Je lisais récemment dans un article que le café jouait un rôle insoupçonné dans le bien-être au travail. En effet, il ne s’agit pas seulement d’une boisson populaire, mais également d’un levier pour la cohésion d’équipe et l’amélioration générale des performances sur le lieu de travail. On y suggère même aux gestionnaires de prioriser ces pauses café.
Mais qu’arrive-t-il lorsque cette consommation de café est la cause d’un accident du travail?
Définissons d’abord quelques concepts.
Accident du travail
L’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles définit l’accident du travail comme un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l’occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle.
À l’occasion du travail
Cette notion n’est pas définie par la loi. Toutefois, plusieurs critères peuvent être analysés afin de déterminer si l’accident est survenu à l’occasion du travail, soit: le lieu de l’accident, le moment de l’accident, la nature des activités exercées au moment de l’accident ainsi que la présence d’un lien de subordination entre l’employeur et le travailleur au moment de l’accident.
Il y a lieu de préciser qu’aucun de ces critères n’est à lui seul décisif. Chaque cas doit être apprécié suivant les circonstances qui lui sont propres.
Quelques exemples jurisprudentiels
Richard et Ambulances Louiseville, une division de Dessercom inc.: réclamation acceptée
Après avoir répondu à un appel, un ambulancier s’est rendu au service à l’auto d’un restaurant populaire et a subi une brûlure au deuxième degré lorsqu’un café s’est renversé sur lui dans l’ambulance alors que, en s’étirant pour reprendre sa carte bancaire, son pied a bougé et a entraîné un déséquilibre du plateau qui contenait les boissons.
Le Tribunal a reconnu qu’il s’agissait d’un événement imprévu et soudain survenu à l’occasion du travail puisque le travailleur passait la plupart de son temps dans l’ambulance et que son employeur l’autorisait à acheter des cafés ou de la nourriture pendant les périodes où il était en attente d’un appel.
Tomasino et Serge Richard Rénovation: réclamation acceptée
Un manœuvre spécialisé a été victime d’un accident de la route alors qu’il allait chercher des cafés pour toute son équipe pendant sa pause du matin. Il s’agissait d’une pratique bien établie dans son milieu de travail.
Considérant notamment que c’est le contremaître qui avait désigné le travailleur pour aller chercher les cafés, le Tribunal a déterminé que cet accident était survenu à l’occasion du travail.
Robillard et Directeur des poursuites criminelles et pénales: réclamation rejetée
Quelques minutes avant la fin de sa pause repas, une travailleuse est tombée en allant se chercher un café dans la galerie marchande de l’immeuble où se trouvaient les locaux de l’employeur.
Le Tribunal n’a pas reconnu que cet accident était survenu à l’occasion du travail puisque celui-ci était survenu sur une voie d’accès aux lieux de travail et que l’activité exercée ne présentait pas de lien de connexité avec son travail, le déplacement n’ayant pas pour but de retourner travailler.
Par ailleurs, une cafetière était accessible sur les lieux du travail, mais la travailleuse a indiqué qu’elle allait plutôt à cette brûlerie, car elle préférait le goût du café et qu’il offrait des lattés. Ce faisant, son déplacement était motivé par sa préférence personnelle et non par son utilité pour l’employeur.
Emballages Mitchel-Lincoln ltée et Boucher: réclamation refusée
Alors qu’il était sorti fumer pendant sa pause, un cariste s’est étouffé en buvant une gorgée de café, est devenu étourdi puis a fait une chute.
Tout en reconnaissant que les pauses comprises dans la journée de travail d’un travailleur sont accessoires à ses conditions de travail et qu’elles ont une utilité relative au regard de l’accomplissement de son travail puisqu’elles permettent de se reposer, le Tribunal a conclu que l’activité accomplie par le travailleur lors de sa pause était tout à fait personnelle. En effet, la jurisprudence considère que de s’étouffer en mangeant ou en buvant ne peut être considéré comme un accident qui survient à l’occasion du travail.
Lapalme et Michael Duff inc.: réclamation acceptée
Un chauffeur de camion longue distance s’est blessé en glissant sur le plancher mouillé de la halte routière où il s’était arrêté pour aller à la salle de bains et s’acheter un café.
Le Tribunal a reconnu qu’il s’agissait d’un accident à l’occasion du travail puisque le travailleur devait forcément s’arrêter dans des endroits publics pour manger ou aller aux toilettes, celui-ci étant affecté à une livraison aux États-Unis, ce qui représentait un déplacement de quelques jours.
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