Les auteurs du Blogue SOQUIJ se joignent à moi pour vous offrir tous nos meilleurs vœux pour l'année 2025!
Chaque année, nos conseillers juridiques épluchent des milliers de décisions judiciaires et administratives et sélectionnent les décisions d'intérêt qui feront l'objet d'un résumé publié dans l'Express général ou l'Express travail (ou encore les 2, si les sujets abordés recoupent à la fois le droit du travail et d'autres domaines de droit diffusés dans l'Express général).
Avant de commencer la nouvelle année jurisprudentielle, nous vous proposons une revue de certaines décisions qui ont marqué l'année 2024, au fil des mois.
Janvier
Dans cette affaire, une opération policière d’envergure a été déclenchée en 2016 et 31 personnes ont été arrêtées et accusées de divers actes criminels en lien avec la production et le trafic de stupéfiants. Les personnes accusées ont été divisées en 4 groupes distincts en vue de la tenue de procès séparés. Celles faisant partie du premier groupe, qui devaient subir leur procès en premier, ont déposé une requête en arrêt des procédures au motif qu’il y avait eu de multiples violations de leurs droits constitutionnels lors de l’enquête et de l’opération policières.
Le juge du procès a ordonné l'arrêt des procédures à l'égard de l'ensemble des personnes accusées du groupe 1. Il a conclu que la pratique des autorités policières de reporter l’exercice du droit de recourir sans délai à l’assistance d’un avocat par les personnes accusées jusqu’au moment où elles sont conduites au poste de police violait le droit garanti à l’article 10 b) de la Charte canadienne des droits et libertés de toutes les personnes accusées de ce groupe. Se fondant sur l’effet cumulatif de ces violations et d’autres violations et contraventions aux procédures prescrites, le juge a conclu à l’existence d’un abus de procédure relevant de la catégorie résiduelle. La même conclusion a été appliquée aux autres groupes et un arrêt des procédures a été prononcé à leur égard. La Cour d’appel a ordonné la tenue d’un nouveau procès aux motifs que certaines personnes accusées n’avaient pas l’intérêt requis pour obtenir un arrêt des procédures et que le juge de première instance avait omis de déterminer si le droit de chaque personne accusée garanti par l'article 10 b) avait été violé avant de conclure à l’existence d’un abus de procédure sous l’article 7 de la charte.
La décision majoritaire de la Cour suprême a conclu que la tenue d’un nouveau procès pour l'ensemble des groupes est indiquée. Toutes les personnes accusées avaient l’intérêt requis afin de demander un arrêt des procédures en vertu de l'article 24 (1) de la charte, même si certaines d’entre elles n’avaient subi aucune des violations constituant l’abus de procédure allégué ni aucune entorse à l’équité de leur procès. Selon la Cour suprême, le juge de première instance a erré en omettant de déterminer si le droit de chaque personne accusée garanti par l’article 10 b) avait été violé, une détermination nécessaire afin de décider si l’allégation d’abus de procédure relevant de la catégorie résiduelle était fondée. Le juge de première instance a également fait erreur en ordonnant l’arrêt des procédures à l’égard de toutes les personnes accusées sans s'être penché sur l’existence de réparations plus clémentes qui auraient pu corriger entièrement l’atteinte à l’intégrité du système de justice à laquelle à laquelle il concluait.
Février
Organisation mondiale sikhe du Canada c. Procureur général du Québec
Dans cet arrêt de 300 pages, la Cour d'appel confirme la validité constitutionnelle de la Loi sur la laïcité de l'État.
Elle conclut notamment que la loi ne déroge pas à l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés et ne compromet pas les droits scolaires linguistiques que cette disposition reconnaît aux citoyens canadiens appartenant à la minorité anglophone du Québec.
Mars
Procureur général du Québec c. Centre de lutte contre l'oppression des genres
Dans cette affaire, le procureur général du Québec contestait la conclusion du jugement de première instance qui avait invalidé le deuxième alinéa de l'article 23.2 du Règlement relatif au changement de nom et d'autres qualités de l'état civil ainsi qu'à la substitution du prénom usuel, lequel requiert qu'une demande de changement de la mention du sexe sur l'acte de naissance d'un enfant mineur soit accompagnée d'une lettre d'un professionnel déclarant que le changement demandé est approprié. Pour sa part, le Centre de lutte contre l'oppression des genres reprochait au juge d'avoir refusé de déclarer invalide et inopérant l'article 62 du Code civil du Québec (C.C.Q.), alors que celui-ci semble obliger les personnes mineures de 14 ans et plus à aviser leurs parents si elles veulent faire modifier le ou les prénoms figurant sur leur acte de naissance, en plus de permettre à ceux-ci de s'opposer à une telle demande.
La Cour d'appel a déterminé que, dans la mesure où le deuxième alinéa de l'article 23.2 du règlement limite l'accès au droit de faire correspondre la mention de son sexe figurant sur les actes de l'état civil à son identité de genre, il porte atteinte au droit des jeunes transgenres et non binaires à la sauvegarde de leur dignité ainsi qu'à leur droit à la vie, à la sûreté, à l'intégrité ou à la liberté. Toutefois, elle conclut que cette restriction est justifiée. La disposition reflète la nécessité de vérifier le sérieux de la démarche d'un mineur de 14 ans et plus en tenant compte de l'importance du changement demandé et de ses conséquences ainsi que de l'importance du principe de la stabilité des actes de l'état civil.
La Cour d'appel a également conclu que l'identité de genre qui motive une demande de changement de prénom pour un mineur de 14 ans et plus constitue un motif impérieux au sens de l'article 62 C.C.Q., de sorte que le directeur de l'état civil a compétence pour accorder le changement demandé même si les parents ou le tuteur de la personne mineure n'ont pas été avisés ou s'ils s'opposent à cette demande.
Avril
Dans cette affaire, qui s'est retrouvée au centre d'un débat sur la «man purse», le tribunal a rejeté la requête en exclusion de la preuve présentée par l'accusé, qui marchait sur un trottoir du centre-ville de Montréal avec un pistolet caché dans un sac à bandoulière de ce type avant d'être interpellé par les policiers; ces derniers avaient des motifs suffisants pour le détenir et pouvaient procéder à une fouille par palpation.
Le tribunal y indique que les policiers peuvent porter une attention particulière aux «man purses», qui sont très souvent utilisées pour transporter des armes à feu. Puisqu'ils avaient des soupçons raisonnables quant à la possibilité que l'accusé, dont les comportements étaient louches, soit en possession d'une arme à feu, ils pouvaient le détenir et la fouille du sac était justifiée.
Toutefois, au cours de l'été, dans R. c. Goncalves, ont été exclus de la preuve le pistolet de l'accusé et les stupéfiants saisis, compte tenu de la faiblesse des motifs d'arrestation. Selon le tribunal, il est impossible que le policier en cause, qui se trouvait à proximité de l'accusé dans une station-service lorsque celui-ci a remis son sac de type «man purse» à sa conjointe, ait pu constater ce qu'il dit avoir constaté selon la séquence qu'il a décrite.
Mai
Théâtre du Trident inc. c. Directeur des poursuites criminelles et pénales
Les appelantes ont reçu chacune un constat d'infraction pour avoir toléré que des comédiens représentent l'acte de fumer sur une scène de théâtre lors de la représentation de pièces, et ce, avec des cigarettes et des cigarettes de cannabis factices aux herbes. Le juge de première instance a conclu que l'acte de fumer une cigarette sur scène, même si celle-ci est aux herbes, ne bénéficie pas de la protection prévue à l'article 2 b) de la Charte canadienne des droits et libertés et à l'article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne.
La Cour supérieure a déclaré que les mots «culturelles ou artistiques» se trouvant au paragraphe 5 de l'article 2 de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme ainsi que l'article 1 du Règlement d'application de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme étaient invalides et inopérants parce qu'ils ne prévoient pas d'exception ou de mesures visant à limiter leurs effets attentatoires dans un contexte de représentation artistique.
Juin
Metellus c. Procureur général du Québec
Dans cette action collective, le demandeur soutenait que la Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile, qui a déréglementé l'industrie du taxi en abolissant l'exigence des permis pour effectuer du transport rémunéré de personnes, a eu pour effet de déposséder les membres du groupe d'un bien en capital affecté à l'exploitation de leur entreprise, les privant ainsi de la jouissance de leurs droits de propriété sur ce bien. Il s'agirait donc d'une expropriation déguisée (art. 952 C.C.Q.).
Le tribunal a fixé à 143 873 463 $ l'indemnité d'expropriation.
Ne manquez pas notre prochain billet, qui fera le recensement de décisions du second semestre!
D'ici là, n'hésitez pas à nous faire connaître les décisions qui vous ont marqués en 2024.
Les auteurs du Blogue ne peuvent donner d'opinion ni de conseil juridique relativement aux situations personnelles des lecteurs.
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