Le CHSLD Herron

Le 6 mai 2021, la Cour supérieure a approuvé l’entente de règlement de 5,5 millions de dollars visant l’indemnisation des résidents du Centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) privé Herron et de leurs proches pour les dommages causés par l’éclosion de la COVID-19 survenue dans l’établissement au printemps 2020. À cette période, celui-ci comptait 134 lits, et 47 résidents seraient décédés entre le 12 mars 2020 et le 1er mai 2020. Le CHSLD a depuis fermé ses portes.

Une entente équitable et rapide

De l’avis du tribunal, l’entente de règlement qui est intervenue est juste, raisonnable et équitable en plus de répondre aux intérêts des membres du groupe. Cette entente remplit également l’un des objectifs premiers du véhicule procédural de l’action collective, qui est de favoriser l’accès à la justice à des personnes vulnérables. De plus, compte tenu de l’âge avancé des résidents et des conjoints survivants, ce règlement permet une indemnisation rapide, ce qui est non négligeable afin d’éviter de rendre illusoire toute possibilité d’obtenir justice de leur vivant. En effet, n’eût été cette entente, il est raisonnable de croire que le litige opposant les parties aurait duré de nombreuses années.

À titre de comparaison, près de 14 ans se sont écoulés à la suite de l’autorisation d’exercer une action collective pour que les usagers de la Résidence St-Charles-Borromée et leurs proches soient indemnisés en lien avec les soins et traitements reçus dans cet établissement. Une entente de règlement de 8 millions de dollars a permis de mettre fin à ce dossier en 2013.

Les CHSLD publics du Québec avant la pandémie

Bien avant la déclaration d’urgence sanitaire liée à la pandémie de la COVID-19, les conditions de séjour dans les CHSLD publics du Québec étaient critiquées quant à la qualité des soins et services et quant au non-respect des droits des résidents, et ce, tant dans les médias que dans différents rapports du Protecteur du citoyen, notamment celui présenté à la Commission de la santé et des services sociaux le 17 février 2014.

D’ailleurs, une action collective a été autorisée en septembre 2019 contre les 22 centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Québec visant l’indemnisation des personnes qui résident ou qui ont résidé dans un CHSLD public depuis le 9 juillet 2015. Ce recours viserait 336 CHSLD publics et un nombre approximatif de 37 000 résidents de ces établissements.

À titre de responsables des CHSLD, les CISSS et les CIUSSS ont l’obligation légale d’offrir aux résidents «des services de santé et des services sociaux adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social, avec continuité et de façon personnalisée et sécuritaire» (art. 5 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSS)). L’obligation est d’offrir un «milieu de vie substitut» (art. 83 LSSS) à ces personnes, qui ne peuvent plus demeurer dans leur milieu naturel.

Or, selon le Conseil pour la protection des malades, qui est demandeur dans ce recours, les conditions déficientes dans les établissements portent atteinte aux droits fondamentaux des résidents à la sécurité, à l’intégrité, à la dignité et à l’honneur. Les diverses problématiques ont été regroupées en grandes catégories et visent notamment les manquements en matière d’hygiène, de santé et d’alimentation.

Une demande en modification de cette action collective a été présentée afin d’ajouter des allégations et des questions relatives à la COVID-19 pour tous les CHSLD publics. Cette demande a cependant été rejetée par la Cour supérieure le 14 septembre 2020 au motif qu’il s’agissait d’une demande en justice distincte et indépendante.

La pandémie et les nouveaux recours

Les familles de victimes décédées en CHSLD durant la pandémie se tournent vers les tribunaux pour obtenir réparation. Déjà, des demandes ont été déposées visant la compensation des résidents et de leurs proches pour les dommages causés par les éclosions de COVID-19.

Ainsi, le fils d’une résidente décédée au CHSLD Sainte-Dorothée durant la pandémie a déposé une demande d’autorisation d’exercer une action collective contre le CHSLD et le CISSS de Laval. Ce recours vise à obtenir réparation des préjudices subis par les résidents en raison de la pandémie de la COVID-19. Il est notamment allégué que, devant l’ampleur de l’éclosion, le CHSLD aurait été aux prises avec une importante pénurie de personnel ayant donné lieu à une situation de négligence et de maltraitance envers les résidents.

La fille d’une résidente décédée au CHSLD privé Vigie Santé ltée durant la pandémie a également intenté une action collective, reprochant notamment au CHSLD de ne pas avoir fourni l’équipement de protection approprié, ni l’équipement médical de base, ni les médicaments nécessaires pour gérer la douleur et assurer le confort des résidents.

Les jugements à venir

Le règlement intervenu dans l’action collective relativement à la situation au CHSLD Herron durant la pandémie est le premier à intervenir dans le contexte de la COVID-19. Les tribunaux auront à se prononcer dans les prochains mois et les prochaines années sur la qualité des soins et des services qui ont été fournis dans plusieurs établissements. Comme cette situation de pandémie mondiale est sans précédent, il n’existe aucun jugement à cet égard au Québec, ni même au Canada.

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