Les faux médecins défraient la manchette

Les manchettes des médias nous apprenaient la semaine dernière que le Collège des médecins du Québec avait émis une alerte mettant en garde ses membres contre une jeune femme qui se serait fait passer pour un médecin alors qu’elle n’a aucune formation. Cette femme aurait effectué des stages dans des cliniques et se serait présentée en milieu hospitalier avec un uniforme médical. Le Collège des médecins a déposé un recours pour exercice illégal de la médecine contre cette personne.

Radio-Canada a également présenté récemment un reportage sur le décès de Bernard Lachance, qui, dans les dernières années de sa vie, aurait reçu des conseils de la part de diverses personnes ne détenant pas de permis d’exercer la médecine, lesquelles l’auraient notamment encouragé à cesser de prendre ses médicaments contre le VIH et lui auraient conseillé différents traitements, notamment une consommation de 2 à 3 litres d’eau salée par jour; M. Lachance est décédé moins 2 semaines après cette dernière recommandation.

Les faux médecins font face à la justice

Ce printemps, 2 décisions ont été rendues concernant l’exercice illégal de la médecine et, dans les 2 cas, la naturopathie était en cause.

Collège des médecins du Québec c. Javanmardi

Dans cette affaire, la naturopathe a administré un traitement de minéraux par voie intraveineuse à un homme de 84 ans qui la consultait pour des difficultés cardiaques et pulmonaires. L’homme s’est senti mal pendant le traitement, qui a été cessé avec une recommandation de consommer du thé, de se reposer ainsi que de prendre des nutriments et des suppléments vitaminiques. Il est décédé dans les heures qui ont suivi puisqu’une fiole de nutriment était contaminée.

La naturopathe a bien tenté, sans succès, de faire tomber les accusations de pratique illégale de la médecine en alléguant le fait qu’elle avait été acquittée des infractions criminelles d’homicide involontaire et de négligence criminelle causant la mort par le plus haut tribunal du pays relativement aux mêmes faits.

Elle a également tenté sans succès d’attaquer la validité constitutionnelle de l’article 31 de la Loi médicale, qui prévoit les actes exclusifs réservés aux médecins en prétendant que cet article brimait sa liberté d’exercer sa profession en vertu de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Le tribunal précise que «ce ne sont pas les exigences de la loi qui empêchent l’exercice de la naturopathie au Québec, mais bien les pratiques de la requérante qui empiètent sur ce que la Loi médicale réserve aux médecins» (paragr. 141).

Collège des médecins du Québec c. Limoges

Cette affaire a reçu une attention médiatique particulière ce printemps puisqu’elle met également en cause une entreprise appartenant à une comédienne connue.

Les infractions reprochées à cette entreprise, au naturopathe coaccusé ainsi qu’à l’entreprise Actumus inc., dont ils sont les actionnaires, consistent à avoir agi ou publié des informations de manière à donner lieu de croire qu’ils étaient autorisés à exercer la médecine, contrevenant ainsi à l’article 32 du Code des professions.

Plus particulièrement, les reproches formulés contre les défendeurs Limoges et Maison Jacynthe ont trait à la publication de 2 vidéos sur la page Facebook de cette dernière portant sur la «détox», tandis que l’infraction reprochée à Actumus, qui exploite la Clinique L’Aube, est liée à la publication de divers éléments sur le site Internet de la clinique.

En ce qui concerne Actumus, le tribunal a conclu que la pratique de l’iridologie représente un processus médical, soit un jugement sur l’état de santé, et que, ce faisant, cela équivaut précisément à poser un diagnostic au sens de l’article 31 de la Loi médicale.

Quant à Limoges, l’utilisation par ce dernier de termes médicaux accompagnés d’explications complètes ainsi que ses références aux conférences et aux enseignements qu’il donne à l’extérieur du pays sont des éléments contextuels pouvant donner un simulacre de légitimité et une apparence d’autorité à ses propos. Pour un profane, il peut sembler être un professionnel de la santé qui possède l’autorité nécessaire afin de recommander un traitement ou un autre. Or, suggérer à une personne de se procurer ou de consommer certains produits pour nettoyer des organes «encrassés» afin d’obtenir un soulagement, c’est poser un diagnostic pour ensuite prescrire des médicaments ou des traitements. Lorsqu’il prône et recommande l’irrigation du côlon, le défendeur le fait à titre de remède ou de traitement à l’égard de déficiences de la santé déterminées et expliquées, sur lesquelles il a préalablement posé son jugement. Par ailleurs, l’irrigation du côlon représente une technique dite «invasive» et, en conséquence, exclusive aux médecins.

Enfin, pour ce qui est de Maison Jacynthe, sa porte-parole, dans les vidéos en direct destinées à répondre aux questions du public, ne se limite pas à un rôle de simple animatrice. En plus de confirmer les propos de Limoges, elle fournit des conseils et attribue des bienfaits à l’irrigation et la recommande. À l’écoute des propos tenus, toute personne raisonnable peut supposer que les défendeurs Limoges et Maison Jacynthe, par la voix de sa porte-parole, diagnostiquent des conditions de l’intestin, conseillent des traitements médicaux pour les soigner et possèdent l’autorité voulue pour agir ainsi.

Cette décision a été portée en appel.

Nous suivrons avec intérêt les jugements à venir dans ce dossier et dans celui visé par la poursuite entreprise par le Collège des médecins mentionnée en introduction. Si vous doutez des traitements ou des conseils de nature médicale que l’on vous propose, n’hésitez à demander des informations au Collège des médecins du Québec, dont la mission première est de protéger le public.

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