Avec l’entrée en service du Réseau express métropolitain (REM) il y a quelques jours, il a été question dans les médias du bruit avec lequel devront composer les voisins du réseau. L’avenir nous dira si ces appréhensions étaient fondées. Pour l’instant, je vous suggère un retour sur 3 jugements récents en matière de troubles de voisinage reliés au bruit.
Bélanger c. 2637-5808 Québec inc.
En 2011, le demandeur fait l’acquisition d’une propriété située en bordure d'une route et à proximité de 2 commerces, dont celui de la défenderesse. En 2012, cette dernière a l’idée de construire une salle de réception sur son terrain.
Le demandeur, importuné par le son et la lumière émis lors de certaines soirées, veut que des mesures soient prises en conséquence. Il réclame également des dommages-intérêts pour les inconvénients qu’il subit.
La juge détermine dans un premier temps que l’inconvénient pourrait être qualifié de récurrent, pour certaines des années visées par la demande, par une personne raisonnable qui souhaiterait profiter de sa propriété, et particulièrement pendant la courte période estivale québécoise. Cela dit, elle n’est pas d’avis que le critère de la gravité est rempli, notant entre autres choses certaines mesures prises par la défenderesse pour pallier le problème ainsi que le fait que le demandeur a, en toute connaissance de cause, acheté une propriété à proximité d’une route passante et de 2 commerces suscitant un fort achalandage.
Batrie c. Viens & Frères (1980) inc.
Le demandeur est propriétaire d’une résidence qui se trouve sur un terrain contigu à la meunerie exploitée par la défenderesse. Bien que les activités de la meunerie doivent avoir lieu entre 7 h et 18 h, du lundi au vendredi, il y a circulation de camions de livraison, de jour comme de nuit, durant la semaine et parfois les fins de semaine.
Le demandeur reproche à la défenderesse de ne pas respecter la réglementation municipale et il prétend subir des inconvénients anormaux de la nature de troubles de voisinage, notamment en raison du bruit généré par les activités de la défenderesse.
La juge conclut que la défenderesse contrevient aux normes établies dans la réglementation municipale, ce qui a pour effet d’engager sa responsabilité civile, mais aussi que la gravité, la fréquence, l’intensité et la durée des inconvénients imposés aux voisins sont anormaux, compte tenu du type d’industrie et des lieux. Elle ordonne à la défenderesse d’interdire la circulation et le stationnement de camions en marche sur son terrain à l’extérieur des heures et des jours prévus. Le demandeur a également droit à des dommages-intérêts de 5 500 $ par année en lien avec l’ensemble des inconvénients qu’il a subis.
Beaudoin c. Cabaret Music-Hall inc.
En 2016, Beaudoin achète un immeuble qui comprend des locaux résidentiels et commerciaux et qui est adjacent à l’immeuble où se trouve la salle de spectacle La Tulipe. Après y avoir lui-même emménagé, il constate que la musique provenant de la salle de spectacle fait vibrer les murs et les planchers des logements.
Lorsqu’il apprend que des mesures de correction ne seront pas apportées, il présente une demande d’injonction permanente pour faire cesser le bruit provenant des appareils sonores de la salle de spectacle et réclame 40 000 $ pour les troubles et inconvénients qu’il allègue avoir subis.
Le juge conclut à l’existence d’un trouble de voisinage. Il note que le problème, qui se manifeste pendant le jour lors de tests de son et de répétitions ainsi que le soir, à l'occasion de soirées dansantes et d'événements privés et d'affaires, présente un caractère imprévisible et entraîne pour le demandeur une situation instable en lien avec un taux de roulement élevé de locataires. Il prend ensuite acte de l’engagement des défenderesses de respecter les limites de bruit établies et leur ordonne de s’y conformer. Le juge accorde aussi 2 500 $ en dommages-intérêts au demandeur, notant qu’il faut tenir compte de l’antériorité du bruit et du fait que Beaudoin, malgré son expertise en immobilier, avait omis d'exercer la prudence et la diligence qui s'imposaient avant d'acheter un immeuble situé à côté d'une salle de spectacle. Le fait que l’immeuble se situe en milieu urbain sur une avenue particulièrement passante et l’intermittence ainsi que la durée du bruit sont aussi pris en considération.
Excellent article, clarifiant certains des litiges non évidents. C’est toujours une zone grise qui requiert une intervention juridique pour clarifier et trancher et pour protéger le principe de bien vivre ensemble!