En mars dernier, je vous présentais quelques exemples de décisions où les tribunaux ont reconnu que la pandémie de la COVID-19 constituait un cas de force majeure en matière contractuelle.

Une décision en matière de vente d’immeuble

Dans une décision très récente, la Cour supérieure a toutefois conclu que la situation sanitaire liée à la COVID-19 qui avait cours au printemps 2020 ne pouvait être invoquée par les vendeurs d’une maison pour refuser de passer titre.

L’offre d’achat de leur immeuble a été acceptée en janvier 2020 et l’acte de vente devait être signé le 15 avril 2020, avec prise de possession par les acheteurs le 3 mai suivant.

Entre-temps, le gouvernement du Québec a déclaré l’urgence sanitaire le 13 mars 2020 en raison de la progression de la COVID-19.

Prétentions des vendeurs liées à la pandémie de la COVID-19

Alléguant ne pas avoir été en mesure de se trouver une nouvelle résidence, compte tenu des directives gouvernementales les ayant empêchés de visiter et de faire inspecter des maisons, les vendeurs ont refusé de donner suite à l’offre d’achat et de vendre leur immeuble. Ils ont proposé aux acheteurs de procéder à la vente après la pandémie, mais ces derniers ont refusé et ont intenté contre eux un recours en passation de titre.

Devant la juge, les vendeurs ont prétendu que leur obligation de passer titre était devenue nulle et non avenue en raison de la pandémie, une force majeure qui les avait empêchés de se trouver une autre maison et, par ricochet, de vendre la leur.

Les motifs de la décision

La juge a rejeté la prétention des vendeurs au motif que la crise sanitaire liée à la COVID-19 ne possédait pas le caractère d’irrésistibilité requis pour se qualifier de force majeure:

[32] Le fait qu’invoquent les défendeurs de ne pas avoir pu visiter de maisons et en acheter une pour se reloger en raison de la situation sanitaire liée au Covid-19 qui prévalait au printemps 2020 au Québec ne constitue pas une force majeure. Si ce fait possède le caractère d’imprévisibilité requis pour être ainsi qualifié, il ne revêt pas celui d’irrésistibilité.

Selon la juge, la COVID-19 n’avait pas empêché «de manière absolue» les vendeurs de passer titre. Elle avait tout au plus rendu l’exécution de leurs obligations plus compliquée:

[37] Les difficultés rencontrées par les défendeurs pour acheter une maison ayant toutes les caractéristiques requises pour combler tous leurs besoins dans le délai de l’offre d’achat dans le contexte de la crise sanitaire du Covid-19 au printemps 2020 n’ont pas rendu l’exécution de leur obligation de passer titre aux demandeurs «absolument impossible».

Dans les circonstances, la juge a conclu que «l’impossibilité pour les défendeurs de vendre leur maison en raison des effets du COVID-19 sur leur capacité à se reloger, n’aurait pu entraîner que la suspension de leurs obligations et non pas leur anéantissement entier et définitif» (paragr. 39).

Enfin, même s’il s’agissait d’un cas de force majeure, la juge a retenu que rien n’empêchait les vendeurs de chercher une nouvelle maison et de respecter leurs obligations envers les acheteurs lorsque les activités immobilières ont repris, en juin 2020.

Le recours en passation de titre des acheteurs a donc été accueilli en partie et les vendeurs ont été condamnés à leur payer 52 747 $ à titre de dommages-intérêts.

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