La jurisprudence quasi unanime confirme l'inapplicabilité de la présomption de lésion professionnelle aux lésions psychologiques au motif que ces dernières ne constituent pas des «blessures» au sens de la présomption de lésion professionnelle. La juge administrative Danielle Tremblay a conclu autrement dans une affaire rendue le 26 mai 2025.
Les faits
Le travailleur occupe un poste de chauffeur d’autobus. Alors qu'il commençait sa journée de travail et qu'il s'affairait dans son autobus stationné en file avec d'autres dans le garage de l'employeur, l'autobus garé devant le sien a reculé et a percuté son véhicule. Le travailleur avait circulé entre les 2 autobus quelques secondes auparavant et il avait prévu y retourner, quelques secondes plus tard, afin d'effectuer des travaux. Il a été secoué et incapable de poursuivre sa journée de travail. Quatre jours plus tard, un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique (SSPT) a été posé. Le travailleur a produit une réclamation à la CNESST. Cette dernière a accepté sa réclamation. L'instance de révision a infirmé cette décision.
La décision
Afin de bénéficier de la présomption de lésion professionnelle prévue à l'article 28 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, un travailleur doit démontrer qu'il a subi une blessure et que celle-ci est survenue sur les lieux du travail alors qu'il était à son travail.
Étant donné que les 2 dernières conditions de l'application de la présomption étaient remplies et vu les circonstances particulières de l'affaire, la juge administrative s'est questionnée à savoir si le SSPT pouvait constituer une blessure.
La juge administrative mentionne que l'on trouve maintenant dans plusieurs assises, notamment certains dictionnaires usuels, des lexiques ou glossaires spécialisés et même dans la législation, la confirmation que le concept de «blessure» se décline désormais de manière physique tout autant que de manière psychologique. Elle souligne que son intention, en énumérant ces différentes assises, n'est pas d'interpréter le critère de «blessure» en tenant compte de leur éclairage, mais plutôt d'étayer le changement de paradigme qu'elle constate.
Après avoir fait une revue de ces différentes assises dans son jugement, elle mentionne qu'on ne peut plus affirmer, comme on le faisait auparavant, que le concept de «blessure» est de nature exclusivement physique et que, de ce fait, les lésions psychologiques sont toutes des maladies.
La juge administrative passe sous la loupe la décision phare Boies et CS Québec-Nord. Elle se dit convaincue que les prémisses dégagées dans celle-ci sont celles qui permettent d'appliquer la présomption, lorsqu'il y a lieu de le faire, à toutes les lésions, indépendamment de leur nature.
Dans Boies, une formation de 3 juges administratifs s'était prononcée sur les pathologies de nature mixte, c'est-à-dire susceptibles de se manifester sous la forme d'une blessure ou d'une maladie. Pour conclure à une blessure, elle a retenu qu'il fallait vérifier si la lésion était apparue à un moment précis dans le temps, de manière subite, alors que, pour conclure à une maladie, la lésion devait apparaître sur une période plus ou moins longue, de manière progressive ou insidieuse.
Considérant que les lésions psychologiques sont de nature mixte, et conformément à ce qui avait été retenu dans Boies, la juge administrative s'est attardée à la manifestation de la symptomatologie ainsi qu'aux signes cliniques plutôt qu'aux définitions non exhaustives des dictionnaires, requérant une lésion à des tissus vivants ou encore l'action d'un agent vulnérant.
La juge administrative a conclu que le SSPT diagnostiqué chez le travailleur s'était manifesté comme l'aurait fait une blessure. En effet, les symptômes de ce dernier se sont présentés sans période de latence, immédiatement après l'événement au cours duquel son autobus avait été percuté par un autre autobus. Le travailleur a été incapable de poursuivre sa journée de travail. Le professionnel de la santé consulté 4 jours plus tard a lui aussi confirmé l'apparition subite des symptômes du travailleur. Sur l'attestation médicale, il est question d'anxiété sévère, de peur de récidive, de rumination sur la possibilité de blessures graves, d'insomnie et de cauchemars.
Le travailleur a donc bénéficié de la présomption, laquelle n'a pas été repoussée par l'employeur. La juge administrative précise qu'elle aurait également conclu à un accident du travail. Le fait que le travailleur a été exposé à une menace de blessure grave, voire à la mort, constitue un événement imprévu et soudain, lequel a entraîné le SSPT.
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