Des dizaines de décisions traitant de successions et de libéralités ont été rendues par les tribunaux québécois en 2020. Dans ce billet, je vous en présente quelques-unes qui ont retenu mon attention.

Succession ab intestat

Dans Martel, la mère des parties est décédée en 2018 sans laisser de testament. Au moment de son décès, elle était propriétaire de 2 immeubles, soit 1 maison et 1 chalet. Conformément à l’article 859 du Code civil du Québec (C.C.Q.), certains héritiers voulaient que le chalet leur soit offert par préférence, car ils avaient veillé à son entretien pendant plusieurs années. Or, la défunte ne résidait plus dans le chalet. Il ne s’agissait donc pas d’une résidence, et la juge a retenu que l’attribution de cet immeuble devait être faite au moyen d’un tirage au sort parmi les héritiers.

Indignité

Dans J.S., le demandeur a réussi à faire déclarer sa soeur indigne de succéder à leur mère. Elle avait contrefait la signature de sa mère afin d’émettre des chèques à son nom. Elle avait aussi modifié des chèques à l’insu de sa mère, une personne âgée vulnérable, et abusé de la confiance de celle-ci pour qu’elle lui en remette d’autres. Le juge a conclu que ces actes représentaient un cas d’administration frauduleuse qui constitue un comportement hautement répréhensible justifiant une déclaration d’indignité.

Testament olographe

Dans Savoie, la demanderesse prétendait avoir découvert, dans un classeur que son ex-conjoint avait laissé chez elle au moment de leur rupture, un testament entièrement écrit et signé par lui qui la rendait légataire universelle. Or, une expertise en comparaison d’écritures a notamment révélé que l’écriture du testament était nettement moins fluide et dynamique que dans les écrits du défunt. Le document contenait d’ailleurs une faute d’orthographe plutôt grossière, alors que le défunt maîtrisait très bien la langue française et possédait un style nettement supérieur à la moyenne. Le témoignage de la demanderesse quant aux circonstances de la découverte du testament n’était pas non plus très fiable. Le juge a donc refusé de vérifier le testament.

Ingratitude et portée de l’article 1836 C.C.Q.

Dans Del Vecchio, la Cour d’appel a confirmé la décision de première instance ayant refusé de révoquer la donation d’un immeuble pour cause d’ingratitude. En effet, la juge avait eu raison de s’appuyer sur l’arrêt Desmarais, traitant de l’interprétation de l’article 1836 C.C.Q.: l’ingratitude ne constitue un comportement gravement répréhensible «que si elle découle de faits positifs» et que l’action du donataire ingrat est «grave et réfléchie».

Substitution

Jusqu’à la décision dans Succession de Maisonneuve, les tribunaux ne s’étaient pas encore prononcés sur le caractère d’ordre public ou non de l’article 1231 C.C.Q., qui prévoit le devoir d’information du grevé envers les appelés. Le juge Marc-André Blanchard, de la Cour supérieure, a tranché et reconnu le caractère d’ordre public de protection de cette disposition. Ainsi, seuls les bénéficiaires ultimes de la substitution peuvent se plaindre de la portée d’une clause testamentaire qui les prive du bénéfice d’obtenir un rapport annuel.

Captation

Enfin, dans Ma.R., la Cour d’appel a confirmé la décision de première instance ayant annulé, pour cause de captation, un testament par lequel la défunte avait avantagé l’appelante, l’une de ses filles, ainsi que l’acte par lequel elle avait donné un immeuble à ses petites-filles. L’appelante avait profité de la vulnérabilité de sa mère pour la convaincre de transférer la résidence à ses filles, qui ont aussi participé au stratagème, et elle lui a fait peur en lui laissant croire qu’elle serait abandonnée à elle-même si elle ne le faisait pas. 

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