
Élections provinciales: survol de la jurisprudence
Les élections provinciales de ce 3 octobre 2022 sont imminentes. C’est le bon moment pour faire un survol de différents litiges que les tribunaux ont eu à trancher dans les dernières années relativement à la Loi électorale (la loi) et d’autres sujets connexes.
Infractions pénales
Publicité et technologie
Le responsable des médias sociaux d’un parti politique a publié sur le média social Facebook une publicité payée dans le contexte de la campagne électorale de ce parti. Il a été reconnu coupable d’avoir payé une publicité pendant une période interdite par l’article 429 de la loi. Les principes traditionnels d’interprétation des lois et la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information mènent à la même conclusion, à savoir que l’interdiction de publicité édictée à l’article 429 s’applique à l’affichage dans un espace virtuel comme celui du média social Facebook.
Publicité et statut
Devant la Cour du Québec, l’intimé a été reconnu coupable d’avoir fait une dépense électorale en payant la parution, dans un journal et pendant la période électorale, d’un communiqué qui dénonçait la légitimité de certains candidats à l’élection provinciale sans être l’agent officiel d’un candidat ou d’un parti autorisé. La Cour supérieure a acquitté l’intimé en appel au motif que ce dernier n’avait pas été identifié hors de tout doute raisonnable comme étant la personne qui avait fait paraître la publicité. La Cour d’appel a confirmé cette décision.
Production d’un rapport
Le représentant officiel d’un parti politique au Québec a été reconnu coupable d’avoir omis de produire un rapport exigé par la loi dans le délai prescrit, contrevenant ainsi à l’article 563 de la loi; le terme «omet» employé à cet article n’est pas un synonyme de négligence nécessitant la preuve d’un certain niveau d’intention de commettre l’infraction.
Contribution et sollicitation
- En Cour du Québec, l’appelant a été déclaré coupable d’avoir aidé une personne morale à tenter de verser une contribution à un parti politique. Or, selon Cour supérieure, ce jugement comporte une erreur de droit déterminante en ce qui a trait à l’état d’esprit blâmable à démontrer pour engager sa responsabilité pénale. Le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) devait établir hors de tout doute raisonnable que l’appelant aurait dû savoir que sa conduite aurait comme conséquence probable d’aider une personne morale à tenter de verser une contribution politique.
- Dans une autre affaire, le défendeur a été reconnu coupable d’avoir contrevenu à la loi en matière de sollicitation de contribution politique alors qu’il était membre d’un cabinet comptable. La note de service qu’il a transmise aux autres associés du cabinet constitue de la sollicitation illégale de contributions politiques.
- Un directeur dans un cabinet d’ingénieurs a été déclaré coupable d’avoir aidé un collègue à faire une contribution de 500 $ à un parti politique autrement qu’à même ses propres biens; l’amende de 1 000 $ qui lui a été imposée par la Cour du Québec a été maintenue en appel.
Travail et élections
Dans Syndicat des technologues d’Hydro-Québec, Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 957 et Hydro-Québec, il a été déterminé que la période de 4 heures pour aller voter ne pouvait chevaucher les 2 heures 45 minutes de transport qu’il fallait aux salariés pour se rendre de l’établissement de l’employeur jusqu’au bureau de vote.
Refonte de la carte électorale
La Commission de la représentation électorale du Québec s’est appuyée sur une grande quantité d’informations et sur son expertise unique lorsqu’elle a décidé de fusionner les circonscriptions électorales de Mont-Royal et d’Outremont; la Cour supérieure a conclu que sa décision était bien fondée.
Contestation d’une élection
Le demandeur a voulu se présenter comme candidat dans une circonscription électorale, mais le directeur du scrutin n’a pas voulu accepter sa candidature en raison d’un problème technique. Le demandeur a déposé une demande de contestation de l’élection du député de cette circonscription. Or, il ne pouvait contester l’élection du député puisque son recours était manifestement mal fondé et qu’il souffrait de vices si fondamentaux qu’il était abusif.
Dépouillement judiciaire
À lui seul, le faible écart de votes entre le gagnant d’une élection provinciale et la personne qui est arrivée deuxième ne scelle pas l’issue d’une demande de recomptage judiciaire. Toutefois, combiné au nombre élevé de votes rejetés et annulés à la suite d’erreurs, cela devient un élément important et incontournable dans l’analyse. La demande de recomptage judiciaire a donc été accueillie.
Langue
Le Tribunal administratif du travail a précisé que le DGEQ est soumis à l’application de la Charte de la langue française lorsqu’il s’agit de la sélection de son personnel puisqu’il est un organisme gouvernemental au sens de l’annexe de la charte.
Accès à l’information
Selon la Cour d’appel, les appelants ne peuvent utiliser et diffuser une liste électorale à des fins généalogiques puisqu’ils enfreignent ainsi la loi.
Droits et libertés
Droit à l’égalité
Le lieu de résidence ne constitue pas l’un des motifs énumérés à la Charte canadienne des droits et libertés ni ne peut constituer un motif analogue. Les appelants n’ont pas démontré que le mode de scrutin uninominal à 1 tour en vigueur au Québec portait atteinte à leur droit à l’égalité en tant que membre de la communauté anglophone de l’Ouest-de-l’Île de Montréal.
Liberté d’expression
L’interdiction de faire de la publicité partisane en période d’élections contenue à la loi constitue une atteinte minimale à la liberté d’expression des syndicats.
Nom
Le requérant, candidat à une élection, a demandé au DGEQ d’insérer «Father-4-justice» entre son prénom et son nom sur les documents de mise en candidature et sur le bulletin de vote. Or, il n’a pas démontré que les nom et prénoms qu’il désire utiliser à des fins électorales sont ses nom et prénoms usuels selon la loi.
Débat télévisé
Le chef d’un parti politique provincial n’a pu obtenir une ordonnance d’injonction interlocutoire provisoire obligeant les télédiffuseurs à le convier aux débats des chefs. L’article de la loi sur lequel il s’appuyait ne vise que les espaces mis gratuitement à la disposition des partis sous la forme d’une publicité, à l’exclusion des entrevues et des débats.
Allocation de transition
Un député a eu droit à une allocation de transition en vertu de la Loi sur les conditions de travail et le régime de pension des membres de l’Assemblée nationale à la suite de l’annulation de son élection en raison d’une manœuvre électorale frauduleuse.
Bonne soirée d’élection!
Références
- Therrien c. Directeur général des élections du Québec (C.A., 2022-08-05), 2022 QCCA 1070, SOQUIJ AZ-51872103, 2022EXP-2160.
- Michaud c. Directeur général des élections du Québec (C.Q., 2015-09-18), 500-61-361472-138 .
- Michaud c. Directeur général des élections du Québec (C.S., 2016-06-21), 2016 QCCS 3936, SOQUIJ AZ-51316407, 2016EXP-3149. Requête en prolongation de délai d’appel accueillie (C.A., 2016-07-27), 2016 QCCA 1223, SOQUIJ AZ-51310572. Requête pour permission d’appeler accueillie (C.A., 2016-09-15), 2016 QCCA 1510, SOQUIJ AZ-51324944. Appel d’un acquittement rejeté (C.A., 2017-10-20), 2017 QCCA 1698, SOQUIJ AZ-51438578, 2017EXP-3103.
- Directeur général des élections du Québec c. Michaud (C.A., 2017-10-20), 2017 QCCA 1698, SOQUIJ AZ-51438578, 2017EXP-3103.
- Directeur général des élections du Québec c. Raza (C.Q., 2020-12-23), 2020 QCCQ 9035, SOQUIJ AZ-51733553, 2021EXP-402.
- Directeur général des élections du Québec c. Milot (C.Q., 2017-04-21), 2017 QCCQ 3646, SOQUIJ AZ-51386767, 2017EXP-1562. Appel sur la culpabilité accueilli; tenue d’un nouveau procès ordonnée (C.S., 2018-11-02 (décision rectifiée le 2018-12-21)), 2018 QCCS 5939, SOQUIJ AZ-51542145, 2019EXP-827. Requête pour permission d’appeler rejetée (C.A., 2019-02-15), 2019 QCCA 266, SOQUIJ AZ-51569629.
- Milot c. Directeur général des élections du Québec (C.S., 2018-11-02 (jugement rectifié le 2018-12-21)), 2018 QCCS 5939, SOQUIJ AZ-51542145, 2019EXP-827. Requête pour permission d’appeler rejetée (C.A., 2019-02-15), 2019 QCCA 266, SOQUIJ AZ-51569629.
- Directeur général des élections du Québec c. Villeneuve (C.Q., 2018-02-08), 2018 QCCQ 893, SOQUIJ AZ-51471133, 2018EXP-759.
- Keays c. Directeur général des élections du Québec (C.Q., 2016-09-09), 200-61-176976-148.
- Directeur général des élections du Québec c. Keays (C.S., 2017-09-26), 2017 QCCS 4329, SOQUIJ AZ-51427883, 2017EXP-3171.
- Syndicat des technologues d’Hydro-Québec, Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 957 et Hydro-Québec (grief syndical), (T.A., 2021-01-18), 2021 QCTA 38, SOQUIJ AZ-51738288, 2021EXP-603, 2021EXPT-273.
- Jennings c. Commission de la représentation électorale du Québec (C.S., 2020-03-16), 2020 QCCS 1035, SOQUIJ AZ-51679745, 2020EXP-1109.
- Roy c. Lamontagne (C.Q., 2019-06-06), 2019 QCCQ 3674, SOQUIJ AZ-51606181, 2019EXP-2125. Demande en rétractation de jugement rejetée (C.Q., 2020-02-28), 2020 QCCQ 1042, SOQUIJ AZ-51676237.
- Lapierre et Directeur de scrutin pour la circonscription des Îles-de-la-Madeleine (C.Q., 2018-10-05), 2018 QCCQ 8298, SOQUIJ AZ-51545331, 2019EXP-11.
- Lacroix et Directeur général des élections du Québec (T.A.T., 2017-02-14), 2017 QCTAT 683, SOQUIJ AZ-51365125, 2017EXP-669, 2017EXPT-355. Requête en révision rejetée (T.A.T., 2017-10-25), 2017 QCTAT 4806, SOQUIJ AZ-51436305, 2017EXPT-2130.
- 9179-3588 Québec inc. (Institut Drouin) c. Drouin (C.A., 2013-12-11), 2013 QCCA 2146, SOQUIJ AZ-51027262, 2014EXP-12, J.E. 2014-9.
- Daoust c. Directeur général des élections (C.A., 2011-09-13), 2011 QCCA 1634, SOQUIJ AZ-50786231, 2011EXP-2860, J.E. 2011-1602, [2011] R.J.Q. 1687. Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2012-04-26), 34521.
- Métallurgistes unis d’Amérique, section locale 7649 (FTQ) c. Directeur général des élections du Québec (C.A., 2011-06-06), 2011 QCCA 1043, SOQUIJ AZ-50759594, 2011EXP-1888, J.E. 2011-1046, [2011] R.J.Q. 1206. Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2012-01-12), 34398.
- Laforest c. Directeur général des élections du Québec (C.S., 2007-09-07), 2007 QCCS 4553, SOQUIJ AZ-50454165, B.E. 2007BE-1140.
- Aussant c. Société Radio-Canada (C.S., 2012-08-16), 2012 QCCS 3872, SOQUIJ AZ-50886878, 2012EXP-3149, J.E. 2012-1684, [2012] R.J.Q. 1722.
- Thérien c. Québec (Procureur général), (C.S., 2002-08-29), SOQUIJ AZ-50142815, J.E. 2002-2104, [2002] R.J.Q. 3169. Désistement d’appel (C.A., 2004-03-26), 500-09-012717-021.