Bien qu'il reste encore plus de 1 mois à l'année en cours, nous pouvons quand même affirmer que celle-ci a été riche en matière de décisions rendues en droit municipal. Dans le présent billet, je vais traiter de celles qui ont retenu mon attention ou qui ont été médiatisées.

Contrat

Inscription au Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics

La Ville de Montréal a refusé de payer la somme de 23 385 $ pour des travaux de nettoyage de trottoirs, car, au moment de leur exécution, l'entreprise demanderesse ne pouvait conclure de contrat avec elle pour une période de 5 ans en vertu de décisions du Bureau de l'inspecteur général de la Ville et de l'Autorité des marchés financiers.

La juge Pilon, de la Cour du Québec, a conclu que, à l'instar de la situation dans Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., la Ville, qui n'avait pas vérifié l'admissibilité de la demanderesse avant de lui confier des travaux, devait restituer à l'entreprise la valeur des services qu'elle avait rendus, les conditions du recours en répétition de l'indu étant remplies.

Interprétation de l'article 27.7 de la Loi sur les contrats des organismes publics

Dans Directeur des poursuites criminelles et pénales c. 9148-3701 Québec inc. (Ysys Corporation), il était reproché à la défenderesse d'avoir contrevenu à l’article 27.7 en ayant conclu un contrat avec la Ville de Rouyn-Noranda alors qu'elle était une entreprise inadmissible aux contrats publics ou non autorisée en vertu du premier alinéa de l'article 21.17 de la Loi sur les contrats des organismes publics.

Le fait qu'un contrat public ait été conclu alors que l'entreprise n'avait pas obtenu une autorisation de contracter et qu'il contrevient donc aux conditions de formation imposées par la Loi sur les contrats des organismes publics pour protéger le public n'entraîne pas la nullité absolue de ce contrat. La défenderesse n'a donc pas été exonérée de l'infraction prévue à l'article 27.7 de la loi.

Fiscalité

Droits sur les mutations immobilières

Dans Société en commandite Immoca immobilier c. Ville de Saint-Augustin-de-Desmaures, il était question de l'article 18 b) de la Loi concernant les droits sur les mutations immobilières. Cet article mentionne la notion de «personnes liées» pour décider de la question de l'exonération du paiement du droit de mutation. Cette disposition est complétée par un renvoi à l'article 19 de la Loi sur les impôts, lequel fait référence à la notion de «contrôle» d'une société.

Or, il est reconnu que la notion de «contrôle de jure» est celle qui doit être appliquée pour déterminer si une situation donnée correspond au contrôle effectif d'une société, et ce, aux termes de l'article 19 de la Loi sur les impôts.

À la lumière de l'article 20 de la Loi sur les impôts, le législateur a choisi d'élargir le «corridor» réservé à l'analyse de la question du contrôle de jure d'une société en permettant d'aller au-delà de sa documentation interne pour aussi considérer les droits juridiques des parties et ceux découlant des contrats.

La Cour a donc précisé que les articles 19 et 20 de la Loi sur les impôts sont complémentaires et indissociables. Le renvoi contenu à l'article 18 b) de la Loi concernant les droits sur les mutations immobilières exigeait d'en prendre acte.

Conseil municipal

Déclaration d'inhabilité

Le 21 août, la Cour d'appel a interprété le terme «sciemment» employé à l'article 938.4 alinéa 1 du Code municipal du Québec. À la lumière des enseignements de l'arrêt Néron, elle a conclu que le conseiller municipal visé par la demande de déclaration d'inhabilité devait avoir été conscient, au moment des faits pertinents, que ses gestes contrevenaient aux règles ou mesures applicables en matière d'attribution de contrats municipaux, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

Responsabilité

Troubles de voisinage

Dans le contexte d'une action collective contre la Ville de Brossard pour troubles de voisinage en raison de la circulation excessive et du bruit incessant sur un tronçon du chemin des Prairies, la Cour supérieure a retenu la responsabilité de cette dernière en vertu de l'article 976 du Code civil du Québec (C.C.Q.) et a accordé des dommages-intérêts en faveur des membres du groupe de citoyens résidant à proximité de ce chemin.

Cette décision a été cassée en appel. La Cour a souligné que, même si l'appelante, à titre de municipalité locale, était propriétaire des rues et des chemins situés sur son territoire, cet état de fait ne suffisait pas en soi pour engager sa responsabilité sans faute. Encore eût-il fallu que les inconvénients allégués puisent directement leur source dans un acte ou une omission de la Ville et relèvent de l'exercice de ce droit de propriété.

Or, dans cette affaire, l’aménagement du territoire selon des objectifs d'urbanisation et de densification, l'élargissement du réseau routier ainsi que la création de pôles commerciaux d'envergure, comme le Quartier DIX30, relèvent de l'exercice par la Ville de ses compétences politiques en matière d'aménagement territorial, dont les conséquences excèdent le champ d'application restreint prévu à l'article 976 C.C.Q. Dans les circonstances, puisque les inconvénients allégués ne découlent pas de l'exercice d'un droit de propriété sur le chemin des Prairies, mais plutôt de l'exercice d'un pouvoir politique de gestion de l'ensemble du territoire, la Cour a conclu que la responsabilité sans faute de la Ville ne pouvait être engagée.

Aménagement et urbanisme

Ordonnance de démolition

En 2020, l'intimée Gestion NDI Champlain inc. a fait l'acquisition d'un immeuble situé sur le territoire de la ville de Gatineau dans le but de le démolir et de construire un immeuble à logements. Il s'agit d'une «maison allumette» qui a été construite vers 1910 et qui est répertoriée depuis 2008 dans l'inventaire du patrimoine bâti de la Ville. La juge de première instance a ordonné la démolition de l'immeuble en cause, après sa «conservation» sur une plateforme virtuelle.

La Cour d'appel a tout d'abord précisé que l'intimée n'était pas tenue d'envoyer un avis au ministre de la Culture et du Patrimoine suivant l'article 138 de la Loi modifiant la Loi sur le patrimoine culturel et d'autres dispositions législatives, car la démolition demandée n'était pas susceptible de résulter d'une demande d'autorisation conforme aux règlements municipaux, mais plutôt d'une ordonnance du tribunal en vertu de l'article 231 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, soit un processus distinct soumis aux critères particuliers prévus à cet article.

Ensuite, en ce qui concerne la conclusion de la juge ayant ordonné à l'intimée d'exécuter des mesures de préservation virtuelle d'éléments patrimoniaux, la Cour a souligné qu'elle vise uniquement cette dernière. Ainsi, seule l'intimée aurait pu s'en plaindre, ce qu'elle n'a pas fait. D'autre part, bien que la Ville ait raison d'affirmer que le choix du mode de préservation relève de la discrétion du comité de démolition et du conseil municipal en cas de révision, encore faut-il que la démolition du bâtiment visé requière une autorisation de celui-ci, ce qui n'était pas le cas dans cette affaire puisque la démolition avait été ordonnée par un tribunal.

Enfin, bien que l'«utilité» du remède à laquelle renvoie le premier alinéa de l'article 231 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme soit celle des travaux ou des ouvrages nécessaires afin de faire disparaître le danger pour les personnes, une fois le danger éliminé, il revient au propriétaire de décider du sort du bâtiment. Dans ce dossier, la démolition du bâtiment était ce que le propriétaire recherchait.

En rafale

L'article 72 de la Loi sur la fiscalité municipale n'autorise pas une municipalité à décider, à sa guise et sans contraintes, de ne pas déposer un nouveau rôle triennal d'évaluation et de prolonger l'application du précédent.

L'entrée en vigueur, le 8 octobre 2024, des modifications apportées au règlement sur le bruit à l'égard du territoire du Plateau-Mont-Royal a entraîné la caducité de l'ordonnance d'injonction rendue par la Cour d'appel le 23 septembre précédent à l'endroit des défenderesses, lesquelles exploitent la salle de spectacle La Tulipe.

La Ville de Laval n'a pas démontré que la destitution de sa directrice générale adjointe, qui avait réagi avec colère après qu'un collègue l'eut traitée d'hystérique et d'incompétente, reposait sur des motifs sérieux et non arbitraires; la destitution a été annulée et la réintégration, ordonnée. Cette dernière a obtenu une indemnité pour perte salariale de 304 250 $ ainsi qu'une somme de 25 000 $ en dommages non pécuniaires.