Vous attendez une opération depuis longtemps et votre condition risque de se détériorer? Vous êtes anxieux ou souffrant en raison d’un problème médical et vous voulez réduire le temps d’attente pour obtenir des soins?

La tentation de recourir au privé peut être grande, à plus forte raison quand la pandémie de la COVID-19 vient ajouter aux délais.

Si vous optez pour cette solution, est-ce que la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) peut rembourser les frais que vous avez engagés et, si oui, quelles sont les conditions à respecter?

Le droit

L’article 1 e) de la Loi sur l’assurance maladie définit un «professionnel non participant» comme étant «un professionnel qui exerce sa profession en dehors des cadres du régime institué par la présente loi mais qui n’accepte pas d’être rémunéré suivant le tarif prévu à une entente […] et dont tous les patients assument seuls le paiement des honoraires […].

Les articles 26 et 27 du Règlement d’application de la Loi sur l’assurance maladie permettent le remboursement des coûts reliés à un acte médical par un professionnel non couvert par le régime pour les cas urgents.

L’article 22 du règlement énumère une longue liste de services qui ne sont pas considérés comme assurés.

Décisions récentes du Tribunal administratif du Québec (TAQ)

Le TAQ a rendu 2 décisions récemment sur l’application de ces principes. L’une a trait à une opération et l’autre à un examen d’imagerie médicale.

Professionnel non participant – Arthroscopie au genou

Le requérant s’est blessé à un genou. Il a été informé qu’il allait devoir subir une arthroscopie.

Les spécialistes qu’il a rencontrés lui ont indiqué que, compte tenu de l’engorgement du système de santé, aucune assurance ne pouvait lui être donnée quant au moment où il allait être opéré.

Le requérant a alors décidé de s’adresser à un professionnel de la santé non participant au régime de l’assurance-maladie du Québec.

La RAMQ a refusé de lui rembourser les frais de 3 850 $ qu’il avait engagés au motif que le médecin est un non-participant au régime.

Urgence

Premièrement, le requérant prétend qu’il y avait urgence de procéder à l’opération.

L’urgence à laquelle fait référence le règlement a été abordée plusieurs fois par le TAQ. Selon la jurisprudence, cette notion exige la présence de 3 critères, à savoir 1) la gravité de la condition; 2) la nécessité d’une intervention immédiate; et 3) le jugement d’un professionnel de la santé.

Or, la condition du requérant ne remplit pas ces critères.

Il ne s’agissait pas d’une situation qui nécessitait une intervention immédiate, sans quoi la vie du requérant, ou encore son intégrité physique ou psychique, auraient été menacées.

Le requérant a fait plusieurs démarches dans le but de rencontrer des spécialistes afin d’être opéré le plus rapidement possible. Ces démarches se sont échelonnées dans le temps, ce qui démontre que le critère d’immédiateté de la notion d’«urgence» n’était pas rempli en l’espèce.

Enfin, il n’y a aucun document d’un professionnel qui fait état de la nécessité d’opérer le requérant de manière urgente.

Disponibilité des soins

Deuxièmement, le requérant soutient que les coûts engagés devraient lui être remboursés étant donné que le service était non disponible au Québec au moment de son opération.

La disponibilité des soins nécessite une analyse distincte puisqu’elle n’est pas comprise dans la notion d’«urgence» définie au règlement. En effet, le TAQ, dans une autre décision, a conclu que les difficultés d’accès aux soins ne permettent pas de reconnaître un caractère d’urgence à la démarche d’un citoyen, car il n’y a pas de menace au pronostic vital.

Le requérant prétend que les services n’étaient pas disponibles puisqu’il devait attendre des mois, sinon des années, avant de subir son intervention.

Or, le délai requis avant d’obtenir un soin ne rend pas pour autant ce service non disponible au Québec, et ce, même s’il peut occasionner des soucis et des problèmes. Ce délai ne menaçait pas le pronostic vital du requérant.

La loi prévoit la possibilité d’obtenir le remboursement des coûts engagés pour obtenir des services à l’extérieur du Québec lorsque ceux-ci ne sont pas disponibles au Québec. Toutefois, il n’existe aucune mesure semblable dans la loi lorsque les services sont reçus au Québec.

Service non assuré – Examen d’imagerie médicale au privé

La requérante a payé 475 $ dans une clinique privée pour une tomodensitométrie (TDM). La RAMQ a refusé de rembourser cette somme.

Situation exceptionnelle invoquée

La requérante a affirmé qu’elle ne pouvait pas subir cet examen à l’hôpital puisqu’elle était trop souffrante pour supporter le long délai d’attente.

De plus, l’hôpital comptait de nombreux cas de COVID-19 et elle ne voulait pas prendre de risque. Elle souffre de maladie pulmonaire obstructive chronique ainsi que de problèmes cardiaques. Son mari est immunosupprimé. À cette époque, la requérante n’était pas encore vaccinée.

Confirmation du refus de la RAMQ

L’article 22 q.1) du règlement précise que la TDM n’est pas un service assuré, «à moins que ce service ne soit rendu dans une installation maintenue par un établissement qui exploite un centre hospitalier».

Or, la requérante s’est rendue dans une clinique privée, administrativement non reliée à un centre hospitalier. Elle n’a pas droit au remboursement demandé puisque aucune exception n’est prévue au règlement. Ni la RAMQ ni le TAQ n’ont le pouvoir discrétionnaire d’y déroger et d’accorder le remboursement.

Remarques reliées à la pandémie de la COVID-19

La requérante a souligné que plusieurs règles avaient été modifiées pour faire face à la pandémie.

Toutefois, la RAMQ a indiqué qu’aucun programme ou budget particulier n’avait été mis en place pour ce type de situation. Ainsi, le contexte de la pandémie, bien qu’il soit exceptionnel, ne permet pas non plus de déroger aux règles établies en matière de remboursement de services.

Conclusion

Comme on peut le constater, il est extrêmement difficile d’obtenir un remboursement lorsqu’on décide d’avoir recours au privé. Y aurait-il lieu de mettre en place des règles de remboursement plus souples pour tenir compte de la situation exceptionnelle que constitue la pandémie de COVID-19 et de son effet dévastateur sur l’accès aux soins de santé?

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