C’est le 28 avril prochain que sera soulignée la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, dont le thème portera cette année sur les impacts du changement climatique sur la sécurité et la santé au travail. Le même jour sera celui de commémoration internationale en mémoire des personnes blessées ou décédées à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Une telle commémoration est certes plus que louable. Elle doit cependant se poursuivre dans l’action, c’est-à-dire dans la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Sur ce plan, les employeurs ont notamment des obligations en vertu du Règlement sur la santé et la sécurité du travail.

Une décision rendue récemment par le Tribunal administratif du travail (TAT) dans Chartwell Master Care offre un exemple de mesure de prévention s’imposant à un employeur dans une situation qui, si elle peut sembler anodine au premier abord, illustre pourtant une réalité qui dépasse la situation observée dans l’établissement en cause.  

Dans cette affaire, le TAT se prononce sur l’application du Règlement sur la santé et la sécurité du travail dans un litige qui trouve son origine dans la visite qu’un inspecteur de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) avait effectuée dans l’établissement de l’employeur, une résidence pour personnes âgées.

Lors de cette visite, l’inspecteur constate que les cuisiniers de l’établissement, qui doivent manipuler des objets tranchants, notamment des couteaux, ne portent aucunes chaussures de protection lors de l’exécution de leurs tâches, de sorte que la chute de ces objets les expose à des blessures aux pieds. L’inspecteur formule donc une dérogation et demande à l’employeur de corriger la situation, ainsi que le requiert le paragraphe 4 de l’article 344 du Règlement sur la santé et la sécurité du travail. L’instance de révision de la CNESST conclut que cette dérogation est bien fondée, en précisant qu’elle se justifie également en raison de la manipulation d’objets lourds et brûlants. Saisi du dossier, le TAT rejette la contestation de l’employeur.

L’article 344 du règlement énonce que «le port de chaussures de protection conformes à la norme Chaussures de protection, CAN/CSA-Z195-14 est obligatoire pour tout travailleur exposé à se blesser les pieds» dans divers cas qui y sont énumérés, dont «à la suite de la chute d’objets lourds, brûlants ou tranchants» (paragr. 4).

Dans Chartwell Master Care, l’employeur insiste sur le fait que les pieds des cuisiniers sont couverts par une tablette en métal, située sous la table de préparation. Le TAT considère toutefois qu’une telle protection n’est pas infaillible et que l’ameublement ne protège pas nécessairement les cuisiniers en toute circonstance, «notamment s’ils manipulent des objets tranchants dans d’autres positions ou encore, à la suite d’un faux mouvement non planifié» (paragr. 31). En outre, le TAT souligne que «la prétention de l’employeur ne tient pas compte de la nature imprévisible des accidents qui surviennent dans un milieu de travail, dans des conditions souvent non idéales ou impromptues» (paragr. 32).

Par ailleurs, selon l’employeur, il est déraisonnable d’appliquer le paragraphe 4 de l’article 344 du règlement à sa situation dans la mesure où les cuisiniers de son établissement sont moins exposés à se blesser aux pieds que dans d’autres milieux de travail. En plus de souligner que cette prétention n’est aucunement appuyée par des comparaisons ou par de la jurisprudence, le TAT rappelle que le règlement ne prévoit pas une exception qui permettrait d’exclure l’employeur de son application au motif que l’exposition à de telles blessures, bien qu’elle existe dans son établissement, serait moindre qu'ailleurs.  

Étant donné que les cuisiniers sont susceptibles de se blesser si les objets tranchants, lourds ou brûlants qu’ils manipulent dans l’exercice de leurs tâches leur tombent sur les pieds, ils doivent porter des chaussures de protection conformes à la norme «Chaussures de protection, CAN/CSA-Z195-14» lorsqu’ils travaillent dans l’établissement de l’employeur.

Print Friendly, PDF & Email