Lorsqu’un salarié croit que son syndicat a agi de mauvaise foi, de façon arbitraire ou discriminatoire ou qu’il a fait preuve de négligence grave à son égard, il peut porter plainte contre lui en vertu de l’article 47.2 du Code du travail (C.tr.).

Or, à certaines occasions, il arrive que le syndicat admette sa faute et porte même assistance au salarié durant ce processus.

Est-ce que le Tribunal devrait se méfier de cette «nouvelle» collaboration? S’agit-il d’un signe de collusion? Cette reconnaissance peut-elle au contraire accélérer le processus judiciaire?

Définition de la «collusion»

La jurisprudence enseigne qu’il y a collusion entre 2 personnes lorsqu’elles s’entendent secrètement dans le but de causer préjudice à autrui ou de tromper la justice, notamment afin d’obtenir les bénéfices de la loi qui seraient autrement inaccessibles.

L’aide d’un syndicat auprès d’un salarié pour l’accompagner dans une plainte afin de corriger sa véritable négligence ne constitue donc pas de la collusion. Au contraire, la jurisprudence, dans Lahaie c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 (cols bleus), qualifie de louable cette assistance, tout comme la reconnaissance d’avoir commis une négligence.

Admettre sa faute, une façon de rattraper une erreur?

Il est important de savoir que le recours à ce type de plainte ne constitue cependant pas l’occasion pour un syndicat de «rattraper» une erreur commise par lui ou par le salarié (par exemple pour relever un salarié de son omission de s’être plaint en temps utile d’une situation à son syndicat).

Dans cette optique, l’admission de négligence peut alors être assimilée à une fraude ou à une tromperie pour cacher un changement de position ou l’erreur inexcusable du salarié. En effet, il y a une distinction entre admettre sa négligence et créer des faits pour leurrer quant à son existence.

Quelques cas pratiques

Beaulieu-Duchesneau c. Syndicat des professeurs de l’État du Québec (SPEQ)

Dans ce dossier, le salarié reprochait au syndicat d’avoir omis de déférer à l’arbitrage un grief qui contestait une mesure disciplinaire. Le syndicat a admis sa faute et a appuyé la demande du salarié à cet égard.

Bien que le Tribunal ait constaté la négligence grave du syndicat, il s’est ensuite questionné afin de déterminer s’il existait de la collusion entre les parties.

Or, les faits ont démontré que l’association avait agi d’une façon raisonnable, notamment en informant le salarié de son droit de déposer une plainte pour manquement au devoir de représentation et en l’aidant à remplir le formulaire. Elle s’est ainsi assurée que le salarié avait les outils nécessaires pour éclairer le Tribunal sur la portée de sa plainte. Le Tribunal a donc confirmé l’absence de collusion.

Barone c. Syndicat des travailleurs(euses) des dispensaires de la Baie d’Hudson – CSN

Le salarié reprochait au syndicat d’avoir déposé un grief à l’encontre de sa suspension 2 mois après l’expiration du délai prévu à la convention collective. Constatant cette erreur, le syndicat a alors informé le salarié que le grief était hors délai et qu’un recours pour manquement au devoir de représentation était prévu à l’article 47.2 C.tr.

L’employeur a alors invoqué l’existence d’une collusion entre le salarié et son syndicat. La preuve a toutefois démontré que, après l’avoir informé de l’existence de ce recours, l’assistance du syndicat s’était limitée à lui suggérer de consulter le site Internet du Tribunal et qu’il n’avait pas participé à la rédaction de la plainte.

Dans ces circonstances, le Tribunal a conclu à l’absence de collusion, le syndicat ayant agi de façon transparente et responsable devant une situation préjudiciable causée par sa négligence, ce qui était souhaitable et conforme à son obligation d’agir de bonne foi.

Côté et Syndicat des techniciennes et techniciens et des professionnelles et professionnels de la santé et des services sociaux de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (CSN)

Dans ce dossier, la salariée a reproché à son syndicat d’avoir déposé un grief contestant sa fin d’emploi en dehors du délai prévu à la convention collective. Le syndicat a admis sa faute et a offert de l’assistance à la salariée quant au dépôt d’une plainte à son égard et lui a même assigné une avocate pour la rédaction de celle-ci.

L’employeur a reproché au syndicat d’avoir fait preuve de collusion. Or, s’il est vrai que le syndicat a conseillé et guidé la salariée lors de cette plainte, le Tribunal a déclaré ne pas voir une intention frauduleuse du seul fait que le syndicat avait transmis des informations à l’un de ses membres au sujet de la démarche à suivre.

Conclusion

Selon les résultats de ma recherche jurisprudentielle dans les banques de SOQUIJ, les plaintes déposées en vertu de l’article 47.2 C.tr. pour lesquelles le syndicat a admis sa faute sont généralement accueillies.

Il demeure cependant qu’il existe toujours un risque de collusion lorsque le syndicat appuie la requête du salarié. C’est pourquoi, comme le rappelait la juge dans Godbout et Syndicat des employés de magasin et de bureau de la Société des alcools du Québec, le Tribunal ne peut se satisfaire de la simple admission de négligence grave du syndicat; il doit en outre s’assurer qu’une preuve de négligence grave a effectivement été présentée.

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