Les décisions des tribunaux administratifs du Québec représentent plus de 60 % du volume de traitement et de diffusion de SOQUIJ. Pourtant, malgré son influence dans le quotidien des Québécois et des Québécoises, la justice administrative reste peu connue. En 2023, SOQUIJ a rencontré les différents décideurs administratifs pour mieux connaître et faire connaître leur travail.
Au Québec, un tribunal administratif assiste les ordres professionnels dans leur mission de protection du public à l’égard de manquements déontologiques commis par l’un ou l’une de leurs 422 000 membres.
Pour en savoir plus sur le traitement des plaintes et sur le mandat des présidents du Bureau des présidents de conseil de discipline (BPCD), SOQUIJ en a rencontré 2: Manon Lavoie, qui occupe également le rôle de présidente en chef adjointe, de même que Jean-Guy Légaré.
Un Bureau central pour l’efficacité du processus disciplinaire
Créé en 2015, le BPCD est l’un des acteurs importants du système professionnel de droit disciplinaire québécois. En tant que tribunal administratif, il participe au processus de gestion et d’audition des plaintes disciplinaires touchant les membres des 46 ordres professionnels. Ses présidents siègent, avec 2 membres de l’ordre professionnel visé, aux différents conseils de discipline en fonction des dossiers qui leur sont assignés.
Le fonctionnement centralisé du BPCD garantit la rapidité et l’efficacité du traitement des plaintes ainsi que la cohérence des décisions rendues dans l’ensemble des conseils de discipline. La grande majorité des plaintes cheminent comme suit:
- Le syndic ou le syndic adjoint d’un ordre professionnel constate un manquement déontologique d’un membre ou reçoit une demande d’enquête à cet effet;
- S’il le juge pertinent, le syndic ou le syndic adjoint procède à une enquête;
- Si l’enquête en démontre la nécessité, le syndic ou le syndic adjoint dépose une plainte au greffe de son ordre professionnel;
- Le secrétaire du conseil de discipline de l’ordre achemine la plainte au président en chef du BPCD, qui l’assigne à l’un des 14 présidents;
- Le conseil de discipline, formé du président et de 2 membres de l’ordre professionnel visé, détermine l’issue de la plainte en rendant une décision de culpabilité ou de non-culpabilité;
- En cas de culpabilité du professionnel, le conseil tient une deuxième audience sur sanction afin de déterminer les sanctions à imposer au professionnel.
Les conseils de discipline entendent aussi des plaintes privées déposées par les citoyens, lesquelles suivent le même cheminement que les plaintes portées par les syndics ou les syndics adjoints. De manière générale, ces plaintes sont portées lorsque le syndic refuse de porter plainte contre un professionnel et ferme le dossier d’enquête et que le comité de révision de l’ordre professionnel, qui peut réviser la décision du syndic ou du syndic adjoint de ne pas porter plainte au terme de l’enquête, partage cet avis.
«Le droit disciplinaire québécois est une justice par les pairs, c’est-à-dire que nous siégeons toujours à trois. Par exemple, un ingénieur fera face à un président de conseil de discipline accompagné de deux ingénieurs; si c’est un architecte, il y aura un président avec deux architectes; un président, deux médecins; etc.»
– Jean-Guy Légaré, président
Ce mode de fonctionnement se distingue du régime autrefois en place: les présidents exerçaient leurs fonctions à temps partiel et ne siégeaient pas à tous les conseils de discipline. Ils travaillaient indépendamment puisque aucun organisme central ne les rassemblait pour uniformiser les pratiques. Aujourd’hui, en plus de veiller au traitement rapide des plaintes, le BPCD assure une certaine prévisibilité, c’est-à-dire que les syndics, les professionnels et le public ont une meilleure idée de l’évolution des dossiers.
En ce qui a trait aux décisions rendues, leur diffusion sur le site Internet de SOQUIJ permet aux citoyens d’aller les consulter, par exemple pour vérifier les antécédents disciplinaires d’un professionnel ou d’une professionnelle.
Garantir qu’aucun professionnel n’est au-dessus des normes de sa profession
En collaboration avec les ordres professionnels, le BPCD protège le public en participant au maintien des normes professionnelles rigoureuses en vigueur au sein des différentes professions et à la reconnaissance de nouvelles obligations déontologiques non spécifiées dans les règlements adoptés par les ordres professionnels (ex., utilisation des médias sociaux et technologies de l’information par les professionnels), de l’ingénierie à la pharmacie en passant par la comptabilité, le travail social et l’ergothérapie. Il traite les plaintes disciplinaires avec la mission suivante: s’assurer que les professionnels et les professionnelles exercent leur profession dans le respect de leurs obligations et devoirs déontologiques.
Dès sa naissance et tout au long de sa vie, le citoyen québécois aura affaire avec de nombreux professionnels: les technologues, infirmières et médecins présents lors de sa naissance et de son décès; lorsqu’il emprunte un pont construit selon les calculs d’un ingénieur; dans sa résidence conçue par un architecte; lorsqu’il décide de son choix de carrière avec un conseiller d'orientation; ou lorsqu’il mange des aliments issus des terres québécoises évaluées par un agronome.
«La mission du Bureau des présidents des conseils de discipline, comme la mission des ordres professionnels, est la protection du public. C’est notre mission première.»
– Manon Lavoie, présidente en chef adjointe
Par exemple, les architectes doivent exercer leur profession (concevoir des immeubles, par exemple) dans le respect du Code des professions, de la Loi sur les architectes, du Code de déontologie des architectes et selon les dispositions des autres règlements adoptés par l’Ordre des architectes du Québec. Lorsqu’un ou une architecte commet un acte répréhensible menant à une plainte au BPCD, le conseil de discipline est responsable d’évaluer sa culpabilité et la sanction appropriée, qu'il s'agisse d’une amende, d’une formation obligatoire ou d’une radiation temporaire ou encore permanente. Les plaintes peuvent être associées à des infractions à caractère économique ou sexuel, à l’entrave au travail du syndic ou de son ordre professionnel, à la tenue des dossiers ou au comportement général du professionnel, etc.
Il est important de comprendre que le BPCD et ses présidents ne rendent pas leurs décisions dans l’optique de punir un professionnel, mais plutôt dans celle de corriger un comportement fautif afin de protéger le public de fautes futures. D’ailleurs, la plupart des professionnels reconnaissent leurs erreurs et collaborent au processus et à la mise en place des mesures correctives.
Mentionnons également l’importance qu’a la perception du public du système disciplinaire. En effet, c’est une notion qui influence grandement le travail du BPCD: les Québécois et les Québécoises doivent avoir confiance au processus disciplinaire et savoir qu’un professionnel ne peut se soustraire à ses devoirs sans conséquence et que les mécanismes administratifs s’avèrent efficaces en cas de fautes.
Quelques dates clés
1973 : Adoption du Code des professions par le gouvernement du Québec. Cette loi-cadre du système professionnel québécois est au cœur de l’exercice des fonctions du Bureau des présidents des conseils de discipline.
2015 : Création du Bureau des présidents des conseils de discipline (BPCD). Pour améliorer le fonctionnement, la cohérence et les délais au sein du système de justice disciplinaire, le gouvernement provincial forme le BPCD. Celui-ci réunit 15 présidents appelés à siéger aux conseils de discipline des 46 ordres professionnels du Québec afin d’entendre les plaintes portées contre des professionnels.
2020 : Transition vers un mode de fonctionnement numérique. La pandémie de la COVID-19 pousse le BPCD à prendre un virage numérique, améliorant ainsi la célérité de ses processus et réduisant les coûts de déplacement pour l’ensemble des intervenants. La grande majorité des audiences disciplinaires se tiennent aujourd’hui par visioconférence.
2021 : Publication du Guide à l’usage des personnes non représentées devant les conseils de discipline. Conçu par le Barreau de Montréal, ce guide pratique présente le processus disciplinaire et des notions importantes pour toute partie non représentée devant le conseil de discipline d’un ordre professionnel.
Cette série de portraits des tribunaux administratifs du Québec est réalisée en collaboration avec le Regroupement des présidents des tribunaux administratifs du Québec et la Conférence des juges administratifs du Québec.
Je viens de lire des informations pertinentes à ma situation actuelle. Merci.