La guerre est semblable au feu, lorsqu'elle se prolonge elle met en péril ceux qui l'ont provoquée.
- Sun Tzu
Dans un billet publié en 2018, je vous faisais part des conséquences possibles lorsqu’on ne garde pas nos enfants à l’écart de nos conflits familiaux. Il y a quelques semaines, la Cour supérieure a rendu jugement dans une affaire où aliénation parentale et implication des enfants ont été lourdes de conséquences pour une grand-mère.
Les faits
Les grands-parents se séparent en 2002. Après la séparation, la grand-mère dénigre le grand-père au point de provoquer la rupture de sa relation avec leurs 2 fils alors mineurs pendant presque 5 ans. De plus, elle le harcèle et lui envoie des messages injurieux en utilisant la messagerie électronique de ses fils et en lui retournant des cartes de vœux destinées à ceux-ci.
En 2007, les fils décident de rompre les liens avec la grand-mère et de renouer avec le grand-père. Quelques années plus tard, étant sous l’impression que la grand-mère se porte mieux, ils renouent avec elle. Or, la grand-mère retourne à ses vieilles habitudes, ne se reconnaissant aucune responsabilité et dénigrant toute personne qui s’oppose à elle. Divers incidents sont rapportés par les fils et leur conjointe respective.
En 2018, à la suite d’une dernière rencontre, les fils comprennent qu’il n’y a rien à faire pour sauver leur relation avec la grand-mère. C’est à ce moment que la rupture définitive survient entre eux. Quelques années plus tard, la grand-mère introduit une demande en justice pour réclamer des accès à ses petits-enfants, qui sont respectivement âgés de 5, 3 et 2 ans.
La position des parties
La grand-mère reconnaît avoir commis certains des gestes qui lui sont reprochés. De façon globale, toutefois, elle ne s’explique pas qu’on l’empêche de voir ses petits-enfants.
Ses fils et leur conjointe respective, pour leur part, ne lui font pas confiance. Ils craignent notamment que la grand-mère, les percevant comme ses opposants, ne profite de droits d'accès pour les dénigrer tous. Ils invoquent aussi les répercussions de la relation qui se font sentir à ce jour.
La décision
Le juge conclut qu’il serait contraire à l’intérêt supérieur des enfants d’avoir une relation personnelle avec leur grand-mère.
Il se penche d’abord sur la gravité du conflit qui oppose la grand-mère aux parents et indique qu’il est hautement improbable que d'éventuels accès soient harmonieux, vu le ressentiment qu'éprouvent les fils envers la grand-mère et vice versa. Il note par ailleurs que rien ne permet de croire que les parents auraient créé le conflit de toutes pièces dans le but d’empêcher l’établissement d’une relation entre leurs enfants et la grand-mère.
Le juge se dit ensuite tout aussi convaincu du risque sérieux que la grand-mère, si elle a accès à ses petits-enfants, ne soit incapable de s'empêcher de se livrer à une campagne de dénigrement contre tous ceux qu'elle perçoit comme étant contre elle, dont les parents. Il relève que la grand-mère a harcelé presque toutes les personnes qui se sont trouvées sur son chemin, alors que celles-ci n'avaient rien à se reprocher. Elle a aussi fait preuve de jalousie et de colère parce qu'elle n'avait pas toute l'attention lors de certains événements marquants, brisant l'ambiance et provoquant des malaises.
Ensuite, selon le juge, l’élément le plus grave est le fait que la grand-mère a tellement dénigré le grand-père par ses mensonges -- avant et après leur séparation -- qu'elle a provoqué la rupture de la relation entre celui-ci et leurs fils pendant presque 5 ans, privant ces derniers de la présence d'un père.
Dans de telles circonstances, le juge estime qu’il n’y a pas lieu de favoriser l'établissement d'une relation entre elle et ses petits-enfants, d'autant moins que des droits d'accès, dans le contexte de ce conflit, feraient vivre aux enfants un stress important et risqueraient de compromettre l'équilibre de leur famille respective. Il écarte aussi la possibilité de contacts supervisés.
Conclusion
Dans mon billet de 2018, je suggérais, pour nos enfants, de prendre la résolution de régler nos différends ou, à tout le moins, de ne pas impliquer nos enfants dans ceux-ci. Cette décision se veut une mise en garde aux parents qui ne choisiraient pas une telle voie: pensez bien à ce que vous risquez de perdre, à court et à long terme.
Vraiment intéressant, je ne suis pas avocate mais j’adore vous lire, c’est extrêmement intéressant.
Bravo au juge Vaillancourt d’avoir tenu compte de l’intérêt premier des jeunes enfants.