La Loi visant à aider les personnes victimes d’infractions criminelles et à favoriser leur rétablissement (la nouvelle loi) est entrée en vigueur le 13 octobre 2021. Elle a remplacé la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels (l’ancienne loi). Pourquoi une modification législative? Quels changements ont été apportés? Et quels sont les effets de ces modifications, particulièrement pour les victimes de violences sexuelles et conjugales?

Pourquoi une modification législative?

Cette réforme législative découle de la parution, en 2016, d’un rapport spécial du Protecteur du citoyen. Celui-ci a constaté plusieurs lacunes dans l’administration du régime d’indemnisation des victimes d’actes criminels. Il a formulé 33 recommandations à la Direction de l’Indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC).

En 2019, Sonia Lebel, qui était alors la ministre de la Justice du Québec, a souhaité une réforme à la suite du rapport. C’est ce qui a mené aux modifications du programme d’indemnisation et à l’adoption de la nouvelle loi.

Quels sont certains des changements apportés?

La nouvelle loi apportant une réforme majeure, seuls certains changements sont rapportés dans le présent texte.

Notion de «victime»:

La nouvelle loi élargit la notion de «victime» et établit plusieurs catégories.

Infractions criminelles visées:

  • Jusqu’au 12 octobre 2021, seule la victime d’un acte faisant partie de l’énumération qui se trouve à l’annexe de l’ancienne loi pouvait être admissible au régime de l’IVAC.
  • Depuis le 13 octobre 2021, toute infraction criminelle prévue au Code criminel commise après le 1er mars 1972 et qui porte atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’une personne est visée par la nouvelle loi. Toutefois, les infractions contre les biens ne sont pas visées. 

Programme d’aide en situation d’urgence:

Avec la nouvelle loi, une personne dont la vie ou la sécurité ou encore celle de son enfant ou de toute autre personne qui est à sa charge est menacée pourrait obtenir une aide financière d’urgence pour quitter son domicile et trouver refuge là où elle se sentira en sécurité.

Délais de présentation d’une demande:

  • Jusqu’au 12 octobre 2021, la victime avait 1 an pour faire sa demande de prestations si le crime avait été commis avant le 23 mai 2013, et 2 ans si le crime avait été commis après le 23 mai 2013. Toutefois, en cas de dépôt après ces délais, la demande était analysée afin de vérifier si la victime démontrait, notamment, qu’elle avait été dans l’impossibilité d’agir.
  • Depuis le 13 octobre 2021, le délai pour faire une demande de qualification auprès de l’IVAC est de 3 ans. Le délai commence à courir au moment où la personne prend connaissance du dommage qu’elle a subi en raison de l’infraction criminelle ou dans les 3 ans suivant le décès d’une personne causé par une infraction criminelle. Toutefois, en cas de dépôt après ce délai, la demande sera analysée si la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard. Pour les infractions criminelles qui impliquent de la violence conjugale, de la violence subie pendant l’enfance ou une agression à caractère sexuel, la demande de qualification peut être faite en tout temps. Il n’y a plus de délai.

Lieu de l’infraction:

  • Jusqu’au 12 octobre 2021, pour qu’une victime puisse avoir droit au régime d’indemnisation de l’IVAC, l’acte criminel devait avoir été commis au Québec.
  • Depuis le 13 octobre 2021, la personne victime d’une infraction criminelle commise à l’extérieur du Québec peut recevoir de l’aide financière si l’infraction est considérée comme criminelle au Canada. Certaines conditions s’appliquent à l’égard du statut de la personne victime.

Admissibilité à l’indemnisation pour perte de revenu:

  • Jusqu’au 12 octobre 2021, selon une politique de l’IVAC, lorsqu’une victime d’un acte criminel était sans emploi au moment de l’événement, c’est le salaire minimum applicable au moment de cet événement qui était en principe utilisé comme base salariale à l’établissement de sa rente.
  • Depuis le 13 octobre 2021, la nouvelle loi prévoit une aide financière palliant une perte de revenu pour les personnes ayant un lien d’emploi. Une personne sans emploi peut recevoir une aide financière compensant certaines incapacités si elle démontre une incapacité à accomplir la majorité de ses activités habituelles. Cette indemnité est basée sur le salaire minimum.

Durée du versement de l’aide financière:

  • Jusqu’au 12 octobre 2021, aucun délai n’était prévu dans l’ancienne loi.
  • Depuis le 13 octobre 2021, l’article 51 de la nouvelle loi prévoit que: «L’aide financière palliant une perte de revenu ou l’aide financière compensant certaines incapacités est versée, à l’égard d’un même événement, pour une période maximale de trois ans consécutifs ou non.»

Mesures transitoires:

  • La personne dont la demande de prestations a été rejetée peut présenter une nouvelle demande de qualification en vertu de la nouvelle loi lorsque l’infraction criminelle visée comprend de la violence subie pendant l’enfance, de la violence sexuelle ainsi que de la violence conjugale et lorsque la demande de prestations a été rejetée parce que la demande avait été présentée en dehors du délai prévu par l’ancienne loi.
  • La nouvelle demande de qualification doit donc être faite avant le 13 octobre 2024.

Des questions sur les effets des modifications, particulièrement pour les victimes de violences sexuelles et conjugales

  • Les parents ou les enfants d’une personne victime de violence conjugale ou sexuelle peuvent-ils être indemnisés?
  • Les personnes victimes de violence conjugale psychologique étaient exclues de l’ancien régime d’indemnisation en l’absence d’infractions correspondant à cette situation dans l’annexe de l’ancienne loi. Sont-elles maintenant couvertes par la nouvelle loi?
  • Les infractions désormais couvertes par la nouvelle loi comprennent notamment l’exploitation sexuelle, la production et la possession de matériel de pornographie infantile, le leurre par Internet, la traite de personnes, le partage non consensuel d’images intimes et le voyeurisme. Les personnes victimes de ces actes criminels commis avant le 13 octobre 2021 sont-elles couvertes par la nouvelle loi?
  • Une personne victime de violence sexuelle dans l’enfance peut-elle déposer une demande de qualification à l’âge adulte? Si oui, à quelles conditions? Et si elle a déjà déposé une demande avant le 13 octobre 2021 et que celle-ci a été rejetée, peut-elle déposer une nouvelle demande? Si oui, à quelles conditions?
  • Une Québécoise en voyage qui est agressée sexuellement à l’étranger peut-elle déposer une demande de qualification?
  • Une retraitée, une étudiante, une prestataire de la sécurité du revenu ou une femme à la maison peut-elle être indemnisée pour une perte de revenu?
  • Une personne victime qui a un lien d’emploi et qui présente de nombreuses incapacités peut-elle être indemnisée sa vie durant?

Conclusion

Pour connaître les réponses à ces questions (et à bien d’autres!), SOQUIJ vous convie à la conférence «Violences sexuelles et conjugales: l’admissibilité à l’aide financière du Québec», qui aura lieu le 24 novembre 2022. Me Michaël Lessard, avocat et doctorant en droit à l’Université de Toronto, exposera plus en détail les principales modifications législatives de la réforme applicables aux victimes de violences sexuelles ou conjugales, plus particulièrement leur admissibilité à l’aide financière prévue par la nouvelle loi.

Webinaire sur l'aide financière en cas de violences sexuelles et conjugales

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