Nos tribunaux ont travaillé sans cesse en 2022 et ils ont tranché une multitude de questions en matière de preuve, de droits constitutionnels, de culpabilité, de peine, etc. Toutes ces décisions sont importantes en ce qu’elles traduisent les valeurs de notre société et qu’elles contribuent à l’évolution du droit, mais certaines se démarquent en raison de l’attention publique qu’elles reçoivent.
Au cours de l’année, je vous ai parlé de certaines de ces décisions, dont R. c. Houle et Personne désignée c. R. D’ailleurs, cette dernière affaire, connue comme étant le «procès secret», a fait l’objet d’un nouvel arrêt, dans lequel la Cour d’appel est venue préciser entre autres choses que la divulgation de l'identité du juge, du tribunal et des avocats des parties mènerait à l'identification de la personne accusée, une indicatrice de police. Elle a donc rejeté les requêtes visant à obtenir la levée totale ou partielle des ordonnances de mise sous scellés et de caviardage du dossier d'appel ou un accès à celui-ci.
Ordonnances de nouveau procès
Dans le tout récent Tshilumba c. R., la Cour d’appel a ordonné la tenue d’un nouveau procès pour ce jeune homme déclaré coupable de meurtre au premier degré après avoir poignardé la victime dans un supermarché de Montréal. Au procès, l’enjeu était de savoir si les troubles mentaux dont l’appelant était atteint l’avaient privé de la capacité de savoir si les gestes commis étaient mauvais ou si ces troubles devaient soulever un doute raisonnable quant à l’intention requise pour le meurtre. Pour ce faire, le jury devait considérer le comportement de l’appelant après l’homicide, mais les directives données par la juge de première instance l’empêchaient de le faire. En outre, les directives étaient complexes, indûment longues et contradictoires.
La Cour d’appel a aussi ordonné la tenue d’un nouveau procès pour Adèle Sorella, cette mère déclarée coupable du meurtre au second degré de ses 2 filles. Dans ce cas, la juge de première instance a erré en empêchant l’appelante d’invoquer la thèse de l’implication du crime organisé dans les meurtres. De l’avis de la Cour, le lien entre le crime organisé et le conjoint de l’appelante, qui était le père des victimes, ainsi que la nature même du crime organisé suffisaient pour rendre vraisemblable l’argument invoqué par la défense. De plus, la juge a interdit au jury de conclure à l’implication du crime organisé.
Appels rejetés
Tony Accurso, par contre, a échoué dans son appel contre les déclarations de culpabilité pour des infractions résultant de sa participation à un système de collusion et de corruption au sein de la Ville de Laval. En se fondant sur une nouvelle preuve constituée en appel, la Cour a été en mesure de statuer sur une demande en abus de procédure qui avait été sommairement rejetée en première instance, alors que le juge ne pouvait pas le faire. Les peines d'emprisonnement prononcées en première instance ont aussi été confirmées. M. Accurso a présenté une requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême.
Dans Fruitier c. R., la Cour d’appel a rejeté l’appel de l'ancien comédien Edgar Fruitier et a confirmé la peine de 6 mois d'emprisonnement qui lui avait été imposée en première instance. Elle a notamment décidé que la détérioration de l’état de santé de l’appelant après le prononcé de la peine ne justifiait pas un aménagement ou une atténuation de la peine, mais qu’elle devait plutôt être considérée sur le plan de l’administration ou de la mise en application de celle-ci. C’est ainsi que M. Fruitier a été libéré par la Commission québécoise des libérations conditionnelles après avoir purgé moins de 1 mois de sa peine.
Décisions portées en appel
Une autre décision qui a fait les manchettes est Luamba c. Procureur général du Québec, dans laquelle la Cour supérieure a déclaré constitutionnellement invalides la règle de common law établie par l'arrêt R. c. Ladouceur et l'article 636 du Code de la sécurité routière, concernant le pouvoir des policiers de procéder à des interceptions routières sans motif. Ce jugement étoffé a conclu notamment que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire était devenu pour certains policiers un prétexte pour procéder à du profilage racial à l'encontre de la communauté noire. Le gouvernement du Québec portera le jugement en appel.
L’ex-juge Jacques Delisle a obtenu l’arrêt des procédures contre lui devant la Cour supérieure et a évité la tenue d’un second procès pour le meurtre de son épouse. La Cour a reconnu que le manquement de la poursuite à son obligation de conservation et de documentation de la preuve colligée lors de l'autopsie priverait l’accusé d'une défense pleine et entière. La saga judiciaire n’est pas terminée, le jugement ayant été porté en appel.
Conclusion
Vous aurez compris que cette liste ne se veut pas exhaustive et qu’il n’a pas été facile de sélectionner ces décisions parmi plusieurs autres également importantes. J’aurais au moins une dizaine d’autres décisions à souligner, mais il est préférable d’arrêter ici pour une question de concision.
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