En droit québécois, le principe général de la liberté testamentaire est prévu à l’article 703 du Code civil du Québec (C.C.Q.). Cette liberté est cependant modulée par certaines restrictions légales. Il en est ainsi des conditions auxquelles un legs peut être subordonné, lesquelles, à défaut d’être possibles et conformes à l’ordre public, sont sanctionnées de nullité.

En effet, l’article 757 C.C.Q. prévoit que:

La condition impossible ou contraire à l’ordre public est réputée non écrite.

Ainsi est réputée non écrite la disposition limitant les droits du conjoint survivant lorsqu’il se lie de nouveau par un mariage ou une union civile.

Voici quelques exemples jurisprudentiels de ce que constitue ou pas une condition impossible ou contraire à l’ordre public.

L’obligation de présenter des excuses au liquidateur de la succession

Dans le cadre de l’arrêt Khan c. Katiya, la Cour d’appel conclut que les conditions rattachées au legs universel en faveur de l’appelante, notamment qu’elle reconnaisse avoir faussement porté plainte à la police contre le testateur et qu’elle présente de véritables excuses au liquidateur de la succession, sont impossibles à respecter et contraires à l’ordre public.

La condition de ne pas faire vie commune avec une autre personne

Bien que, aux termes du second alinéa de l’article 757 C.C.Q., qui interdit la clause de viduité, il est question de «mariage» et d’«union civile», la condition visant à empêcher une personne de faire vie commune avec une autre – même dans un cadre autre que le mariage ou l’union civile  – est également visée par cette interdiction. Ainsi, dans Laroche c. Lamothe, la Cour d’appel conclut que subordonner le paiement d’une rente à la condition que la conjointe de fait survivante ne doive pas faire vie commune avec un autre homme constitue une condition contraire à l’ordre public au sens de cet article. À la majorité, la Cour est d’avis que cette clause crée une discrimination fondée sur l’état civil qui contrevient à l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne ainsi qu’une atteinte au droit à la vie privée protégé par l’article 5 de la charte.

 La condition relative à l’absence de descendance

À l’occasion de l’affaire Succession de Glickman, il était notamment question de savoir si la condition prévoyant l’accroissement des parts des colégataires si l’un d’entre eux décédait sans laisser de descendance avant la distribution finale était valide.

Cette condition suspensive de nature purement personnelle n’est ni impossible ni contraire à l’ordre public. La Cour note d’ailleurs que cette condition s’apparente aux dispositions testamentaires prévoyant que la succession sera transmise à une autre personne si le bénéficiaire initialement prévu décède dans un délai raisonnable après le décès du testateur. 

La condition de payer une somme à la succession

Dans l’affaire Perron c. Succession de Perron, l’une des clauses du testament de la mère des parties imposait au demandeur, comme condition préalable pour avoir droit à sa part, contrairement aux autres membres de la fratrie, le paiement de 52 000 $ à la succession. Cette somme correspondait au solde du prix de vente de l’immeuble de la défunte.

Le tribunal conclut que cette condition, qui, d’une part, vise le remboursement d’une somme et, d’autre part, est une façon pour la testatrice d’établir, post-mortem, une parité entre les héritiers puisqu’elle a avantagé l’un d’entre eux au détriment des autres, n’est ni une condition impossible à réaliser ni une condition allant contre l’ordre public.

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