Le 9 mai dernier, SOQUIJ soulignait la 11e édition de la Journée nationale de la justice administrative. À cette occasion, la présidente-directrice générale, Me Danielle Blondin, rappelait que les textes intégraux des décisions des tribunaux administratifs du Québec représentent plus de 60 % du volume de traitement et de diffusion de la Société. Cependant, malgré son impact dans le quotidien des Québécois et des Québécoises, le travail des décideurs administratifs gagne à être connu. En collaboration avec le Regroupement des présidents des tribunaux administratifs du Québec (RPTAQ) et la Conférence des juges administratifs du Québec (CJAQ), SOQUIJ consacre une série de billets sur son blogue pour démystifier la justice administrative.

Êtes-vous en mesure de dire combien il y a de tribunaux administratifs au Québec, d’énumérer cinq d’entre eux et de définir leurs rôles? Pourriez-vous nommer une décision majeure issue de l’un de ces organismes?

Pour qui ne travaille pas dans le domaine, il est difficile de répondre à toutes ces questions. SOQUIJ est donc partie à la rencontre de celles et ceux qui veillent à ce que l’État québécois traite ses citoyens de manière équitable et raisonnable. Il en résulte une série de portraits de tribunaux pas comme les autres.

Dans un premier temps, SOQUIJ a rencontré les présidents des deux associations qui participent au dynamisme de la justice administrative: Jean-Philippe Marois, président et juge administratif à la Commission municipale du Québec ainsi que président du RPTAQ, et Daniel Pelletier, juge administratif au Tribunal administratif du travail et président de la CJAQ.

Daniel Pelletier et Jean-Philippe Marois

Plus de souplesse pour une plus grande accessibilité

À la question de savoir ce qui distingue la justice administrative dans le système de justice québécois, les juges administratifs Jean-Philippe Marois et Daniel Pelletier insistent tous deux sur un aspect en particulier: sa souplesse.

«C’est une justice qui est plus simple, plus accessible pour le justiciable», indique M. Marois, avant de préciser: «À la Commission municipale du Québec, par exemple, on ne trouve pas d’obligation de produire par écrit sa défense ou une demande introductive d’instance sous forme de procédure judiciaire. Cet aménagement vient soulager les municipalités avec qui nous faisons affaire, en particulier les plus petites d’entre elles.» Cette souplesse est ce que M. Pelletier apprécie le plus au terme de 12 années d’expérience. Néanmoins, lui et M. Marois sont catégoriques: cette accessibilité ne se fait pas au détriment de la qualité. «Ce n’est pas parce que les règles sont souples et que les délais de traitement sont courts que les justiciables sont moins bien entendus et qu’ils n’ont pas l’occasion de faire adéquatement leur preuve», explique M. Pelletier.

Pour les deux décideurs, c’est une question d’accès à la justice, un domaine dans lequel les tribunaux administratifs s’impliquent activement, au bénéfice de tous les citoyens, y compris ceux qui ne sont pas parties aux audiences.

«Ce n’est certainement pas une justice de seconde zone ou de moindre importance.» – Le juge administratif Daniel Pelletier, président de la CJAQ

Des tribunaux à l’avant-garde de la modernisation du système de justice

«L’une des caractéristiques de la justice administrative québécoise est son agilité dans les développements technologiques», observe M. Pelletier. Pour preuve, la tenue des audiences en visioconférence, une pratique adoptée rapidement dans le contexte de la pandémie de la COVID-19, est aujourd’hui bien ancrée dans les procédures des tribunaux administratifs. Pour le président de la CJAQ, l’impact positif de cette numérisation sur l’accès à la justice est indéniable: «le justiciable n’a plus à payer pour les frais de déplacement de son avocat ou de son expert».

«Au Québec, les tribunaux administratifs sont à l’avant-garde de l’accès à la justice», renchérit M. Marois. Depuis les dernières années, ces organismes adoptent les nouvelles technologies pour rendre accessible leur justice à tout citoyen intéressé par celle-ci. Beaucoup d’entre eux, dont la Commission municipale du Québec, diffusent, par exemple, leurs audiences en direct grâce à la webdiffusion.

«Assez souvent, la justice administrative est le seul ou le premier point de contact des citoyens avec la justice tout court.» – Le juge administratif Jean-Philippe Marois, président du RPTAQ

Une justice à faire connaître et à protéger

En dépit de son importance et de ses innovations, la justice administrative québécoise manque encore de visibilité. «C’est une justice de grande qualité, malheureusement trop méconnue», observe M. Marois. «Pourtant, assez souvent, il s’agit du seul ou du premier point de contact des citoyens avec la justice tout court», poursuit-il. Partageant ce constat, M. Pelletier ajoute: «Ce n’est certainement pas une justice de seconde zone ou de moindre importance.»

À ce titre, le Regroupement des présidents des tribunaux administratifs du Québec (RPTAQ) et la Conférence des juges administratifs du Québec (CJAQ) ne ménagent pas leurs efforts pour promouvoir la justice administrative au Québec et le travail des décideurs administratifs. Les deux organismes collaborent d’ailleurs étroitement à l’organisation de la Journée nationale de la justice administrative, le 9 mai de chaque année.

L’autre grand motif de partenariat entre la CJAQ et le RPTAQ est la formation. «Nous coordonnons des formations qui sont ciblées sur les besoins des tribunaux», explique M. Pelletier. Si cette collaboration entre les deux organisations aide les juges administratifs à maintenir et à développer leurs compétences, elle contribue également à assurer la relève. C’est particulièrement le cas dans le cadre d’un protocole d’entente signé avec la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke en 2022 qui vise à favoriser autant la formation des étudiants en droit que celle des juges administratifs. «Nous voulons que les étudiants sachent que la justice administrative est un domaine de droit important et une voie intéressante pour y développer une carrière professionnelle», affirme M. Marois, manifestement fier de ce projet.

Pourtant, au-delà de toutes ces initiatives portées par la CJAQ et le RPTAQ, un enjeu demeure. M. Pelletier le rappelle vivement: «l’indépendance judiciaire des décideurs administratifs mérite d’être protégée, car les citoyens ne doivent en aucun cas avoir l’impression que les juges administratifs ont un parti pris pour l’État, malgré leur apparente proximité avec lui». Maintenir la confiance du public est un défi constant de la justice administrative.

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À propos du Regroupement des présidents des tribunaux administratifs du Québec (RPTAQ)

Le RPTAQ est un forum créé aux environs de l’année 2008. Se donnant pour mission de promouvoir une justice administrative de qualité, il a une fonction très pragmatique: favoriser les échanges entre les tribunaux administratifs par l’entremise de leurs présidences respectives.

«Durant la pandémie, notre regroupement a pris une tout autre importance», explique son président, M. Jean-Philippe Marois, avant de préciser: «l’incapacité de tenir des audiences en présentiel et l’obligation de se revirer de bord rapidement pour poursuivre nos activités nous forçait à être imaginatifs, à sortir des sentiers battus et donc à échanger plus souvent pour partager nos expériences et nos idées». Depuis, le RPTAQ est un incontournable pour les présidents et les présidentes, qui l’utilisent pour échanger sur les bonnes pratiques, les initiatives des uns et des autres et les solutions aux défis communs des tribunaux administratifs.

À propos de la Conférence des juges administratifs du Québec (CJAQ)

Constituée en 1985, la CJAQ regroupe à ce jour plus de 80 % des juges administratifs qui travaillent au sein des 16 tribunaux et organismes au Québec. Son but est notamment de défendre et de promouvoir l’indépendance de la justice administrative ainsi que les intérêts professionnels des décideurs administratifs.

Elle s’acquitte de sa mission en informant ses membres sur toute matière d’intérêt pour la profession et organise un colloque, aux deux ans, pour leur offrir l’occasion d’échanger. Elle coordonne également des sessions de formation afin de bonifier l’expertise des juges administratifs. «Cela est très utile pour les tribunaux comptant peu de juges administratifs qui n’ont pas de structure de formation», souligne le président de la CJAQ, M. Daniel Pelletier.

L’indépendance de la justice administrative est un cheval de bataille important de cette organisation, qui fait des démarches auprès des instances gouvernementales pour améliorer les mesures de protection et travaille à la mise en application des recommandations de certains rapports scientifiques sur le sujet.