Un mari se défait à sa guise des biens de son épouse. Selon lui, cette dernière, qui disposait d’un délai de 1 semaine pour récupérer ses biens en vertu d’une entente, tardait à venir les chercher. Ce geste peut-il entraîner une condamnation au paiement de dommages-intérêts et de dommages punitifs? Il s’agit de l’une des questions auxquelles la juge Claude Dallaire a dû répondre récemment dans Droit de la famille - 20287.

Les faits

Les parties se sont séparées après 17 ans de mariage. Dans le contexte de leur divorce, elles ont convenu que l’épouse récupérerait les biens lui appartenant qui se trouvaient toujours dans la résidence familiale à l’intérieur d’un délai défini. Or, lorsque l’épouse est venue chercher ses choses, elle les a trouvées pêle-mêle dans un conteneur à ciel ouvert et dans des sacs à ordures laissés dans la cour de la résidence familiale. Elle s’est donc vue forcée, ainsi que certains membres de sa famille venus l’aider, d’entrer dans le conteneur pour tenter d’y récupérer ses biens.

La réclamation

L’épouse réclame dans un premier temps des dommages-intérêts pour la perte subie. Elle ne quantifie toutefois pas cette demande dans ses allégations ni dans ses conclusions. Elle veut aussi obtenir des dommages exemplaires pour atteinte à l’honneur, à la dignité et à la libre disposition de ses biens.

La décision

En ce qui concerne la réclamation en dommages-intérêts, la juge Dallaire conclut que le comportement du père démontre un manque total de respect pour le bien d'autrui, et que ce qu'il a fait vivre à l’épouse était à la fois dégradant et inacceptable. La juge éprouve toutefois une difficulté dans l’évaluation des dommages subis par l’épouse, car la preuve à cet égard est insuffisante. Elle procède donc à une évaluation de la perte de manière arbitraire à 2 000 $.

Quant aux dommages punitifs, la juge considère qu’il y a eu à la fois une atteinte à l’honneur et à la dignité de l’épouse, soit des droits protégés par l’article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne, et une atteinte au droit à la libre disposition de ses biens, protégé par l’article 6 de la charte. La juge accorde une somme de 5 000 $ à ce titre, pour des motifs qu’il convient de reproduire puisqu’elle profite de l’occasion pour transmettre le message suivant :

« [162] C’est pourquoi nous considérons qu’un montant de 5 000 $ est justifié, dans les circonstances, afin d’envoyer un message clair à Monsieur, mais aussi à tout ex-époux (ou épouse) qui pourrait être tenté d’imiter la conduite que nous condamnons dans notre jugement, que ce genre de comportement n’est pas toléré, dans notre société, et que s’il ne peut être réfréné, alors il aura un prix, qui peut varier selon les circonstances, et notamment, la situation financière du contrevenant. »