La perte d’un proche est une épreuve difficile à traverser. C’est une période où nous sommes submergés par une foule d’émotions. Que ce soit la peine, la colère ou l’incompréhension, nous sommes tous touchés d’une manière ou d’une autre. Qui dit décès dit également formalités administratives. Et, parfois, il n’est pas facile de s’y retrouver, alors que nous devons à la fois effectuer diverses démarches, remplir une panoplie de formulaires et faire notre deuil de la personne disparue.

Récemment, dans Succession de Laramée et Y. Laramée Couvreur inc., le Tribunal administratif du travail (TAT) s’est penché sur le dossier d’un travailleur décédé et la réclamation de sa succession pour obtenir une indemnité de décès. Cette histoire met en lumière les difficultés auxquelles peuvent faire face les personnes qui doivent s’occuper des affaires d’un défunt.

Les faits

Tout commence en 1993, lorsque le travailleur est victime d’un grave accident du travail qui entraîne d’importantes lésions. Malgré la gravité de ces lésions, celui-ci reste à son domicile avec son épouse jusqu’en janvier 2019. Il décède en avril 2019, alors qu’il est hébergé dans un centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD).

L’épouse du travailleur, qui représente sa succession, dépose une réclamation à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), alléguant que le décès est en lien avec la lésion professionnelle subie en 1993. La CNESST refuse cette réclamation en raison d’un hors délai relatif à son dépôt et, en conséquence, conclut que l’épouse du travailleur n’a pas droit aux indemnités de décès prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP). Cette décision est confirmée à la suite d’une révision administrative. La succession conteste cette décision devant le TAT.

La recevabilité de la réclamation

Dans un premier temps, le TAT rappelle les dispositions législatives applicables. L’article 270 LATMP prévoit que le bénéficiaire produit sa réclamation à la CNESST dans les 6 mois suivant le décès du travailleur en raison d’une lésion professionnelle. Lorsque ce délai n’est pas respecté, l’article 352 LATMP permet de le prolonger ou de relever le bénéficiaire de son défaut s’il démontre un motif raisonnable afin d’expliquer son retard.

Examinant ensuite les faits, le TAT constate que l’épouse du travailleur, puis par la suite son avocat, ont effectué de nombreuses démarches auprès de la CNESST afin qu’une décision soit rendue, et ce, dès le 2 mai 2019. Le TAT souligne également que les réponses obtenues de la CNESST par l’épouse du travailleur sont parfois contradictoires et ambiguës quant à l’exigence de produire le formulaire de réclamation afin de procéder à l’analyse de sa demande. Selon le TAT «l’imbroglio est administrativement induit par la [CNESST] elle-même» (paragr. 17). Il note également que l’épouse du travailleur est une personne vulnérable. Âgée de 75 ans, elle s’est occupée de son mari gravement hypothéqué pendant plus de 25 ans. Elle est de plus atteinte elle-même de plusieurs problèmes de santé importants et vit un deuil difficile. Le TAT conclut que l’épouse du travailleur a été induite en erreur, «sinon mal informée par la [CNESST]» (paragr. 18). Le non-respect de la production de sa réclamation à l’intérieur du délai de 6 mois prévu par la loi ne peut donc lui être opposé.

Par ailleurs, même si la réclamation avait été tardive, le TAT détermine que l’épouse du travailleur avait un motif raisonnable permettant de la relever des conséquences de son hypothétique défaut:

[23]     Ses nombreuses communications avec la Commission confirment son intention sincère et sérieuse de faire reconnaître le décès de son mari comme découlant de la lésion professionnelle. À la même époque, elle souffre de pancréatite à trois reprises, soit en juillet 2019, à l’automne 2019 et en janvier 2020, qui nécessitent des hospitalisations et la prise de morphine. Elle subit une perte de poids importante, soit de près de 100 livres. Elle désire mourir, se sentant incapable de vivre sans son mari avec qui elle a été mariée pendant plus de 50 ans.

Le droit aux indemnités

Après avoir déclaré que la réclamation de l’épouse du travailleur est recevable, le TAT s’attaque au fond du litige: le travailleur est-il décédé en raison de sa lésion professionnelle? À cet égard, le TAT rappelle que le fardeau repose sur les épaules de la succession, laquelle doit démontrer, de façon prépondérante, la relation entre le décès et la lésion professionnelle. Le TAT précise également que la contribution de la lésion professionnelle en lien avec le décès doit être significative.

La seule preuve dont dispose le TAT afin d’établir une relation entre le décès du travailleur et sa lésion professionnelle consiste en un rapport d’investigation du coroner, lequel s’est déplacé au CHSLD où était hébergé le travailleur le jour même de son décès. Et la conclusion du coroner est sans équivoque: le travailleur est probablement décédé d’une infection urinaire, qui est vraisemblablement une complication des lésions subies lors d’un accident du travail en 1993. Pour le TAT, la lésion professionnelle subie par le travailleur est sans l’ombre d’un doute la cause déterminante de son décès. Le lien entre la mort du travailleur et la lésion professionnelle ayant été établi, le TAT conclut que la succession a droit aux prestations de décès prévues par la loi.

Conclusion

Vous avez des interrogations quant aux indemnités qui peuvent être versées par la CNESST à la suite du décès d’une travailleuse ou d’un travailleur? Vous pouvez consulter le site Internet de la CNESST pour obtenir de plus amples informations: https://www.cnesst.gouv.qc.ca/fr/demarches-formulaires/travailleuses-travailleurs/indemnites-remboursements/indemnites/indemnites-deces

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