Selon les statistiques de la CNESST, il s’est produit près de 95 000 accidents du travail au Québec en 2019. Nombreuses sont les causes de ces accidents, notamment un équipement défectueux, une mauvaise méthode de travail, un accident d’automobile, une chute, etc. Certains accidents peuvent même être attribuables au comportement d’un tiers.

Le principe général et ses exceptions

La règle générale veut que l’on impute au dossier de l’employeur le coût des prestations en lien avec une lésion professionnelle (art. 326 al. 1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies du travail (LATMP)). La loi a toutefois prévu certaines exceptions.

Parmi celles-ci, un employeur peut demander d’imputer à tous les employeurs le coût des prestations dues en raison d’un accident attribuable à un tiers si cette imputation a pour effet de lui faire supporter injustement ces coûts (art. 326 al. 2 LATMP).

Les critères à respecter

Pour pouvoir bénéficier de cette exception, l’employeur doit faire la preuve de 4 éléments, soit la survenance d’un accident du travail, la présence d’un tiers, le fait que l’accident soit attribuable à ce tiers ainsi que l’effet injuste de l’imputation.

Le simple fait qu’un tiers participe à la survenance de l’accident est toutefois insuffisant pour conclure que cet accident lui est attribuable. À ce titre, le Tribunal a refusé de reconnaître la contribution majoritaire du tiers dans CSSS St-Jérôme. Dans cette décision, la travailleuse, une auxiliaire à domicile au service d’un CLSC, a été attaquée par le chien du petit-fils d’une bénéficiaire. Il ne fait nul doute que sa blessure résultait de cette attaque. Or, contrairement à l’engagement, signé tant par la bénéficiaire que par la travailleuse voulant que le chien soit isolé dans une pièce, l’animal circulait à sa guise dans le logement et la travailleuse le câlinait. Le Tribunal a alors considéré que la travailleuse était également responsable de la survenance de l’accident.

En outre, l’imputation des coûts doit constituer une injustice pour l’employeur. Dans un tel contexte, la notion d’«injustice» renvoie à ce qui ne fait pas partie des risques inhérents à ses activités économiques. Les circonstances du fait accidentel doivent également être analysées afin de déterminer si elles possèdent un caractère extraordinaire, inusité, rare ou exceptionnel. Par conséquent, tout accident attribuable à un tiers ne constitue pas nécessairement une situation d’injustice pour l’employeur.

À titre d’exemple, dans Purolator inc., le travailleur, un livreur, s’est fait mordre par un chien alors qu’il venait de cogner à la porte d’un client. L’employeur est toutefois demeuré imputé de la totalité des coûts. D’une part, la jurisprudence a reconnu que les tâches reliées à l’emploi de livreur entraînaient une forte possibilité de contact avec les animaux et, d’autre part, la livraison à domicile fait partie de la réalité même de l’entreprise. Ainsi, le Tribunal a considéré que les attaques de chiens faisaient partie des risques reliés aux activités de l’employeur. D’ailleurs, même si le comportement du chien avait été impulsif, donc imprévisible, il ne revêtait pas un caractère exceptionnel.

Décisions intéressantes en 2021

Dans Autobus Brunet inc., la travailleuse, une conductrice de berline scolaire, a notamment subi une commotion cérébrale alors qu’un enfant l’a frappée à l’arrière de la tête à l’aide d’un banc d’appoint. Attribuant cet accident à l’enfant, l’employeur a demandé un transfert d’imputation. Or, cette demande lui a été refusée. En effet, en tant que transporteur routier de passagers, plus précisément d’élèves présentant des troubles du comportement qui pouvaient se manifester par de la violence, l’agressivité du jeune garçon faisait partie des risques inhérents qu’il devait assumer. Le Tribunal a également rappelé qu’il fallait se garder de conclure à l’existence d’un événement inusité du simple fait qu’il se réalise rarement. D’ailleurs, l’employeur a admis avoir été surpris du moyen utilisé par l’enfant, mais non de la colère manifestée. Une requête en révision a été déposée dans ce dossier.

Dans Inst. Nord-de-Île-St-Laurent-Héberg., la travailleuse, une préposée à l’entretien ménager dans un CIUSSS, s’est fait attaquer par une résidente de l’aile psychiatrique à l’aide de sa marchette. Selon l’employeur, celle-ci n’agissait pas directement auprès des résidents et l’agression ne s’est pas produite dans le cadre de ses tâches usuelles d’entretien. Or, puisque la preuve a démontré que les agressions étaient fréquentes dans le milieu de la santé, le Tribunal a conclu que cette agression faisait partie risques inhérents à l’activité de l’employeur et que les circonstances ne pouvaient pas être assimilées à un piège.

En somme, la participation d’un tiers à la survenance d’un accident ne garantit pas à l’employeur qu’il pourra bénéficier de l’exemption souhaitée. Les risques reliés à ses activités économiques pourraient alors comprendre des situations que lui-même n’a pas envisagées.

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