Le gouvernement fédéral a récemment ajouté au Code canadien du travail (C.C.T.) un nouveau jour férié, soit la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation (JNVR), qui a lieu le 30 septembre de chaque année.

Un jour férié fédéral

L’objet de la loi est le suivant: «rendre hommage aux survivants des Premières Nations, des Inuits et des Métis, à leurs familles et à leurs collectivités, et veiller à ce que la commémoration de leur histoire et des séquelles des pensionnats demeure un aspect essentiel du processus de réconciliation» (art. 1).

Le Québec, lui, a refusé d’emboîter le pas au gouvernement fédéral.

Dans un tel contexte, on pourrait penser que ce jour férié ne s’applique qu’aux entreprises ou aux organismes de juridiction fédérale.

La loi des parties

Or, ce n’est pas le cas, l’employeur et le syndicat pouvant décider d’un commun accord d’inclure expressément ce congé dans la convention collective ou de prévoir un mécanisme conventionnel permettant d’arriver au même résultat.

Par exemple, dans Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 4134 et Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu, la convention collective prévoyait que «[t]oute nouvelle fête civique décrétée par les autorités fédérales, provinciales ou municipales, à l’occasion d’un événement spécial, est fériée payée» (paragr. 5).

D’une part, l’arbitre a estimé que la JNVR constituait une nouvelle fête civique décrétée à l’occasion d’un événement spécial au sens de la convention collective, ajoutant une comparaison qui se révèle aujourd’hui d’actualité:

[40] Le Tribunal ne peut voir comment ce contexte historique et social, récemment révélé au grand jour, est moins une «occasion d’un événement spécial» au Canada, que l’enterrement ou le couronnement d’un membre de la famille royale.

D’autre part, il a rejeté l’argument fondé sur l’absence de compétence d’une autorité fédérale pour imposer un jour férié à un employeur de juridiction provinciale puisque le congé en cause trouvait sa source dans la convention collective et non dans la loi.

Par conséquent, conformément à la volonté des parties, il a ajouté ce jour férié à la convention.

Sujet à interprétation

Dans Guilde canadienne des médias et Cogeco Média inc., le syndicat n’a pas eu autant de succès.

La convention collective, tout en accordant un total de 12 jours fériés payés chaque année, stipulait essentiellement que, dans l’éventualité où le législateur décrétait une autre fête légale non encore prévue, «les parties s’entendront pour l’ajouter à la liste des congés de la convention collective» (paragr. 3).

La question était donc de déterminer si le plafond de 12 jours s’appliquait en tout état de cause ou, au contraire, s’il devait céder le pas devant l’entrée en vigueur d’un nouveau congé statutaire.

L’arbitre a retenu l’interprétation proposée par l’employeur, estimant notamment que les parties avaient convenu d’une liste de congés fermée et que l’usage de l’expression «les parties s’entendront» dans la clause applicable excluait la possibilité que celles-ci aient souhaité l’ajout automatique de tout nouveau jour férié.

Ainsi, les modalités de l’inclusion du nouveau jour férié devaient selon lui faire l’objet de négociation entre les parties:

[68] Dans le cadre de discussion menant à une entente, il est possible de convenir que cette nouvelle fête légale peut être prise sans être rémunérée, comme c’est le cas pour les salariés à temps partiel (cl. 19.07), pour les salariés qui souhaiteraient s’absenter le jour de cette fête ou encore, il pourrait être accepté de l’ajouter à titre de concession pour obtenir autre chose. […]

Une norme minimale

Dans un autre ordre d’idées, on pourrait également être tenté de penser que le nouveau jour férié s’applique à toutes les entreprises ou organismes de juridiction fédérale.

Ce n’est pas le cas non plus.

En effet, l’article 168 (1.1) C.C.T. prévoit notamment que la section relative aux jours fériés ne s’applique pas aux employés dont les conditions de travail prévoient des droits et avantages au moins égaux à ceux prévus au code.

Bref, les jours fériés édictés au code constituent une norme minimale, les parties demeurant libres de convenir de conditions de travail plus généreuses.

La question s’est posée dans Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 687 et Groupe TVA inc.

Dans cette affaire, le syndicat réclamait l’ajout de la JNVR aux 12 jours fériés qu’accordaient déjà les conventions collectives.     

Après s’être penché sur la durée des congés, les taux de salaire et les périodes donnant droit à ces avantages, comme le commande le test de la «balance métaphorique», l’arbitre a conclu que les conventions accordaient des avantages au moins égaux à ceux du Code canadien du travail, de sorte qu’elles s’appliquaient de façon exclusive en ce qui a trait aux jours fériés.

Conclusion

Ces divers exemples rappellent que «jour férié» n’est pas nécessairement synonyme de «jour chômé» ou de «jour chômé payé».

 

 

 

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