Le 25 juin 2020, le gouvernement du Québec a adopté le Décret concernant l’ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19, lequel ordonne, entre autres mesures, que le télétravail soit privilégié lorsqu’une prestation de travail peut être fournie à distance.

Dans une affaire récente, un syndicat s’est fondé sur ce décret pour tenter de forcer la Ville de Québec à maintenir en télétravail les salariés affectés au service 3-1-1 à l’intention des citoyens.

Le tout a commencé par une demande d’ordonnance de sauvegarde (Ville de Québec), que l’arbitre de griefs a rejetée pour 3 motifs principaux. D’abord, l’arbitre s’est attardé sur la nature et les effets du décret. Notant que celui-ci ne restreignait pas les droits de la direction et que le terme «privilégier» laissait une latitude à l’employeur, il a estimé que la contestation du syndicat requérait un débat contradictoire, ce qui se prêtait mal au caractère expéditif d’une demande d’ordonnance de sauvegarde.

Ensuite, il a estimé que le syndicat, devant la preuve que 1 500 salariés de l’employeur étaient déjà en télétravail, avait échoué à démontrer l’existence d’un droit apparent.

Enfin, l’arbitre a jugé que le critère de la prépondérance des inconvénients militait en défaveur de la demande, l’employeur ayant mis en place les mesures sanitaires exigées et étant tenu de fournir les services à la population.

Le syndicat n’a pas eu beaucoup plus de succès sur le fond.

Devant le silence de la convention collective sur la question du télétravail, l’arbitre a estimé que son rôle se limitait à vérifier si l’employeur respectait le décret ou si, au contraire, il agissait de mauvaise foi, de façon discriminatoire ou abusive.

Or, selon lui, si l’intention du gouvernement était d’obliger les employeurs non pas à privilégier mais à faire du télétravail une règle obligatoire, il se serait exprimé beaucoup plus clairement.

De plus, en plaçant en télétravail environ 1 500 de ses salariés, l’employeur, selon lui, a «privilégié» le télétravail (au sens usuel du terme «privilégier», soit d’accorder une importance particulière à quelque chose).

L’arbitre retient aussi que la décision de l’employeur n’est pas dépourvue de motifs ni abusive puisque, dès le début de la pandémie, celui-ci a dû composer avec le télétravail ainsi qu’avec divers problèmes qu’il a échoué à solutionner, notamment des réseaux Internet non fiables et l’impossibilité d’enregistrer les appels des les citoyens.

Enfin, il note que l’espace de travail a été réaménagé, de sorte que la prestation des salariés pouvait être exécutée sans danger pour leur santé.

En définitive, l’arbitre a conclu que rien ne lui permettait d’intervenir dans l’exercice de l’employeur de ses droits de direction, lesquels n’avaient pas été touchés par le décret.

Dans un tel contexte, force est de constater qu’un décret qui «ordonne de privilégier» a bien peu de mordant…

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