Le 21 mars dernier, l’émission La facture a consacré un reportage au combat mené par 2 femmes atteintes de la COVID longue afin d’obtenir des prestations d’invalidité de Retraite Québec (RQ). Nous avons appris lors de ce reportage que de nombreuses personnes atteintes de cette maladie ont mené la même bataille, certaines avec succès et d’autres non.

À la suite de ce reportage, j’ai pensé que quelques informations pour aider à naviguer dans les dédales de l’administration pouvaient être utiles pour les personnes qui n’ont pas d’assurance-salaire et qui sont aux prises avec la COVID longue, mais aussi avec toute autre maladie, dont l’encéphalomyélite myalgique, la fibromyalgie, etc. Je vais calquer mon intervention sur celle du reportage et m’attarder en quasi-totalité sur les prestations d’invalidité.

Assurance-emploi

Tout d’abord, pour les personnes qui ont droit aux prestations de maladie de l’assurance-emploi, le nombre de semaines de prestations dépend de la date de début de leur demande.

Si cette date est avant le 18 décembre 2022, elles ont droit à un maximum de 15 semaines de prestations tandis que, si cette date est le 18 décembre 2022 ou après, elles ont droit à un maximum de 26 semaines de prestations.

Prestations d’invalidité de RQ

La loi

Les personnes qui ont suffisamment cotisé au régime de rentes du Québec peuvent être admissibles à une rente d’invalidité.

L’article 95 de la Loi sur le régime de rentes du Québec prévoit 2 critères, soit la gravité et la durée prolongée.

Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Ses limitations fonctionnelles doivent la rendre incapable de remplir à temps plein les exigences habituelles liées à tout travail.

Pour les personnes de 60 ans et plus, une invalidité est grave si elle rend cette personne régulièrement incapable d’exercer l’occupation habituelle rémunérée qu’elle détenait au moment où elle a cessé de travailler en raison de son invalidité.

Enfin, une invalidité n’est prolongée que si elle doit vraisemblablement entraîner le décès ou durer indéfiniment.

Critère de la gravité

La gravité se démontre par une preuve médicale.

Critère de la durée prolongée

Le Tribunal administratif du travail (TAQ) a indiqué que le législateur ne parle pas inutilement et que c’est volontairement qu’il utilise l’expression «ou durer indéfiniment» à l’article 95. La loi est une loi sociale qui doit recevoir une interprétation large et libérale afin d’atteindre le but poursuivi par le législateur. Un état d’invalidité prolongé peut se résorber dans l’avenir. Cela confirme que l’adjectif «indéfini» utilisé à l’article 95 est plus souple que ce qui relève d’un état «permanent».

La question des traitements reçus, en cours ou pouvant être reçus dans l’avenir influe sur le critère de la durée prolongée. Généralement, lorsque la personne reçoit toujours des traitements ou que d’autres traitements peuvent encore être essayés, le TAQ estime que le critère de la durée prolongée n’est pas rempli. Toutefois, ce n’est pas un automatisme. Chaque cas doit être évalué selon les faits qui lui sont propres.

Cas d’application de jurisprudence du TAQ

À ce jour, le TAQ n’a rendu aucune décision en matière d’admissibilité à une rente d’invalidité pour une personne atteinte de COVID longue. Néanmoins, les décisions qui suivent présentent des principes applicables dans un tel cas.

Les traitements

La requérante G était à la recherche d’une solution à son problème de santé depuis 9 ans. RQ soutenait que tout n’avait pas encore été tenté. Le TAQ a indiqué que l’adjectif «indéfini» se trouvant à l’article 95 fait référence à quelque chose «dont les limites ne sont pas ou ne peuvent être déterminées» (paragr. 34). Or, le passage du temps illustre que c’est exactement la situation à laquelle fait face la requérante. La loi n’édicte pas que l’invalidité ne peut être reconnue qu’après l’épuisement de tous les traitements possibles. Après 9 ans d’incapacité, la requérante ne peut occuper aucun type de travail et cet état devrait perdurer de manière indéfinie. En attendant une solution hypothétique à ses problèmes, elle doit être considérée comme invalide.

Dans une autre affaire, le TAQ a indiqué que le fait que certains traitements soient encore disponibles ne constitue pas une fin de non-recevoir en ce qui a trait à l’invalidité, d’autant moins qu’un expert a conclu que la possibilité de récupération fonctionnelle chez la requérante H était très limitée. La durée d’une condition médicale peut être considérée comme indéfinie si, malgré des traitements toujours envisageables, il n’est pas raisonnable de penser qu’il pourrait en résulter une amélioration suffisante pour avoir un effet réel sur la capacité fonctionnelle.

La requérante L souffre de fibromyalgie. Les recommandations d’une experte de RQ quant à l’utilisation d’une approche multidisciplinaire, y compris une activation en aérobie et un soutien psychologique, ne résistent pas à l’analyse qui démontre que la requérante a subi de multiples traitements de façon multimodale sans que cela permette une amélioration durable de son état, outre celle liée au caractère cyclique de la maladie. La requérante a fait la démonstration qu’elle souffre, malgré son jeune âge, d’une condition grave dont la durée est indéfinie. Elle est reconnue invalide.

Le requérant E est invalide en raison de ses limitations physiques ou psychiques. Il a démontré que son incapacité de travail est grave, qu’elle perdure depuis des années et que la perspective d’une guérison prochaine est hautement improbable. Il n’est pas en mesure d’occuper un emploi véritablement rémunérateur. Plusieurs avenues thérapeutiques ont été tentées ou envisagées. Compte tenu de l’évolution de la condition douloureuse, des diagnostics psychiques retenus et des multiples échecs thérapeutiques, le refus du requérant de se soumettre à des approches plus invasives peut s’expliquer.

La chronicisation

La requérante N présente depuis plus de 7 ans un tableau clinique de fatigue persistante accompagnée notamment de douleurs diffuses, de céphalées, d’étourdissements et de troubles cognitifs. Ses symptômes n’ont pas changé de façon considérable malgré les traitements pharmacologiques. De nombreux médecins ont mis en lumière la chronicisation, malgré les traitements, de sa condition médicale. En raison de l’importance de la symptomatologie présentée par la requérante et de la chronicité de sa condition, le pronostic d’amélioration fonctionnelle est plus de l’ordre de la «possibilité» que d’une réelle «probabilité», et ce, même si l’âge de la requérante peut constituer un facteur de bon pronostic. La preuve démontre une invalidité grave et prolongée.

Le diagnostic

La requérante J s’est blessée dans un accident. Le TAQ n’a pas retenu l’argument de RQ selon lequel un avis de diagnostic est un critère ou une condition nécessaire afin d’établir l’état d’invalidité puisque c’est celui-ci qui détermine l’approche thérapeutique à adopter avant de conclure qu’une condition ne peut plus s’améliorer. Le TAQ a mentionné que l’analyse de la condition de la requérante, quelle qu’elle soit, vise à déterminer s’il en résulte une invalidité. Les symptômes de celle-ci depuis son accident sont des douleurs invalidantes à la région lombaire. Elle a établi que sa condition lombaire douloureuse ainsi que l’atteinte physique dont elle souffre depuis son accident entraînent une invalidité grave et prolongée.

Dans une autre affaire, RQ a rejeté la demande d’invalidité au motif que, puisque aucun diagnostic précis ne pouvait être retenu, il était trop tôt pour déterminer si la requérante G présentait des limitations fonctionnelles permanentes et afin de se prononcer sur son incapacité à occuper tout emploi pour une durée indéfinie. Or, la requérante présente des incapacités telles qu’il lui est impossible de vaquer à ses occupations antérieures. Elle souffre depuis plusieurs années d’un syndrome de fatigue chronique, une condition médicale grave et invalidante, sans traitement efficace reconnu et de durée indéfinie. Elle n’est pas en mesure d’occuper un emploi qui lui permettrait de gagner le salaire annuel associé à une occupation véritablement rémunératrice au sens de la loi.

La gravité

RQ a rejeté la demande d’invalidité du requérant P au motif que l’analyse du dossier ne permettait pas de conclure à une invalidité «suffisamment» grave. Or, ce qualificatif ne figure pas à l’article 95. En effet, cette disposition ne prévoit pas de niveaux de gravité. RQ semble avoir établi une exigence supplémentaire dans le cas du requérant, ce qui n’est pas justifié. La condition de ce dernier ne s’est pas améliorée au cours des années, et ce, malgré de nouveaux traitements. La situation est la même depuis son arrêt de travail et le pronostic est loin d’être favorable. Cela satisfait donc au critère de la durée prolongée de l’invalidité, de sorte que le requérant est admissible aux prestations d’invalidité.

Maladie à l’évolution imprévisible

La fibromyalgie et l’encéphalomyélite myalgique sont des maladies dont la symptomatologie fluctue dans le temps. Puisqu’un peu plus de 2 années seulement se sont écoulées entre le début des symptômes et la date de la demande de rente, il paraît prématuré de se prononcer sur le caractère indéfini de la maladie. En matière de fibromyalgie, il faut du temps pour dégager ce que sera le tableau clinique à long terme. De plus, bien que la requérante M ait eu recours à une médication importante, d’autres modalités non pharmacologiques n’ont fait l’objet d’aucun essai thérapeutique. Il faut que ceux-ci soient mis en place avant de conclure à la suffisance des traitements. Il s’agit donc d’une invalidité grave, mais dont la durée n’est pas suffisamment prolongée pour remplir les critères énoncés à l’article 95. Il serait prématuré d’accorder l’invalidité à ce stade précoce.

Gravité et traitements

Le critère de la gravité n’est pas rempli. L’investigation médicale effectuée au fil du temps n’a pu déterminer une cause organique dégénérative qui expliquerait en totalité ou en partie la symptomatologie rapportée par la requérante N.A. Bien que le diagnostic de fibromyalgie associé à un trouble cognitif secondaire, aussi nommé «fibro-brouillard», ne soit pas remis en question, il est possible de s’interroger sur la teneur et la durée des traitements particuliers ayant été reçus par la requérante. Cette dernière n’a pas démontré de façon convaincante que les traitements non pharmacologiques auxquels elle s’était soumise faisaient partie d’une démarche structurée et régulière. L’approche thérapeutique n’a pas été optimisée. La requérante n’a pas fait la preuve de son investissement total dans le but d’améliorer sa condition.

Aide de dernier recours

L’aide sociale constitue une aide de dernier recours. Une personne doit avoir épuisé toutes ses ressources disponibles avant de déposer une demande.

Je n’entrerai pas dans les détails, car il y en a trop, mais cela signifie notamment que la valeur de certains biens dont la personne est propriétaire peut être comptabilisée pour déterminer l’admissibilité. Il va de soi que les sommes détenues dans les comptes bancaires sont aussi un facteur dont il faut tenir compte.

La personne doit aussi épuiser ses recours. C’est donc dire que, si elle peut avoir droit à un rente, à une indemnité ou à une somme quelconque, elle doit faire les démarches pour l’obtenir. Si elle a reçu des prestations dans l’attente du résultat de ses démarches et que celles-ci sont fructueuses, elle devra rembourser les prestations d’aide sociale reçues dans l’attente de la réalisation de son droit.

Le calcul est différent s’il s’agit d’une personne seule ou d’une famille. Toutes les ressources de la famille, le cas échéant, sont prises en considération.

Conclusion

Nous espérons tous que des traitements efficaces seront trouvés le plus rapidement possible pour toutes les personnes qui vivent le cauchemar que représentent la COVID longue et les maladies dont les symptômes sont similaires. Dans l’état actuel des choses, ces personnes doivent littéralement faire le deuil de leur vie passée. Devoir se battre pour obtenir le soutien financier rajoute à leur fardeau, qui est déjà bien assez lourd.

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