L’Allocation famille (AF) est versée à toutes les familles admissibles qui ont un enfant de moins de 18 ans à leur charge. Elle est versée à une seule personne par famille. Dans le cas d'une garde partagée, chaque parent reçoit une moitié de l'AF. À la suite d'un changement de situation familiale (situation conjugale, diminution du nombre d’enfants à charge et temps de garde d’un enfant), le montant de l’AF est recalculé par Retraite Québec (RQ). Or, c’est souvent là une source de frustration pour les parents, qui crient à l’injustice.

 Changement de situation familiale

En effet, dès qu’un changement de situation est déclaré tardivement, entraînant un paiement rétroactif pour un parent et une réclamation à l’autre parent, la somme payée et celle réclamée peuvent ne pas être les mêmes. Le parent qui doit rembourser RQ peut avoir à débourser une somme plus élevée que celle accordée à l’autre parent qui reçoit un paiement. Dit autrement, cela signifie que RQ peut se trouver à faire un bénéfice financier dans cette situation. Comment est-ce possible?

Le droit

Selon l’article 1029.8.61.24 de la Loi sur les impôts, lorsque RQ doit verser une somme à un parent, celui-ci a droit à une période de rétroactivité de 11 mois à compter de la date de réception de sa demande. Une plus grande rétroactivité n’est possible que lorsqu’une impossibilité en fait d’agir avant est démontrée, ce qui constitue un critère exigeant.

Quant à la réclamation, elle est régie par les règles de la prescription applicables aux sommes reçues sans droit. Le troisième alinéa de l’article 1029.8.61.34 de la loi prévoit que: «La créance de Retraite Québec se prescrit par trois ans à compter de la date où le montant a été versé sans droit ou, en cas de mauvaise foi du particulier qui a reçu ce montant sans droit, à compter de la date où Retraite Québec a eu connaissance du fait que ce montant a été versé sans droit.»

Le problème devant le Tribunal administratif du Québec (TAQ)

Évidemment, la situation qui a fait réagir les parents devant le TAQ est celle où un parent reçoit 11 mois d’AF à titre de rétroactivité alors que l’autre parent doit rembourser 3 ans de cette même allocation à la suite d’un changement dans la garde des enfants.

Des exemples

Dans F.M. c. Retraite Québec, le requérant a fait valoir que RQ était de mauvaise foi puisque la mère de ses enfants était sujette à une réclamation sur une période plus longue que les 11 mois de rétroactivité qui lui avaient été accordés. Le TAQ a conclu à cet égard que la situation de la mère n’avait rien à voir avec celle du requérant. Celle-ci avait l’obligation d’aviser RQ de sa situation réelle et de tout changement à ce titre. Si elle ne l’a pas fait, il est possible qu’elle ait à rembourser des sommes reçues sans droit. Des droits de recours existent et il appartient à la mère de les exercer si elle le juge à propos. La situation du requérant est différente. Il a demandé des allocations et sa demande a été accueillie, quoique avec une rétroactivité limitée à 11 mois. La possibilité d’aller au-delà de cette période est sujette à des règles précises.

Dans L.P. c. Retraite Québec, le TAQ a indiqué que ce n’est pas le fait pour le requérant d’avoir demandé l’AF qui entraîne un rajustement de la somme à laquelle la mère de l’enfant peut avoir droit, mais plutôt la modification de la situation conjugale non déclarée depuis plusieurs années. Ainsi, dans les faits rapportés, il existait 2 situations juridiques distinctes. D’une part, il y avait le droit du requérant de recevoir une AF, dont était saisi le TAQ. D’autre part, il y avait le rajustement de l’AF de la mère à la suite de la déclaration du requérant concernant la situation de garde de l’enfant depuis plusieurs années, dont le TAQ n’était pas saisi.

Enfin, dans G.B. c. Retraite Québec, le requérant déplorait le fait que la somme qui avait été réclamée à la mère de ses enfants était plus élevée que la somme qu’il avait lui-même reçue, privant ainsi ses enfants de sommes qui leur étaient destinées. Il a fait valoir que la loi devrait être revue afin d’en changer les critères. Le TAQ a mentionné qu'il comprenait que la situation pouvait paraître injuste aux yeux du requérant, mais qu’il était lié par le choix du législateur.

Conclusion

Le TAQ n’est pas insensible aux situations vécues devant lui. Toutefois, il ne peut rendre une décision en équité. Il est lié par les choix du législateur. Son rôle se limite à s’assurer que les dispositions de la loi ont été correctement appliquées.