Les décisions des tribunaux administratifs du Québec représentent plus de 60 % du volume de traitement et de diffusion de SOQUIJ. Pourtant, malgré son influence dans le quotidien des Québécois et des Québécoises, la justice administrative reste peu connue. En 2023, SOQUIJ a rencontré les différents décideurs administratifs pour mieux connaître et faire connaître leur travail.
Tout Québécois et toute Québécoise a de fortes chances d’interagir un jour avec des agents de la paix, que ce soit pour répondre à une infraction, participer à une investigation ou simplement intervenir comme témoin. Un tribunal spécialisé assure notamment la protection des citoyens dans ces situations afin que les droits protégés par notre société soient respectés.
SOQUIJ a rencontré Marc-Antoine Adam et Sylvie Séguin, respectivement président et vice-présidente du Tribunal administratif de déontologie policière (TADP), pour en apprendre davantage sur la mission de ce tribunal et ses mécanismes.
Un tribunal à part entière, indépendance comprise
Le champ de compétence du TADP, un organisme à vocation strictement juridictionnelle, couvre le travail des :
- Corps policiers, y compris ceux autochtones;
- Agents de protection de la faune;
- Constables spéciaux;
- Contrôleurs routiers;
- Enquêteurs du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI);
- Enquêteurs de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) et leurs supérieurs.
Avant qu’une citation n'atterrisse dans les mains d’un juge du TADP, il faut qu’une plainte en déontologie policière soit transmise au Commissaire à la déontologie policière. Le Commissaire pourra faire une conciliation entre le citoyen et l’agent de la paix, procéder à une enquête déontologique et déposer une citation devant le TADP. Une fois en audience, le ou la juge siège afin de décider si l’action reprochée à la partie policière respecte ou enfreint le Code de déontologie des policiers du Québec.
En tout temps, le TADP agit indépendamment du Commissaire et des corps policiers. Pour chaque reproche de manquement ou d’omission au Code de déontologie, le juge rendra sa décision : l’acte est dérogatoire ou non dérogatoire. S’il détermine que l’agent de la paix a commis un acte dérogatoire, il lui imposera une sanction allant de la réprimande à la destitution, en passant par la suspension sans salaire. Des mesures accessoires pourront également être ordonnées, comme l’obligation de suivre une formation.
«Il faut, d’un côté, permettre aux policiers de faire leur travail et, de l’autre côté, assurer aux citoyens que ce travail-là est bien fait et au bénéfice de la société. Le Tribunal et tous les mécanismes qui entourent sa structure institutionnelle et son indépendance viennent participer à cette mission-là.»
– Marc-Antoine Adam, président et juge administratif
Un moyen pour faire reconnaître une atteinte à ses droits fondamentaux
Le rôle du TADP vise la protection du public et le maintien du lien de confiance entre la population et les corps policiers. Tel un contrat social, ce lien influence les rapports entre les 2 groupes, par exemple dans un contexte d’enquête policière, où la police s’appuie sur la collaboration du public. Conscient de la fragilité de ce lien et des conséquences de sa potentielle dégradation, le TADP traite tous ses dossiers avec impartialité et rigueur.
En offrant un mécanisme de dénonciation aux citoyens lorsqu’ils considèrent que leurs droits fondamentaux sont bafoués, les dispositifs de déontologie policière rassurent les gens quant au travail policier. Selon le TADP, le lien de confiance que ses juges aident à préserver contribue au bon fonctionnement de la société : tant les corps policiers que la population ont besoin de cette collaboration.
«Une enquête policière, ça ne se fait pas tout seul. Ça prend des citoyens qui vont venir se confier aux policiers, qui vont dénoncer des situations. Si la confiance n’est pas là, on ne peut pas avoir une police qui va agir seule. C’est impossible. Donc, ce lien de confiance, c’est ce que nous essayons de préserver par le travail que nous faisons.»
– Sylvie Séguin, vice-présidente et juge administrative
Pour rester un gardien efficace, le TADP se doit d’être attentif et de suivre le rythme des réalités sociales. Plus que jamais, ses membres constatent la rapidité avec laquelle les enjeux évoluent. La société n’étant pas statique et leurs pratiques ne peuvent stagner. Prenons la question du profilage racial, un phénomène qui a demandé au TADP de s’adapter. Au fil des années, les juges ont modifié leurs façons d’analyser les éléments présentés dans ce type de citation puisqu’ils ont remarqué que rares étaient les cas où la preuve était directe. Dans plusieurs décisions récentes, des juges ont aussi opté pour l’imposition de sanctions sévères afin de démontrer l’importance accordée à ces causes par le Tribunal.
Quelques dates clés
1968 : Création de la Commission de police du Québec. Ayant pour rôle la promotion de l’efficacité des services policiers pour assurer une meilleure protection du public, cet organisme n’est alors doté que d’un pouvoir de recommandation.
1990 : Création du Comité de déontologie policière. L’entrée en vigueur de la Loi sur l’organisation policière mène à l’abolition de la Commission de police du Québec, à la création du Comité de déontologie policière et du poste de Commissaire à la déontologie policière et à l’adoption du Code de déontologie des policiers du Québec.
1996 : Publication du rapport Corbo. Intitulé À la recherche d’un système de déontologie policière juste, efficient et frugal : rapport de l’examen des mécanismes et du fonctionnement du système de déontologie policière, ce rapport répondait à une demande du ministère de la Sécurité publique du Québec.
1997 : Ajout à la Loi sur l’organisation policière d’une disposition assurant qu’un membre du Comité de déontologie policière soit issu d’une communauté autochtone. Ce juge administratif est notamment responsable de traiter les plaintes en déontologie touchant les corps policiers autochtones.
2000 : Fusion de la Loi de police et de la Loi sur l’organisation policière. Suivant les recommandations du rapport Corbo, la fusion de ces 2 législations donne lieu à la Loi sur la police. La formation du Comité de déontologie policière passe également de 3 membres (juriste, représentant civil et représentant de la police) à 1 seul membre juriste.
2023 : Adoption du nom «Tribunal administratif de déontologie policière» (TADP). Des modifications à la Loi sur la police mènent au changement de nom de l’organisme. Le «Comité» devient «Tribunal». Il a désormais accès à de nouvelles mesures pour l’imposition de sanctions et à des pouvoirs augmentés en matière de gestion d’instance. Ces changements suivent la diffusion du rapport du Comité consultatif sur la réalité policière.
Cette série de portraits des tribunaux administratifs du Québec est réalisée en collaboration avec le Regroupement des présidents des tribunaux administratifs du Québec et la Conférence des juges administratifs du Québec.
Les auteurs du Blogue ne peuvent donner d'opinion ni de conseil juridique relativement aux situations personnelles des lecteurs.
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