ATTENDU QUE l’avocat est au service de la justice
4. L’avocat agit avec honneur, dignité, intégrité, respect, modération et courtoisie.
Code de déontologie des avocats

Défendeur, demandeur, accusé et même avocat, tous doivent respecter un code de conduite à l’occasion de procédures judiciaires. D’ailleurs, même les juges n’échappent pas à cette règle, comme l’a souligné ma collègue Me Lucie Allard dans son récent billet intitulé « Une juge du Tribunal administratif du travail est réprimandée en raison de sa conduite en société ».

Bien que plusieurs estiment que le respect des règles éthiques et déontologiques va de soi, un rappel ponctuel semble nécessaire à l’égard de certaines situations. En effet, une avocate criminaliste de renom s’est fait rappeler en juin dernier quelques principes relatifs à la norme de conduite raisonnable et attendue d’un acteur du système judiciaire.

Dans la vie d’un criminaliste: 1 ou 2 palais de justice, quelques salles d’audience, plusieurs dossiers au rôle et une stagiaire

Dans la cause qui nous intéresse, le Tribunal est informé, la journée du procès, que l’accusé a changé d’avocate. Toutefois, cette dernière n’est pas présente mais est plutôt représentée par une stagiaire, qui demande alors de reporter le dossier, et ce, même si les témoins de la Couronne sont présents. L’annonce a pris tout le monde de court, car aucune demande n’avait été formulée au préalable en ce sens.

Une telle situation peut faire sourciller le commun des mortels puisqu’elle occasionne des délais judiciaires supplémentaires, mais elle ne constitue pas une pratique inconnue dans le système judiciaire. Or, en l’espèce, ce comportement a mécontenté le juge, lequel a cité lui-même l’avocate à comparaître pour le paiement des frais occasionnés par la demande de remise, qu’il a estimée irrégulière et non fondée.

Le procès de l’avocate

Lors de son témoignage, l’avocate en question n’a pas admis qu’elle avait fait perdre du temps à la Cour et a plutôt minimisé son geste en alléguant que «ça arrive à tous les jours que des procès sont remis pour diverses raisons» (paragr. 57). Le Tribunal a alors jugé que sa conduite était fautive et insouciante à l’égard de ses devoirs envers le Tribunal et de l’administration de la justice (paragr. 52) L’avocate a été condamnée personnellement à payer une amende de 1 000 $.

Des paroles sévères ont d’ailleurs été prononcées à son égard:

[46] […] sa façon de procéder doit être qualifiée comme étant une négligence grave et/ou une erreur grossière qui mérite d’être dénoncée et réprimandée. D’autant plus, le comportement de [l’avocate] dénote un manque de civilité et de délicatesse à l’égard du devoir de l’avocat en tant qu’officier de la Cour et du système de justice. 

Un revirement de situation

Or, l’avocate a porté cette décision en appel et a réussi à faire annuler sa condamnation. La raison? Le juge s’est un peu trop investi dans le dossier. En effet, en citant notamment lui-même l’avocate à comparaître, en entendant la preuve de l’une des parties en son absence et en se servant de cette preuve pour évaluer la conduite et la crédibilité de cette dernière, le juge a aussi contrevenu à l’équité procédurale (paragr. 27). Par ailleurs, le juge avait également mené au préalable sa propre enquête, sans en informer l’avocate, quant à son horaire de travail. Or, cette situation était suffisante pour faire naître une crainte raisonnable de partialité (paragr. 35). Conséquemment, la Cour supérieure a annulé la condamnation pour frais.

Il est intéressant toutefois de remarquer que ce dernier jugement ne portait pas sur la conduite de l’avocate, mais uniquement sur des constatations à l’égard de la procédure suivie en première instance. Dans cette perceptive, croyez-vous que, sans ces écarts procéduraux, la condamnation de l’avocate aurait été annulée? Croyez-vous que l’obligation des avocats d’effectuer 3 heures de formation continue en éthique et déontologie est nécessaire?

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