne croit pas en son existence.

Par ailleurs, la mère travaille dans une usine de traitement des eaux. Elle est l’une des 2 seuls employés qui y travaillent encore en raison d’une réduction de l’effectif découlant des mesures d’urgence sanitaire. Si le défendeur fugue encore, il est à craindre qu’il revienne porteur du virus et qu’il contamine alors sa mère, ce qui pourrait engendrer des conséquences désastreuses.

Les états d’esprit du défendeur, confirmés par ce dernier, laissent craindre qu’il pourrait agir sur la foi de son impulsivité, de son délire et d’une perte de contact avec la réalité. Il pourrait encore une fois délaisser le domicile familial et se placer dans un état de danger, soit une situation de contagion probable. Selon le tribunal, cette éventualité est plus que probable.

Le tribunal a conclu qu’il avait des motifs sérieux de croire que le défendeur pourrait mettre sa propre sécurité et celle de sa famille en danger. Il a ordonné qu’il soit gardé en établissement pour y subir une évaluation psychiatrique.

En terminant, pour en savoir plus sur la notification de documents et d’actes de procédures durant la crise sanitaire, je vous invite à lire le billet de mon collègue Philippe Buist.

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