Pour vous offrir un tour d’horizon de l’actualité judiciaire de l’année 2020, je vous propose une démarche inspirée de l’expérience de nos utilisateurs. Voici donc une revue des décisions les plus consultées l’année dernière dans Recherche juridique.

Les 10 décisions de 2020 les plus consultées

1. La pyrrhotite

Le 6 avril, la Cour d’appel a rendu un jugement phare dans les nombreux dossiers portant sur la pyrrhotite aux termes duquel on a estimé que la pyrrhotite touchant les fondations des immeubles de la région de Trois-Rivières constituait à la fois un vice caché et un vice de construction. Le juge de première instance n’avait donc pas erré en retenant la responsabilité des entrepreneurs en vertu à la fois de la garantie contre la perte de l’ouvrage découlant de l’article 2118 du Code civil du Québec (C.C.Q.) et de la garantie de qualité en matière de contrat de vente.

SNC-Lavalin inc. (Terratech inc. et SNC-Lavalin Environnement inc.)

Ces décisions font maintenant l’objet de requêtes pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême.

2. Action collective pour les citoyens de Shannon

Le 17 janvier, la Cour d’appel a accueilli en partie l’action collective intentée au nom des résidents de la municipalité de Shannon, dont la nappe phréatique a été contaminée par le trichloroéthylène. La Cour a notamment condamné le procureur général du Canada à payer des dommages punitifs.

Spieser

3. Une saga familiale

Le 30 avril, la Cour supérieure a conclu que Placements Péladeau inc. avait omis d’honorer ses engagements contractuels envers Anne-Marie Péladeau depuis le 9 août 2013. Elle l’a donc condamnée à verser à cette dernière 36 192 328 $.

Péladeau

Notons que cette décision a été portée en appel le 9 juin dernier.

4. Les premières nations et la compétence des tribunaux

Le 21 février, la Cour suprême a rendu une décision selon laquelle les Premières Nations qui ont intenté une action aux fins d’obtenir réparation pour la construction de projets en violation de leurs droits au Québec et à Terre-Neuve-et-Labrador et de faire reconnaître un titre ancestral ainsi que des droits ancestraux et issus de traités visant tout le territoire du Nitassinan pourront être entendues par les tribunaux québécois.

La plus haute Cour du pays a jugé que, dans le contexte particulier des revendications relatives à un territoire chevauchant les frontières qui séparent plusieurs provinces, le principe de l’accès à la justice commande que les règles en matière de compétence soient interprétées avec souplesse, de manière à ne pas empêcher les peuples autochtones de faire valoir leurs droits constitutionnels, y compris leurs droits traditionnels, à l’égard d’un territoire.

Uashaunnuat (Innus de Uashat et de Mani-Utenam)

5. Surcharge de travail et lésion professionnelle

Dans cette décision du 24 janvier, le Tribunal administratif du travail a déterminé qu’un infirmier présentant des troubles psychologiques avait subi une lésion professionnelle du fait d’une surcharge qui débordait le contexte normal du travail. Celui-ci avait invoqué des diagnostics d’humeur anxio-dépressive et de dépression majeure. Cette décision analyse la notion de « surcharge qui déborde du contexte normal du travail » et les moyens d’en faire la preuve.

J.R. et CSSS A

6. Le recours collectif des Courageuses

Le 8 janvier, la demande du groupe Les Courageuses pour autorisation d’exercer une action collective en responsabilité civile contre Gilbert Rozon au nom de «toutes les personnes agressées et/ou harcelées sexuellement» par ce dernier a été rejetée par la Cour d’appel.

Rozon

La requête pour autorisation de pourvoi de cette décision à la Cour suprême a subi le même sort.

7. La directrice de la protection de la jeunesse blâmée

Le 14 janvier, la directrice de la protection de la jeunesse a été blâmée pour le suivi social effectué auprès d’un enfant de 5 ans; incapable de faire face à sa charge de travail, l’intervenante affectée au dossier ne s’est vu offrir aucune mesure d’allégement ou de soutien.

Protection de la jeunesse — 2023

8. Confidentialité du résumé des ententes en médiation

Le 27 janvier, la Cour d’appel a conclu que le résumé des ententes préparé par le médiateur qui a assisté les parties au terme de leur union de fait était recevable en preuve, les parties ayant implicitement renoncé à la confidentialité du processus de médiation.

Bisaillon

Cette affaire sera toutefois entendue par la Cour suprême du Canada, qui a autorisé le pourvoi.

9. Indemnité de congé pour jours fériés

Le 29 janvier, la Cour d’appel a rendu une décision dans laquelle elle a reconnu que les suppléantes occasionnelles au service d’une commission scolaire avaient droit aux indemnités de congé pour jours fériés en vertu de la Loi sur les normes du travail et de la Loi sur la fête nationale, et ce, même si ce congé survenait au cours de la période comprise entre 2 remplacements accomplis par celles-ci.

Appliquant les critères de l’arrêt Vavilov, la Cour d’appel a infirmé la décision de la Cour supérieure pour rétablir celle de l’arbitre, jugée raisonnable selon les nouveaux critères.

Syndicat de l’enseignement de Champlain  

10. Baux commerciaux et COVID-19

Le 16 juillet, la Cour supérieure a rendu une décision selon laquelle le locataire, qui avait été contraint de fermer son centre de conditionnement physique en raison de la pandémie de la COVID-19, a été dispensé de son obligation de payer son loyer pour la durée de la fermeture; le locateur ayant été dans l’impossibilité, pour cause de force majeure, de fournir la jouissance paisible du bien, il ne pouvait réclamer le paiement du loyer.

Hengyun International Investment Commerce Inc.

Notons que le locateur a interjeté appel de cette décision.

Les décisions les plus consultées en 2020 par domaine de droit

Terminons avec un palmarès des décisions les plus consultées, peu importe leur année de publication, dans 4 domaines de droit différents.

Droit administratif

En décembre 2019, la Cour suprême du Canada a révisé le cadre d’analyse de la norme de contrôle. Dans cette décision, la plus haute instance du pays a établi qu’il y avait désormais une présomption voulant que la norme de la décision raisonnable soit la norme applicable dans tous les cas.

Depuis sa publication, cette décision a été citée 1 326 fois dans des décisions subséquentes. Elle suit les traces du fameux précédent en la matière, l’affaire Dunsmuir, citée 13 677 fois depuis 2008.

Vavilov

Je vous invite à consulter le billet de ma collègue Émilie Larrivée pour savoir comment faire vos recherches afin de trouver les décisions ayant appliqué, mentionné ou cité cet arrêt.

Droit civil et de l’environnement 

Pour une deuxième année consécutive, cette décision fait partie des décisions les plus consultées.   Selon la Cour suprême du Canada, l’article 976 C.C.Q. crée en matière de troubles de voisinage un régime de responsabilité civile sans faute qui est fondé sur le caractère excessif des inconvénients subis. On se rappellera que, dans cette affaire, les voisins d’une cimenterie ont reçu des dommages-intérêts en raison des inconvénients anormaux qu’ils ont subis, et ce, même si le propriétaire de la cimenterie n’avait pas commis de faute.

Ciment du Saint-Laurent Inc.

Droit familial

Cette décision phare de 2013 en matière familiale se maintient au premier rang des plus consultées. Surnommé l’affaire «Éric et Lola», cette décision de la Cour suprême du Canada est venue confirmer que l’exclusion des conjoints de fait des mesures de protection en matière de soutien alimentaire et de partage des biens respecte la Charte canadienne des droits et libertés.

Québec (Procureur général) c. A

Droit criminel 

Alors que, à pareille date l’année dernière, l’arrêt Jordan était la décision la plus consultée en matière criminelle, 2 arrêts concernant l’aide médicale à mourir ont attiré davantage l’attention au cours de la dernière année.

Carter

Cet arrêt est venu déterminer que les articles 241 b) et 14 du Code criminel (C.Cr.) portent atteinte de manière injustifiée à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et sont inopérants, dans la mesure où ils prohibent l’aide médicale à mourir à l’égard d’une personne adulte capable qui 1) consent clairement à mettre fin à sa vie et 2) est atteinte de problèmes de santé graves et irrémédiables lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition.

Truchon

Pour sa part , la Cour supérieure a précisé que la disposition législative exigeant que la mort naturelle soit raisonnablement prévisible (art. 241.2 (2) d) C.Cr.) porte atteinte aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité des demandeurs (des personnes atteintes de maladies dégénératives incurables s’étant vu refuser l’aide médicale à mourir), tandis que la disposition exigeant que la personne soit en fin de vie (art. 26 paragr. 3 de la Loi concernant les soins de fin de vie) porte atteinte à leur droit à l’égalité; ces dispositions ont en conséquence été déclarées inopérantes.

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