Pourquoi est-il important de parler du principe du miroir en droit international privé?

Professeur Goldstein: «L’une des questions fondamentales en droit international privé est la reconnaissance des décisions étrangères. Elle fait partie de l’ABC de la matière. Et, au sein de cette question, on trouve l’article 3164 du Code civil du Québec [C.C.Q.], qui consacre le principe du miroir.

Cet article, qu’on ne retrouve dans aucun droit étranger, est vraiment mystérieux. Quand on le lit, on est absolument incapable d’imaginer quelle est sa portée. Il pose des questions d’interprétation tout à fait nouvelles, qui n’ont jamais été envisagées lors de son adoption, en 1991. La doctrine s’est beaucoup penchée sur cette règle de droit et les juges, dont ceux de la Cour suprême, ont eu à se prononcer à plusieurs reprises sur son sujet.»

Gerald Goldstein, professeur

Qu’est-ce que le principe du miroir?

Professeur Goldstein: «L’article 3164 [C.C.Q.] prévoit que la compétence des tribunaux étrangers est établie selon les règles de compétence applicables aux tribunaux québécois. Toutefois, il ne s’agit là que de la pointe de l’iceberg, car les règles québécoises qui s’appliquent ici sont nombreuses. Il y en a qui sont expressément inscrites dans le code, et d’autres, implicites, qu’il faut déduire de l’article 3164. Certaines de ces règles sont spécifiques et les autres, dites générales, vont éventuellement avoir préséance, en cas d’urgence par exemple.»

La compétence des autorités étrangères est établie suivant les règles de compétence applicables aux autorités québécoises en vertu du titre troisième du présent livre dans la mesure où le litige se rattache d’une façon importante à l’État dont l’autorité a été saisie.
– Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art. 3164

«À tout cela s’ajoute la condition du rattachement important, inscrite dans l’article, qui vient limiter la portée du principe du miroir. Par exemple, dans un cas où il y a domicile d’un enfant hors du Canada et que le tribunal étranger peut avoir compétence, on ne reconnaîtra pas cette dernière si l’on considère qu’il n’y a pas de rattachement important de l’enfant au pays étranger.»

Que proposez-vous avec votre conférence?

Professeur Goldstein: «Pour présenter une argumentation qui se tienne sur la compétence des tribunaux étrangers, on a besoin de comprendre comment l’article 3164 fonctionne, ce qu’on ne peut pas faire en lisant simplement le texte dans le Code civil du Québec.

Durant ma conférence, je vais présenter des schémas qui illustrent le fonctionnement du principe du miroir, sa portée et ses limitations. C’est ce que j’utilise dans mes cours et ça n’a pas fait l’objet d’une publication. Des praticiens, des avocats ou des notaires qui sont aux prises avec des situations internationales trouveront là un moyen de comprendre clairement comment fonctionne l’une des conditions essentielles à la reconnaissance des décisions étrangères.»

«Pour présenter une argumentation qui se tienne sur la compétence des tribunaux étrangers, on a besoin de comprendre comment l’article 3164 fonctionne, ce qu’on ne peut pas faire en lisant simplement le texte dans le Code civil du Québec

D’où vient votre intérêt pour le droit international privé?

Professeur Goldstein: «Le père de l’un de mes amis répétait souvent: “Le futur, c’est l’international.” Aujourd’hui, on constate bien que la globalisation fait en sorte qu’on ne peut ignorer le droit international privé. À l’ère d’Internet, dès qu’on achète quelque chose en ligne, on est très souvent en situation internationale, avec la possibilité qu’on applique une loi étrangère ou qu’on se retrouve devant un tribunal étranger.

En ce qui me concerne, ce n’est pas la connaissance du droit new-yorkais ou du droit du Massachusetts qui m’intéresse, mais plutôt le raisonnement qui décide quand on applique l’un ou l’autre. Ça, tous les tribunaux du monde entier le font avec la même méthodologie. Il s’agit d’un raisonnement universel qui s’efforce, depuis des siècles et des siècles, de rester cohérent face aux besoins nouveaux. C’est ainsi que le droit international privé, qui date du Moyen Âge, continue à pouvoir être utilisé pour des relations par Internet. Cet exploit intellectuel, d’établir des modes de raisonnement qui restent pertinents à travers le temps, est ce qui nourrit ma passion pour le droit international privé.»

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