Nous ne sommes qu’au mois de février et déjà plusieurs décisions intéressantes ont attiré mon attention en matière municipale, notamment en matière de contrat, d’aménagement et d’urbanisme et de responsabilité. Voici un bref résumé de celles-ci.

Contrat

Le 20 janvier dernier, la Cour d’appel a déclaré que le juge de première instance avait erré en concluant que la soumission retenue par la Ville de Québec dans le cadre d’un appel d’offres public n’était pas conforme.

En vertu du second alinéa de l’article 11 du Règlement sur la qualification professionnelle des entrepreneurs et des constructeurs-propriétaires, lorsque des travaux de construction similaires ou connexes sont réservés exclusivement aux maîtres mécaniciens en tuyauterie ou aux entrepreneurs en électricité, l’entrepreneur général doit les faire exécuter par un entrepreneur spécialisé qui détient la sous-catégorie de licence requise. Il ne peut les effectuer lui-même, à moins de détenir aussi cette sous-catégorie de licence. À la lumière de la jurisprudence, la notion de «travaux similaires ou connexes» se veut souple, et ce, afin de permettre aux entrepreneurs de faire exécuter les travaux qui présentent un lien étroit avec ceux compris dans leur sous-catégorie de licence.

Dans cette affaire, les travaux d’électricité prévus au contrat sont des «travaux de construction similaires ou connexes» au sens du dernier alinéa de la sous-catégorie de licence d’entrepreneur général 1.4, ce qui signifie que l’entrepreneur général pouvait les faire exécuter par un entrepreneur spécialisé en électricité.

Aménagement et urbanisme

Dans Municipalité de Saint-Apollinaire c. 6669174 Canada inc., le juge de première instance a erré en déterminant la catégorie d’usage des activités de l’intimée en se fondant uniquement sur la provenance et la destination des matériaux que cette dernière vend ainsi que sur la valeur pécuniaire qu’elle leur accorde. En utilisant un tel critère subjectif pour établir que les métaux vendus ne sont pas des rebuts, le juge a commis une erreur révisable. La catégorie d’usage ne peut dépendre de la valeur subjective qu’accorde une personne aux biens dont elle fait l’usage sur ses lots. Le juge aurait dû conclure que les métaux vendus étaient des rebuts.

Le 13 janvier, la Cour supérieure a souligné que, malgré l’adoption de la Loi sur la sécurité des piscines résidentielles et du Règlement sur la sécurité des piscines résidentielles, les municipalités demeurent entièrement libres d’adopter des mesures encadrant plus strictement la sécurité des piscines résidentielles sur leurs territoires. Ce pouvoir découle non seulement de la compétence des municipalités pour adopter des normes et mesures en lien avec la sécurité de leurs citoyens, qui provient de l’article 4 de la Loi sur les compétences municipales, mais également des termes de l’article 3 de la Loi sur la sécurité des piscines résidentielles. Adopté en 2013, l’article 348 du règlement 1200-2012-Z de zonage de l’intimée ne comporte pas d’exemption pour les piscines déjà construites. Le juge a donc conclu qu’il s’applique à l’ensemble des piscines situées sur son territoire, peu importe leur année d’installation. La Cour a alors confirmé le verdict de culpabilité prononcé contre l’appelante pour avoir omis d’entourer sa piscine creusée d’une clôture, contrevenant ainsi à cette disposition du règlement de zonage

Quatre jours plus tard, le même tribunal a conclu que la Charte de la Ville de Québec, capitale nationale du Québec autorisait le conseil d’agglomération à adopter un règlement d’urbanisme pour permettre la réalisation d’un projet de tramway sur son territoire (règlement de l’agglomération sur la réalisation d’un projet de tramway, (R.A.V.Q. 1349)). Quant au Conseil des ministres, le juge a estimé qu’il avait le pouvoir de se prononcer sur le projet de tramway de Québec au sens des dispositions de la Loi sur la qualité de l’environnement et que la preuve démontrait le sérieux du gouvernement du Québec dans l’analyse du dossier. Le décret 655-2022 (Décret concernant la délivrance d’une autorisation à la Ville de Québec pour le projet de construction d’un tramway entre les secteurs Chaudière et D’Estimauville sur le territoire de la ville de Québec) a donc été déclaré légal.

Responsabilité

Dans SBFD inc. c. Ville de Saint-Augustin-de-Desmaures, en choisissant d’inclure le lot de la demanderesse dans un site patrimonial au lieu d’exercer son pouvoir d’expropriation, la Ville a exproprié cet immeuble de façon déguisée puisque l’effet des règlements qu’elle a adoptés est de retirer tout usage de celui-ci, voir l’exercice du droit de propriétaire. Elle a donc été condamnée à payer à la demanderesse 138 000 $ pour la valeur de son immeuble et le remboursement des taxes municipales qu’elle a payées depuis le 22 novembre 2019, date à laquelle l’expropriation déguisée s’est concrétisée.

Le 6 février, la Cour supérieure a estimé que le défendeur, lequel avait conclu une transaction ayant mené à la fin de son emploi de directeur général au sein de la municipalité demanderesse, avait manqué à ses engagements. Ce dernier a décidé de devenir polémiste en alimentant les médias sociaux au sujet des affaires de la Municipalité de façon à alarmer, voire à antagoniser, une partie de la population contre le conseil municipal, manquant ainsi à ses obligations de loyauté et de discrétion. Pour avoir porté atteinte à la réputation et à l’image de la demanderesse de façon illicite et intentionnelle, le juge a condamné le défendeur à payer 25 000 $ à titre de dommages moraux et 5 000 $ à titre de dommages punitifs. Une ordonnance d’injonction a aussi été rendue afin d’éviter toute récidive de la part de ce dernier.

Le même jour, le Tribunal des droits de la personne a conclu que la Ville de Québec avait porté atteinte au droit du plaignant d’être traité en pleine égalité, sans discrimination fondée sur le handicap, en refusant de l’embaucher à titre de pompier en raison de son daltonisme. La Ville a été condamnée à payer à ce dernier 98 188 $ à titre de dommages matériels et 12 500 $ à titre de dommages moraux. De plus, il a été ordonné à la Ville de procéder à l’embauche du plaignant dans un poste de pompier régulier dès qu’un tel poste sera ouvert, avec reconnaissance rétroactive au 23 novembre 2015 (date de la fin du processus d’embauche) de tous les droits et privilèges afférents à ce poste, y compris de ses années de service et de son ancienneté non concurrentielle.

Conseil municipal

La Cour du Québec a conclu qu’un élu qui promet de comparaître à la suite d’une enquête de la Sûreté du Québec est un accusé dans une procédure dont est saisi un tribunal au sens de l’article 711.19.1 du Code municipal du Québec. La Municipalité de Saint-Aimé-des-Lacs a donc été condamnée à rembourser les frais de défense du conseiller municipal demandeur, lequel faisait face à des allégations d’intimidation et de méfaits au sens des article 423 et 430 du Code criminel.

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